Interrogé sur l'enrichissement illiccite, le président de l'Instance de la Probité, de la prévention et de la lutte contre la Corruption, Mohammed Bachir Rachdi, est favorable à la pénalisation de cette pratique par une loi spécifique au moment où cela ne semble plus à l'ordre du jour au Parlement. Voici ses arguments. Dans un rapport qui a dressé un tableau sévère de la situation de la corruption au Maroc, l'Instance nationale de la Probité, de la prévention et de la lutte contre la Corruption a réservé une part importante à la question de l'enrichissement illicite qui continue de poser un sérieux débat au moment où ce phénomène perdure. Faute de cadre légal, une loi spécifique pénalisant cette pratique est vivement recommandée par plusieurs organisations, dont l'Instance qui plaide également pour que cette loi voie le jour. C'est ce que nous explique le président de l'Instance, Mohammed Bachir Rachdi, qui y est favorable a cette option qui figure parmi les recommandations principales du rapport. "Nous considérons que l'enrichissement illicite est un domaine qui a beaucoup de particularités puisqu'il s'agit d'une pratique qui évolue au file du temps", nous explique-t-il dans une interview qui sera publiée sur les colonnes de "L'Opinion", soulignant qu'on ne peut parler de l'enrichissement illicite aujourd'hui de la même manière qu'il y a dix ans. D'où la nécessité, selon lui, d'un cadre légal qui soit à jour et qui prend en compte l'évolution des pratiques internationales. Concernant la manière de s'en prendre à l'enrichissement illicite sur le plan législatif, M. Rachdi estime qu'il faut faire preuve de finesse puisqu'il s'agit, de son point de vue, d'un acte qui situe dans la frontière entre les droits des personnes impliquées , en l'occurrence la présomption d'innocence, qu'il faut protéger, et la nécessité de sauvegarder l'intérêt général et la prévention du détournement de l'argent publique. Par ailleurs, M. Rachdi juge qu'il faut une stratégie nationale globale qui soit cohérente afin de s'attaquer à la corruption dans toutes ses incarnations. Notons que le ministre de la Justice a décidé, après son entrée en fonction, de retirer le Code pénal hérité de son prédécesseur qui était au niveau de la Commission de la Justice et de surseoir à l'examen des propositions loi relatives à la pénalisation de l'enrichissement illicite. Un geste qui a suscité beaucoup de débat à l'hémicycle. Le ministre Abdellatif Ouahbi a reconnu la difficulté de la pénalisation de cette pratique qui risque de nuire à la présomption d'innocence. Jusqu'à présent, le nouveau code pénal est quasiment finalisé. Il ne manque que quelques retouches avant qu'il soit adopté par le gouvernement et transmis au Parlement. Rien n'indique si la criminalisation de l'enrichissement illégal y est intégrée. Pour rappel, l'Instance de Probité a émis une série de recommandations pour assécher les foyers de corruption, incluant les propositions sur le système de déclaration, la lutte contre l'enrichissement illicite et la réglementation des situations de conflits d'intérêts.