Dans un contexte où le Maroc s'efforce à améliorer l'accès au logement, à travers le déploiement du programme d'aide directe, des acteurs du secteur, notamment Green Building et Social Infra Ventures (SIV), joignent leurs efforts pour la promotion de l'habitat vert. Une alternative qui profite largement aux objectifs du Royaume en matière de gestion de l'eau, selon Zakaria Sadik, Conseiller du Groupement Green Building et Directeur Général du Cabinet ALTO EKO. Interview. * Green Building et Social Infra Ventures (SIV) ont conclu, en janvier dernier, une convention pour promouvoir l'habitat vert. Comment ce partenariat va se traduire dans le marché de l'habitation ? Sur la base des études réalisées par ALTO EKO rapportées aux deux acteurs, je peux dire que ce partenariat est en cohérence avec la politique environnementale du Maroc, et qui peut se traduire par l'adoption d'actions concrètes visant à améliorer l'efficacité énergétique des bâtiments au Maroc à minima conformes au Règlement Thermique de la Construction au Maroc (RTCM). Cela pourrait commencer par l'encouragement et la mise en valeur d'une conception bioclimatique, une enveloppe thermique performante et résiliente et inclure l'utilisation de technologies économes en énergie. Le partenariat est en passe d'encourager l'adoption des incitations pour encourager les investissements dans l'habitat vert, d'étendre les dérogations urbanistiques ou privilégier les logements durables dans le cadre du programme d'aide directe au logement. Des banques marocaines et des bailleurs de fonds internationaux orientent leurs financements vers des projets durables. Tout cela représente un atout fort pour les promoteurs engagés dans la qualité et la durabilité et pourrait encourager davantage d'autres promoteurs à adopter des pratiques de construction écologiques.
* Bien évidemment, le Maroc affiche l'ambition de réussir la transition vers une construction écologique dans l'optique d'atteindre la décarbonation de l'habitat, un secteur accumulant un taux important d'énergie. Quel regard portez-vous sur le chemin parcouru par le Royaume dans ce sens ?
Le Maroc a fait des progrès significatifs, ces dix dernières années, dans sa transition vers une construction écologique. En effet, notre pays a adopté une approche globale en matière de construction écologique, en intégrant des normes de construction durable, la promotion des énergies renouvelables et l'encouragement à l'efficacité énergétique. Des projets tels que le développement de l'Eco-Cité de Zénata, et la mise en place d'une stratégie nationale de lutte contre le changement climatique, témoignent de l'engagement du pays envers la transition écologique. Néanmoins, cette évolution n'a pas concerné tous les types de logements, ni toutes les régions et elle n'est pas suivie par tous les acteurs du bâtiment. Il reste encore beaucoup à faire.
* Quels sont les défis que restent à relever dans ce sens ?
Notre capital humain, nos ressources naturelles et les engagements politiques affichés pour un développement durable sont des atouts forts pour le Maroc dans ce domaine. En effet, les concepteurs et une main d'œuvre qualifiée peuvent être encore mieux formés pour améliorer la qualité de nos bâtiments. Pour certains éléments du bâtiment, le mode constructif au Maroc a ses atouts par rapport à d'autres concepts importés. A titre d'exemple, il offre des produits locaux adaptés au climat et aux besoins des Marocains.
En ce qui concerne les engagements politiques, ils doivent, à mon avis, être adoptés à l'échelle de chaque région et commune, pour être encore plus proches des acquéreurs et des professionnels du bâtiment afin qu'ils se traduisent en action locale.
* Les experts évoquent le manque de financement privé dans ce domaine. Qu'en pensez-vous ? Et quelles mesures préconisez-vous pour susciter l'engagement des acteurs privés ? Ils existent des incitations financières et urbanistiques pour encourager l'adoption de solutions durables, notamment dans ce secteur clé. Reste à ce que ces incitations arrivent à toucher toutes les régions et tous les types de logements, et cela peut passer par des financements étrangers dans le cadre de la politique du Maroc d'ici 2030 et 2050 pour décarboner les secteurs économiques ou par les financements intérieurs dans le cadre des actions de décarbonation aussi.
Cela ne devra pas nous empêcher, à mon avis, de regarder aussi les gisements d'économies possibles qui ont un impact financier non négligeable. Ces économies peuvent être recherchées à chaque niveau de la chaîne de valeur du secteur de l'habitat, que ce soit au niveau des fabricants des matériaux à travers de l'Eco-conception des produits, ou au niveau des concepteurs, constructeurs ou exploitants et utilisateurs.
Il faut aussi que l'utilisateur final puisse être plus exigeant sur la qualité intrinsèque de son logement et ne pas faire uniquement focus sur l'esthétique. Cela demande qu'il soit bien accompagné et qu'il y ait des associations et organismes indépendants qui défendent ses intérêts.
Il y a aussi une réalité du marché de l'offre et de la demande. En effet, il existe déjà une offre en logement durable, même si elle est très timide. Celle-ci commence à prendre de l'ampleur, mais cela demandera des années si nous continuons à ce rythme avant qu'elle soit significative.
* Le Maroc passe par une période difficile marquée par le déficit des ressources hydriques suite à la succession des années de sécheresse. A quel point, la généralisation de la construction eco-friendly est-elle en mesure d'atténuer cette problématique ?
Un bâtiment écologique consomme moins d'eau, à minima 30% de moins par rapport à un bâtiment non-écologique. Ce ratio peut être atteint à travers la mise en place de solutions simples à faible coût, tel que les robinetteries hydro-économe et de WC 3L/6 litres ou moins. L'ajout de solutions telles que le choix de plantes adaptées au climat local et à faible besoin en eau, la mise en place d'un arrosage économe et pendant la période où cela est nécessaire, la réutilisation des eaux grises et la récupération des eaux pluviales et eau de la condensation des climatiseurs, peuvent faire augmenter le ratio de 30% à plus de 70%. La généralisation d'une telle économie, et son association à un usage responsable de la part de nos concitoyens, aiderait beaucoup les efforts déployés pour l'économie d'eau.
Le coût de la généralisation de ces solutions peut être moins onéreux que certaines solutions, telle que le dessalement de l'eau, qui nécessite un besoin important en énergie, même si elle peut être renouvelable.
* Les acteurs actifs du marché de la construction dans la production de matériaux verts, dits holistiques, et la construction des bâtiments proprement dite sont-ils, aujourd'hui, conscients des enjeux climatiques et environnementaux dans le domaine de l'habitat ?
La conscience des enjeux climatiques et environnementaux concerne tous les acteurs, mais différemment. En ce qui concerne les fabricants des matériaux, ils sont confrontés au manque des ressources naturelles et l'augmentation de leurs coûts. Ils font face aussi aux exigences de l'évolution des normes et exigences réglementaires, notamment en lien avec les objectifs du Maroc et celui de la décarbonation du bâtiment. En ce qui concerne les fabricants des matériaux dits « Verts », le contexte actuel présente des opportunités énormes du moment que le marché commence à privilégier les matériaux durables. Au sein d'ALTO EKO, nous avons réalisé des études d'Analyse de Cycle de Vie (ACV) des matériaux de brique de terre comprimée, de pierre ponce, de parpaing, brique, ciment, béton et autres produits. Ces études ACV sont aujourd'hui exigées dans des marchés de travaux de plusieurs projets.