Sécurité routière : Kayouh explore les voies de coopération avec des ministres étrangers    Hongrie: 165 étudiants marocains bénéficient chaque année de bourse d'études    Akhannouch préside une réunion de suivi sur le système de santé    Sécurité routière: Les banques multilatérales s'engagent à porter leurs financements à 10 milliards USD    TGCC acquiert une participation majoritaire de 60% dans STAM et renforce son expansion dans le BTP    Route entre Es-Semara et la frontière mauritanienne : les travaux avancent à 95%    Cellule de "Daech" : Découverte d'un engin explosif supplémentaire à Ain Aouda    Renvoi de clandestins algériens : Bruno Retailleau envisage des sanctions contre Air Algérie    Genève : Zniber met en exergue la position du Maroc quant à l'importance des assurances de sécurité négatives    LDC. Barrages retour : Real, PSG et Dortmund favoris ce soir    Préparatifs CAN-2025 : Le Maroc affrontera la Tunisie et le Bénin en juin prochain    TheCityRun organise la 4ème édition du CasablancaRun sous le slogan « Pour un Maroc en bonne santé »    Sécurité routière : la NARSA et VIVO Energy Maroc renouvellent leur partenariat pour la période 2025-2028    Médecine : création d'un diplôme spécifique au milieu carcéral (DGAPR)    Rabat accueille le Forum des Présidents des Commissions des Affaires Etrangères des Parlements Africains    Pourquoi la visite de Rachida Dati dans les villes du Sahara marocain est un tournant historique qui dérange l'Algérie    Istanbul : Un Marocain défenestré par ses cousins sous l'emprise de drogues    Cellule terroriste liée à Daech : Un engin explosif en montage saisi près de Rabat    Complot terroriste : le travail hors pair du pôle DGSN-DGST pour neutraliser des menaces sécuritaires dans plusieurs villes    La Bourse de Casablanca consolide ses gains à la clôture    Brésil : Bolsonaro inculpé pour tentative présumée de coup d'Etat    Diplomatie chinoise : des développements importants et des perspectives prometteuses pour renforcer le partenariat stratégique entre le Maroc et la Chine    Renforcement de la coopération commerciale entre le Maroc et l'Espagne dans le cadre de la préparation pour la Coupe du Monde 2030    Shanghai: Pleins feux sur les perspectives de l'industrie des véhicules électriques au Maroc    Le gouvernement espagnol approuve la formation d'une commission interministérielle de coordination de l'organisation du Mondial 2030    Football : Škoda Maroc et la FRMF dévoilent la voiture officielle des Lions de l'Atlas    Real Madrid : Jude Bellingham suspendu pour deux matchs    CAN 2025 : Le Maroc pourrait affronter le Nigeria en amical    Athlétisme. Jacob Kiplimo pulvérise le record du monde    Rachid Serraj: "L'IA peut transformer l'agriculture, mais encore faut-il y avoir accès"    Le CMI lance le service de paiement multidevises sur les sites e-commerce marocains    Le Maroc déjoue un vaste complot terroriste orchestré par le groupe Etat islamique (EI)    Retour de la pluie et chute des températures à partir de vendredi    À Tamesna, un arsenal considérable saisi dans un coup de filet antiterroriste    Le Maroc compte investir 1,25 milliard de dirhams pour revigorer l'industrie du bois    « Ma visite dans les provinces du Sud s'inscrit dans le cadre du nouveau livre » des relations entre la France et le Maroc    Ministre de la Culture française : Le Maroc représente une référence culturelle mondiale    Le Jazz africain pose ses jalons à Dakar    Dakhla : Mehdi Bensaid et Rachida Dati inaugurent une annexe régionale de l'ISMAC    Chefchaouen : Les perroquets de la place Outa El Hammam font partie d'espèces protégées    165 Moroccan students secure Hungarian scholarships annually    Sécurité routière: Omar Hilale met en valeur la crédibilité du Maroc à l'international [Vidéo]    Gaza: le président des Emirats affirme à Rubio son refus d'un déplacement des Palestiniens    France-Maroc : Rachida Dati décore Fadila El Gadi et Brahim El Mazned    Officiellement... Ouverture d'un nouveau poste-frontière entre le Maroc et la Mauritanie, passant par Smara, Amgala et atteignant Bir Oum Grein en territoire mauritanien    M. Bensaïd salue la coopération maroco-française dans divers domaines    Maroc-France : signature de plusieurs accords de coopération dans le domaine culturel    Visite de Rachida Dati au Maroc : Voici les accords de coopération signés entre le Maroc et la France    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Hamid Kiran, une culture, une mémoire et une révolution (1935 - 2017)
Publié dans L'opinion le 19 - 01 - 2024

Samedi le 5 août 2017 à 20h30, le Maroc a perdu un grand homme et moi un grand ami. Hamid Kiran a rendu l'âme à l'âge de 82 ans. Quelques semaines auparavant, j'ai amené Hamid voir la mer. Il aimait s'abandonner à la chaleur du soleil, lui dont la lumière fait partie prenante de son oeuvre. Durant 41 ans, chaque moment passé avec lui, je l'ai vécu comme un grand privilège. Je ne suis pas le seul d'avoir été honoré de croiser son chemin.
Je n'attendrais pas l'anniversaire de sa mort pour le rappeler à notre mémoire! Pour sa grande contribution à la culture au Maroc, on ne rendra jamais assez hommage à cet homme!
Il y a de cela très longtemps, au cœur des années de plomb, cet homme a fait sa révolution, tranquille, discrète, presque anonyme, mais néanmoins une véritable révolution. Durant presque 40 ans, il était caissier d'une banque. Le jour, il comptait des chiffres. Le soir et la fin de semaine, il changeait le monde en étant artiste-peintre, danseur, chorégraphe et poète. Aujourd'hui, un peu partout dans le monde, des marocains comme moi, lui doivent leur épanouissement, leur ouverture sur la modernité et sur le monde.
Le point culminant de sa révolution fut le FRAT, Foyer de recherche artistique et théâtrale qu'il fonda en 1968 avec la collaboration d'une grande Dame, Nina Baldoui, la générosité en personne. Grâce à elle et son local-studio, situé juste à côté de l'hôtel Hassan à Rabat, des centaines de jeunes marocains, garçons et filles, ont été initiés à la danse classique par notre révolutionnaire. Il ne se contentait pas de donner des cours, il racontait la danse, ses époques, ses grandes figures et sa raison d'être. Il nous a appris que la danse est un art majeure! À travers le royaume, ces jeunes ont laissé des traces de leur art, avec des spectacles inspirés du classique, du moderne et évidemment de notre patrimoine folklorique qu'il a mis en scène dans une grande oeuvre chorégraphique, Poèmes de sud.
Dans cette période qu'on qualifie aujourd'hui de plomb, cet homme avait semé le sens de la beauté et de la grâce dans la tête d'une jeunesse marocaine douée sans le savoir pour l'art. À sa manière, notre révolutionnaire faisait de l'éducation populaire. Il le faisait bénévolement. Très souvent, il dépensait de ses poches les frais des déplacements, des costumes et des décors. Personne au Maroc ne donne des cours de danse gratuitement, excepté Hamid Kiran.
J'ai deux frères qui habitent l'Allemagne (Adil Laraki et Younes Laraki). Tous les deux ont mené une carrière exemplaire en tant que danseurs professionnels. L'un à l'Opéra d'Essen, l'autre à l'Opéra de Berlin. C'est au FRAT, avec notre révolutionnaire, qu'ils ont été initiés à la danse classique sans savoir qu'un jour ils en feraient un métier. Je peux citer des dizaine d'autres exemples. Ceux comme moi qui n'ont pas donné suite à la danse et au théâtre, doivent néanmoins à leur passage au FRAT d'avoir découvert en eux-mêmes la part lumineuse.
Hamid Kiran a été aussi le chorégraphe pour plusieurs spectacles nationaux dont celui d'un Opéra présenté à la grande porte de Chellah. Pour célébrer la fête de la jeunesse de 1979, le spectacle « De l'obscurité à la lumière » a été chorégraphié avec la participation de quelques 300 jeunes issus des orphelinats du Maroc (Opéra mis en musique par Dr Fennich et Driss Cherradi, écrire par le grand poète, auteur de notre hymne national, Ali Skalli).

Dans cette aventure qui a demandé des mois de préparation, ce n'est pas le spectacle à grand déploiement qui était le plus important. Ce sont les heures, les jours et les mois de préparation et de discussion avec tous ces orphelins, venus de plusieurs villes célébrer leur jeunesse. Pour tous ces jeunes marocains, cet homme n'avait rien du modèle d'autorité auquel ils étaient habitués dans leurs orphelinats. Entre deux cours de danses, entre deux répétitions, les jeunes retrouvaient en lui l'éducateur et le confident. Celui avec qui ils pouvaient parler librement. Parler de danse, de musique, parler aussi de leurs rêves, leurs projets et de leurs questions existentielles. Pour plusieurs jeunes, cette bouffée de liberté, cette initiation à la culture ont été un moment fondateur, un moment déterminant dans leur vie.
Dans une culture ou le rapport au corps est grandement dicté par une morale religieuse, l'expérience au sein du FRAT, a été pour tous ces jeunes, filles et garçons, une expérience initiatique pour une exaltation du corps. Entrer dans un dialogue nouveau avec son corps et celui de l'autre. Ainsi, pour un garçon, danser avec une fille, la porter et la serrer dans ses bras, n'avait plus rien de malsain.
Il y a aussi derrière Hamid Kiran toute une vie d'artiste peintre. Durant plus de 60 ans, il peignait chaque jour. C'est l'un des très grands et des plus prolifiques que le Maroc ait connu. Mais, pour des raisons qui m'échappent, Hamid Kiran, le peintre, demeure encore mal connu de ses compatriotes.
Sur la marche verte, il a créée une œuvre magistrale. Aux premières commémorations de la grande marche de 1975, notre télévision nationale ouvrait l'antenne avec l'image de ces mains tendues vers le drapeau national flottant dans le ciel, entouré d'un chapelet.
Au premier anniversaire de la Marche verte en 1976, la revue ''Al Fenoune'' a publié une édition spéciale. Le Tableau de Hamid a été choisi pour en faire la couverture. Un jour, Hamid a eu l'idée de l'offrir au Roi Hassan II. Pour lui, c'était sa façon de le remercier d'avoir mis au monde une marche qui avait redonné à tout un peuple la fierté d'appartenir à un territoire.
Pour offrir son cadeau, Hamid Kiran s'est adressé directement au Palais. Finalement l'offre a été faite par l'intermédiaire du Ministre des affaires culturelles de l'époque, Mohamed Bahnini. Au moment de remettre le tableau, les deux fonctionnaires proches du Ministre voulaient le lui acheter, mais Hamid a tenu à en faire cadeau au Souverain.
Jusqu'à sa mort en 2017, plus de 40 ans plus tard, Hamid Kiran n'a jamais reçu le moindre mot, ni du palais, ni du ministre ou du ministère, qui confirme sa réception par le Roi. A t-il eu malentendu ? A t-il eu oubli ? C'est possible. Toujours est-il qu'un grand tableau sur une grande marche existe quelque part au Maroc, mais on ne sait pas où!
En hommage à cette grande Marche et par respect à l'artiste, il est très souhaitable de retrouver l'œuvre de Hamid Kiran. Une fois retrouvée, pourquoi pas la redonner à ceux et celles qui l'ont inspiré, un peuple marocain toujours en marche. Ce tableau lui revient de droit. La Marche verte de Hamid Kiran illustre brillamment l'union du peuple marocain. Une union toujours à protéger. Cette œuvre d'art peut aussi y contribuer à condition de la sortir de l'ombre.
Un musée national a ouvert ses portes en 2014 à Rabat regroupant les grands peintres marocains. Je m'attendais à ce que Hamid Kiran en fassent partie. Ce n'est toujours pas le cas. Pourquoi?
Au delà du royaume, les oeuvres de Kiran ont sillonné d'autres pays comme la France, l'Irak et le Luxembourg. Son style est unique. Dans sa technique, dans le choix de ses thèmes, dans le choix des couleurs et des formes et par l'éducation de sa mère espagnole et son père marocain, Hamid Kiran personnifie la double culture arabo-européenne. Cela saute aux yeux! Regardez sa fresque du hammam, regardez la lumière à travers les goûtes d'eau. Sa peinture brille. Certains critiques d'art la qualifient de prophétique.
Dans un article publié au Maroc par l'Opinion le 23 mai 2014, la critique d'art Nelly Lecomte a consacré un long article à Kiran: « Voilà un peintre qui n'a pas froid aux yeux. D'une expression directe, c'est un peintre qui montre avec franchise l'expressivité du corps humain. Avec sa face transcendantale, il reprend une représentation de la beauté connue depuis l'antiquité. Peintre de l'absolu... »
Hamid Kiran est absolument un des meilleurs hommes que le Maroc ait produit après son indépendance autant par son œuvre picturale que par sa contribution à l'art chorégraphique. Je ne lui connais qu'un défaut, il n'est pas homme d'affaires. Il n'a jamais su se vendre. Il ne sait pas faire partie d'une clique, d'une bande. Un défaut qui ajoute à sa grandeur et à son honneur. Je trouve néanmoins inacceptable que son œuvre picturale passe inaperçue et que son œuvre sur la Marche verte soit mystérieusement cachée. Hamid Kiran est résolument un révolutionnaire marocain. C'est inacceptable de l'exclure de notre patrimoine national.
En 2011, en marge de ce qu'on appelle le printemps arabe, j'entendais des voix appeler à la construction du progrès du Maroc et son développement. Le Maroc saura se distinguer en faisant sa propre révolution. Je crois que faire sortir de l'ombre ce grand marocain, est aussi une belle façon de contribuer au développement et au dialogue dans notre pays.
Le progrès ne serait-il pas aussi de reconnaitre les gestes et les actions révolutionnaires de nos compatriotes ? Cliquez et regardez ce montage-hommage à Hamid Kiran :


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.