Soutenu par les alliés de Pedro Sanchez, le Parti Populaire (PP) espagnol a réussi à voter une Résolution appelant à revenir au "consensus" sur la question du Sahara. Une manœuvre politicienne sans effet juridique. Au Congrès des députés espagnols, l'opposition relance ses offensives politiciennes afin de faire pression sur le Chef du gouvernement, Pedro Sanchez, pour le faire revenir sur son soutien au Maroc dans l'affaire du Sahara. Le Parti Populaire s'efforce de mener la lutte jusqu'au bout et ouvre un nouveau front. Le parti conservateur a pu faire voter dans la commission des Affaires étrangères une proposition appelant le gouvernement à revenir à "la neutralité" et au "consensus national" sur le dossier du Sahara marocain et à se conformer à la volonté du congrès telle qu'exprimée en 2022. C'est ainsi que cette initiative est présentée. Voté à 24 voix favorables contre treize bulletins opposés, le texte a été adopté au grand bonheur du Parti Populaire dont quelques députés ont été aux anges après le vote comme s'ils ont gagné les élections. « Il s'agit de retrouver un consensus sur l'un des principaux dossiers de la politique étrangère de l'Espagne », a déclaré le député Pablo Hispán à ce sujet. Certes, les partis de droite, le PP et son allié extrémiste décomplexé, VOX, ont évidemment voté pour le texte parce qu'ils étaient à la manœuvre depuis le début. Personne, en tout cas les fins observateurs de l'échiquier politique espagnol, ne peut s'étonner du vote des compagnons de Santiago Abascal, puisque tout le monde connaît l'hostilité viscérale que voue l'extrême droite espagnole au Maroc, perçu, depuis toujours, comme un adversaire historique dont il faut se méfier. Un héritage du franquisme.
Les alliés de Sanchez se rebellent Le plus étonnant est que Pedro Sanchez s'est vu lâché même par ses alliés d'extrême gauche au sein de la coalition, à savoir SUMAR et les nationalistes basques qui ont voté en faveur de la proposition du PP. Il est curieux de voir des ennemis aussi hostiles les uns envers les autres devenir des alliés quand il s'agit du Maroc. Ce-faisant, SUMAR, l'un des piliers de la majorité, semble faire acte de repentance, si symbolique soit-il, pour s'expier d'avoir lâché le Polisario et s'allier à Pedro Sanchez. Lors des tractations de formation du gouvernement, les camarades de Yolanda Diaz, bien qu'ils soient des pro-Polisario patentés, n'ont pas exigé le retrait du soutien espagnol au plan d'autonomie comme condition sine qua non pour rejoindre l'alliance gouvernementale. Ce qui montre que le Polisario compte moins que l'attrait du pouvoir aux yeux des gauchistes extrêmes.
Une Résolution sans valeur juridique ! Le Polisario, pour sa part, n'a pas manqué d'exprimer sa jubilation par la voix de son représentant en Espagne, Abdullah Arabi, qui s'est félicité du résultat du vote. Il n'a pas de quoi se réjouir du moment que cette proposition demeure symbolique et sans effet puisqu'elle est non-législative, dépourvue de la force exécutoire d'une loi. Selon le droit public espagnol, une proposition non-législative se limite à une Résolution sans valeur juridique qui reflète l'opinion des députés sur une question quelconque. C'est l'équivalent d'une Résolution du Parlement européen. La proposition demande des comptes à Pedro Sanchez en le sommant de tenir le Parlement au courant des accords signés avec le Maroc, après la réconciliation en 2022. C'est-à-dire l'ensemble des mesures prises dans le cadre de la nouvelle feuille de route. Aussi, le PP insiste-t-il sur la nécessité que Sanchez s'explique sur les raisons qui l'ont amené à soutenir exclusivement le plan d'autonomie, jugé désormais par Madrid comme l'unique solution réaliste au conflit. Ce changement de position, rappelons-le, a été vécu comme un revirement majeur et un choc pour une partie de la droite qui préférait que l'Espagne reste blottie dans sa zone grise afin qu'elle garde assez de marge de manœuvre sur ce dossier. Cette façon de voir les choses n'est plus tolérable pour le Maroc qui mesure désormais la sincérité de ses alliances à l'aune de la question du Sahara. Relégué depuis 2018 aux rangs de l'opposition, après le départ humiliant de Mariano Rajoy, le Parti Populaire semble faire de la question du Sahara une carte de pression sur le gouvernement. Le PP n'a jamais digéré la décision prise par Pedro Sanchez en mars 2022. Il a tout fait pour y faire obstruction sans parvenir à un résultat, sachant que le leader des conservateurs, Alberto Nunez Feijoo, s'est engagé à constituer une commission d'enquête.
Des tactiques politiciennes Le député du PNV, Aitor Esteban, a clairement dévoilé l'état d'esprit du PP, en faisant savoir, dans une déclaration rapportée par "El Indipendiente", qu'il doutait que le PP aurait présenté la proposition votée s'il était au gouvernement. Une façon de dire que ce sont des manœuvres politiciennes. Quoi qu'il en soit, la droite espagnole n'est pas foncièrement anti-marocaine, estime Emmanuel Dupuy, président de l'Institut de Prospective et Sécurité en Europe (IPSE), rappelant, cependant, que l'actuel patron Alberto Núñez Feijóo est plus dur à l'endroit du Maroc que son prédécesseur Pablo Casado. Selon notre interlocuteur, la dimension marocaine a la même charge émotionnelle en Espagne que la dimension algérienne en France. Par conséquent, conclut-il, des personnalités de droite ont intérêt à muscler ou attendrir leur discours vis-à-vis du Royaume pour des raisons politiques au gré des échéances électorales. Emmanuel Dupuy souligne que l'opposition du PP au soutien au plan d'autonomie est évidente. Pourtant, il n'écarte pas la possibilité que les conservateurs, s'ils le jugent nécessaire, maintiennent la décision de Sanchez sans le dire ouvertement, à l'image de l'attitude des démocrates aux Etats-Unis qui n'ont pas révoqué la décision de Donald Trump.
Le soutien au Sahara : Madrid face à une position irrévocable De son côté, Abdelouahed Akmir, professeur universitaire et spécialiste des relations maroco-espagnoles, estime que la marche de l'Histoire dépasse le Parti Populaire. Comme les relations maroco-espagnoles sont régies par la Realpolitik, la droite, même si elle arrive au pouvoir, aurait du mal à abandonner la décision de Pedro Sanchez, poursuit l'expert, qui rappelle qu'un rapport de l'Institut royal d'études stratégiques, ELCANO, fait à la demande du gouvernement de Mariano Rajoy, a conclu que l'Espagne a intérêt à soutenir le plan d'autonomie. Le scénario d'un Etat fantoche fut jugé funeste. Mariano Rajoy n'a pas eu le courage d'oser prendre une telle décision. "Cela dit, la position espagnole devrait être maintenue, nonobstant le parti au pouvoir, parce que les relations et les intérêts sont tellement enchevêtrés qu'un changement aurait des conséquences irréversibles", insiste M. Akmir qui connaît si bien les subtilités de la scène politique espagnole. Désormais reliés par un partenariat stratégique renforcé par l'organisation commune de la Coupe du Monde 2030; le Maroc et l'Espagne ont atteint un niveau de coopération inédit. Madrid, qui tire les bénéfices de son commerce avec le Maroc dont il est le premier partenaire après des records inédits. L'Espagne se projette aussi au long terme en s'apprêtant à obtenir des parts importantes dans les 45 milliards de dollars de contrats d'infrastructures que le Maroc compte lancer d'ici 2050.