Le président américain, Joe Biden, a signé la nouvelle loi relative au budget de Défense. Fruit d'un accord bipartisan, le nouveau budget préserve les acquis de la coopération militaire maroco-américaine. Décryptage. Concomitant au troisième anniversaire de la Déclaration tripartite signée avec le Maroc et Israël, mise à l'épreuve par un contexte géopolitique tendu au Proche-Orient, les Etats-Unis se sont dotés d'un nouveau budget de Défense, voté par les deux Chambres du Capitole, et avalisé par la Maison Blanche. Un budget colossal qui s'élève à 886 milliards de dollars, un record digne de la première armée du monde. Au milieu du tumulte politique qui règne sur la scène politique américaine à la veille d'une élection présidentielle qui s'annonce houleuse, les membres du Congrès, bien que plus divisés que jamais, avant les vacances de Noël, ont donné leur aval au texte qui a été signé ensuite par le président Joe Biden. Avec des moyens énormes, l'Armée américaine aura de quoi financer aisément son "impérium" à travers le monde où elle est quasiment déployée partout. Aussi, les fonds débloqués serviront-ils à financer les exercices militaires menés conjointement avec les alliés des Etats-Unis, dont évidemment le Maroc, l'un des pays avec lesquels l'US Army s'entraîne le plus en Afrique. Comme ce fut le cas l'année précédente, le nouveau budget de Défense américain est passé sans mauvaises nouvelles pour le Royaume. La Loi sur l'autorisation de la Défense nationale (NDAA) pour l'année fiscale 2024 ne contient nulle entrave à la coopération militaire, une cible préférée pour les lobbys pro-Polisario au Capitole. Le texte de loi, rendu public, ne fait mention d'aucune condition restrictive au financement des projets de coopération militaire. Les élus américains y ont introduit, par contre, un paragraphe réservé à la Déclaration tripartite, signée le 22 décembre 2020 à Rabat. Pas grand-chose sauf quelques remarques positives sur les retombées de cette Déclaration et la reprise des relations entre le Maroc et Israël aux yeux des Etats-Unis. Selon le texte de loi, cela a été bénéfique à Washington du moment qu'il permet aux Renseignements américains de recueillir des informations nouvelles et précieuses sur les priorités nationales en matière d'intelligence. Au-delà de cette précision, rien d'inquiétant pour les intérêts du Maroc. L'enjeu des exercices conjoints Cela dit, la coopération militaire entre Rabat et Washington reste intacte et poursuit son cours normal puisque la loi votée au Congrès est si nécessaire pour le financement des exercices militaires conjoints, dont le fameux African Lion, le plus grand exercice en Afrique et auquel participent les Forces Armées Royales. Les préparatifs ont d'ores et déjà commencé pour l'édition 2024. Dès le 28 septembre dernier, Agadir a abrité les premières réunions multinationales de planification des exercices de la prochaine édition. De hauts gradés de plusieurs pays, dont le Ghana, l'Italie, les Pays-Bas, le Sénégal et le Royaume-Uni ont rejoint leurs homologues marocains et ceux de la Force opérationnelle américaine de l'Europe du Sud (SETAF-AF) afin de se projeter sur les éventuels scénarios de manœuvres. Lesquels ne devraient pas trop changer par rapport à ce qu'on a eu l'habitude de voir dans les éditions précédentes, selon une source militaire américaine bien renseignée. "Ce genre d'exercices ont vocation à améliorer l'interopérabilité entre les pays participants, c'est la priorité absolue", confie-t-elle. Par ailleurs, il serait réducteur de limiter la coopération militaire à un tel exercice, aussi gigantesque soit-il, pour la simple raison que les FAR et l'US Army s'entraînent si souvent sur plusieurs champs d'opérations. Le Maroc participe à environ une centaine d'exercices et événements militaires, tous types confondus, aux côtés des Etats-Unis, selon l'attaché de Défense des Etats-Unis au Maroc, le Colonel Kenneth Gjone. Sur terre comme sur mer, l'interopérabilité entre les forces marocaines et américaines est mise à l'épreuve chaque année. Les exercices Atlas Handshake en sont la meilleure preuve. C'est une occasion pour les frégates de la Marine Royale de manœuvrer aux côtés des destroyers américains au large des côtes atlantiques. Le Maroc accorde une très grande importance à l'expertise militaire des Etats-Unis pour améliorer régulièrement les capacités défensives des FAR de sorte à ce qu'elles soient en constante évolution par rapport aux normes de l'OTAN. Dans une déclaration précédente à "L'Opinion", l'ex-patron de l'Africom (Commandement des Etats-Unis pour l'Afrique), le général Stephen Townsend, qui a passé maintenant le flambeau au général Michael Longley, a clairement confié que les FAR sont alignées à la façon de faire de l'OTAN. Le Royaume, rappelons-le, a le statut d'allié majeur de l'Alliance transatlantique et cela lui vaut de bénéficier de faire partie des 16 pays partenaires du programme de renforcement de l'enseignement de la Défense (DEEP). Les lobbies pro-Polisario affaiblis
Loin des subtilités militaires, le vote de la Loi sur l'autorisation de la Défense nationale (NDAA) pour l'année fiscale 2024 se solde par une nouvelle victoire marocaine au Capitole, au grand dam du Polisario, dont les relais n'ont pas réussi à mettre le bâton dans les roues de l'alliance militaire maroco-américaine, comme ce fut le cas il y a plus de deux ans.
Retour en arrière. Nous sommes le 27 décembre 2021, le président Biden vient d'apposer sa signature sur le nouveau budget de Défense. Les regards médiatiques se sont immédiatement fixés sur un passage curieux dans lequel les Etats-Unis conditionnent étonnamment leur aide militaire aux exercices militaires conjoints avec le Royaume. La condition fixée est classique. Le Maroc était appelé, en échange de l'aide américaine, à œuvrer à trouver une solution mutuellement acceptable au conflit du Sahara. Ça sent les mains d'un certain James Inhofe ! Le sénateur républicain, actuellement retraité, avait réussi à convaincre ses homologues au Sénat de fourrer cet amendement. Ce chantage, mal perçu au Royaume, a été vite révoqué par l'Administration américaine, par l'intermédiaire du Secrétaire à la Défense, qui a usé du droit à la dérogation sous prétexte des intérêts de sécurité nationale des Etats-Unis. En définitive, maintenant que les sénateurs pro-algériens sont moins nuisibles aux intérêts marocains, Washington semble soucieux de préserver les acquis de son alliance avec le Maroc et ceux de la Déclaration tripartite, au moment où les aléas géopolitiques affectent le leadership américain dans la région.
Trois questions à Gina Abercrombie-Winstanley : "Les Etats-Unis reconnaissent le rôle stabilisateur du Maroc et son leadership régional" * Aujourd'hui, sur quelle vision la diplomatie américaine actuelle se base-t-elle pour élaborer sa politique à l'égard du Maroc ? Il va sans dire que les relations entre le Maroc et les Etats-Unis sont solidement consistantes. De tout temps, la coopération bilatérale est en nette évolution parce que les deux pays ont une convergence de vue sur la plupart des sujets d'intérêt commun. Les Etats-Unis ont été très impliqués dans les accords d'Abraham, sachant que le pas qu'a fait le Maroc a été très apprécié à Washington. A mon avis, le partenariat entre nos deux pays est assez solide pour résister aux défis géopolitiques.
* Les Etats-Unis demeurent les principaux alliés militaires du Royaume et un acteur clé dans le dossier du Sahara. Quels sont les avantages que procure un pays comme le nôtre aux intérêts américains dans la région ?
Le Maroc a un positionnement stratégique au Maghreb et en Afrique, de façon générale. Les Etats-Unis reconnaissent son rôle stabilisateur dans la région et son leadership depuis longtemps. Aussi, le Royaume est-il perçu comme une porte d'entrée en Afrique, ce qui est incontestable. Pour cette raison, il ne faut pas voir dans les relations maroco-américaines une simple somme d'intérêts communs, ce sont aussi la quintessence d'une amitié historique, basée sur des valeurs partagées. Par conséquent, les Etats-Unis restent engagés à investir davantage dans la coopération avec le Maroc à tous les niveaux.
* Au moment où la guerre ravage le Proche-Orient, la diplomatie américaine espère-t-elle encore que les pays arabes, dont le Maroc qui reste solidaire du peuple palestinien, puissent jouer un rôle dans la reprise du processus de paix ?
Actuellement, la paix est un impératif. La voix du Maroc compte beaucoup, d'autant que le Royaume a l'avantage de pouvoir parler aussi bien aux Palestiniens qu'aux Israéliens, et ce, vu sa crédibilité et sa modération. Cela ne peut qu'être bénéfique pour promouvoir la paix au Proche-Orient.
Recueillis par Anass MACHLOUKH Washington : Le Capitole et la pétaudière ! Plus divisée que jamais, la scène politique américaine est mouvementée par les escarmouches et les désaccords incessants entre démocrates et républicains. Alors que chaque camp contrôle une Chambre, (les démocrates le Sénat et les républicains le Congrès), toute décision fait l'objet d'une rude bataille législative. Ceci s'est révélé au grand jour lors des débats sur l'aide militaire à l'Ukraine qui reste encore bloquée au Congrès, faute d'un accord bipartisan. Ce blocage risque de prolonger la date de départ aux vacances de Noël. Le bras de fer est tellement rude qu'il touche désormais la Maison Blanche. Le président Biden a été visé par une enquête en destitution. Les Républicains lui en veulent beaucoup et semblent déterminés à le faire tomber dans une démarche qui n'aurait pas beaucoup de chances de réussir. Autant de désagréments qui font du Capitole l'arène d'une bataille bipartisane d'une violence inouïe. Sahara : Le forcing américain Au moment où le discours américain sur le Sahara suscitait quelques interrogations, l'Administration Biden a dissipé les doutes en affirmant que sa position demeure inchangée à la veille de la visite du Sous-Secrétaire d'Etat pour l'Afrique du Nord, Joshua Harris, au Maroc où il a rencontré le ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita. Contrairement à ce qui a été le cas des précédentes tournées régionales des hauts diplomates américains, celle de Joshua Harris a fait couler beaucoup d'encre puisqu'elle a été porteuse de plusieurs nouveautés. Avant son arrivée au Maroc, le diplomate américain, surnommé "Monsieur Sahara", est allé rencontrer les responsables algériens en vue de relancer le processus politique au Sahara.
L'attitude américaine a tellement attiré l'attention des observateurs qu'on parle désormais d'un forcing de l'Administration démocrate qui a déclaré vouloir résoudre ce conflit régional "sans tarder", tout en continuant à soutenir le plan d'autonomie. Ceci laisse croire à l'hypothèse d'une pression américaine sur l'Algérie afin qu'elle s'engage à trouver une solution vu son implication directe dans ce différend régional. Cette hypothèse est appuyée par les indiscrétions médiatiques qui ont fuité lors du séjour de Joshua Harris à Alger. Selon les informations qui ont largement circulé, ce dernier aurait même demandé aux Algériens d'envisager une réconciliation avec le Maroc et l'abandon de la politique belliqueuse adoptée par le duo Chengriha-Tebboune à l'égard du Royaume depuis son arrivée aux manettes. Cette demande, si tant est qu'elle soit réelle, se heurte à l'obstination de l'Algérie qui refuse de respecter les Résolutions du Conseil de Sécurité qui exigent sa participation aux tables rondes.