Entre Alger et Bamako, rien ne va plus. En l'espace de 48 heures les choses sont allées très vite pour arriver au rappel des ambassadeurs des deux pays. Ce qui signifie la fermeture des canaux officiels de dialogue. Comment en est-on arrivé là ? On pensait que la convocation de l'ambassadeur malien à Alger par Ahmed Attaf, le ministre algérien des Affaires étrangères en réaction à celle de son homologue qui a été convoqué à Bamako, allait dissiper ce qu'on croyait être un simple malentendu. Le langage conciliant du ministre algérien à l'adresse du chef de la représentation diplomatique malienne à Alger ne présageait nullement d'une escalade de la tension. Une escalade qui vient d'Alger en convoquant son ambassadeur à Bamako. Comme si Ahmed Attaf agissait en dehors d'une ligne de conduite tracée par des pouvoirs occultes qui ont d'autres desseins que celui de faire prévaloir la sagesse et la raison entre deux pays voisins qui ont entretenu, de tous temps, des relations empreintes de respect et de cordialité. Le rappel de l'ambassadeur d'Algérie au Mali n'a pas été soulevé par le ministre algérien des Affaires étrangères lors de son entrevue avec l'ambassadeur malien. Rien n'indiquait, dans le communiqué du département d'Ahmed Attaf diffusé le 21 décembre, que les deux pays allaient franchir le pas du rappel des ambassadeurs. C'est Alger qui a pris l'initiative et Bamako a immédiatement répliqué sans attendre pour faire de même. Un fait sans précédent dans les annales des relations des deux pays. Tout a commencé avec la prise de la ville de Kidal, au nord du pays, par l'armée malienne à la mi-novembre dernier. L'on n'a enregistré aucune réaction officielle du côté algérien, parrain des accords d'avril 2015 entre le pouvoir central de Bamako et les rebelles du nord. Ce n'est qu'un mois plus tard qu'Alger se manifeste par le biais d'un communiqué diffusé le 13 décembre dans lequel les autorités algériennes expriment leur « ferme conviction que l'accord d'Alger demeure le cadre idoine pour la résolution de la crise au Mali ». Par cette occasion, elles invitent « toutes les parties maliennes à renouveler leur engagement dans cette œuvre collective de paix et de réconciliation ».
L'appel d'Alger est suivi d'effet du côté des rebelles qui se rendent à Alger où ils sont reçus en haut lieu. Le premier ministre algérien reçoit tour à tour Alghabass Ag Intalla, secrétaire général du Haut conseil pour l'unité de l'Azawad (HCUA) et actuel président du CSP, Fahad Ag Almahmoud et Hanoun Ould Ali, représentants de la Plateforme mais aussi le porte-parole du CSP, Mohamed Elmaouloud Ramadane. Seul le chef du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA), Bilal Ag Acherif, n'a pas donné suite à l'appel d'Alger. Les rencontres entre le chef du gouvernement algérien et ses hôtes maliens ont, essentiellement, porté sur un échange de vues sur les derniers développements de la situation dans la région. Selon des sources proches du dossier, qui est piloté par la Direction Générale de la Documentation et de la Sécurité Extérieure que dirige le général-major Djebbar Mehenna, Il n'a pas été question de relancer l'accord d'Alger. La relance nécessite l'association du gouvernement malien qui était, contrairement aux usages, tenu éloigné et dans l'ignorance des tractations d'Alger. C'est l'audience accordée par le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, à l'imam quiétiste conservateur Mahmoud Dicko, un homme politico-religieux sans grande influence, qui a provoqué l'ire des autorités maliennes. Leur réaction ne s'est pas fait attendre, d'autant plus qu'ils ont eu vent des pourparlers entre les opposants du pouvoir et le gouvernement algérien. C'était suffisant, pour les Maliens, de justifier, amplement, la convocation de l'ambassadeur d'Algérie à Bamako au lendemain de la rencontre Tebboune-Mahmoud Dicko en présence du patron des services secrets extérieurs algériens. Alger en fait de même, le lendemain, avec l'ambassadeur malien à Alger. On croyait que les choses allaient s'arrêter à ce stade. Mais contre toute attente les autorités algériennes convoquent leur ambassadeur à Bamako « pour consultation ». Contrairement aux Français et aux Espagnols qui n'ont jamais suivi Alger sur la voie des hostilités en évitant de répliquer aux convocations des ambassadeurs d'Alger à Paris et à Madrid, les Maliens ont répondu dans l'immédiat. Dans une lettre adressée au ministère algérien des Affaires étrangères, les hautes autorités ont évoqué « le principe de la réciprocité en rappelant pour consultation M. Mahamane Amadou MAIGA ». (Voir document). Les choses se sont précipitées et ce qui semblait, il n'y a pas longtemps, difficile à imaginer s'est, finalement, produit. Le rappel des ambassadeurs signifie la fermeture des canaux officiels de communication entre deux Etats. C'est l'avant-dernière étape avant la rupture des relations diplomatiques. Ce n'est guère dans l'intérêt d'Alger quand on sait qu'au moment où le torchon brûle entre elle et Bamako, le chef de la diplomatie malienne, Abdoulaye Diop, est à Marrakech pour participer à une réunion ministérielle de coordination sur l'initiative internationale du Roi Mohammed VI pour favoriser l'accès des pays du Sahel à l'océan Atlantique se tient le samedi 23 décembre à Marrakech, avec la participation du Mali, du Niger, du Burkina Faso et du Tchad.