Durant ces dernières années, la filière nationale de production des huiles et farines de poisson a franchi plusieurs étapes pour améliorer sa production et ses procédés de fabrication. Selon la FAO, le Maroc occupe le 17ème rang mondial en termes de richesses halieutiques. Un atout qui explique l'apport stratégique du secteur halieutique national à la sécurité alimentaire et à l'économie du pays. Si la grande part des exportations (en produits de la mer) est accaparée au Maroc par les segments « frais ou vivants », « congelés » et « conserves et semi-conserves », il n'en demeure pas moins que près de 10% des produits halieutiques commercialisés à l'étranger à partir de notre pays se présentent sous la forme d'huiles et de farines de poisson. « Grâce aux grands efforts déployés par les opérateurs économiques, le secteur de la farine et d'huile de poisson a pu s'affirmer en tant que segment incontournable de la filière pêche. Ainsi, grâce à leur persévérance, les professionnels de la farine et d'huile de poisson ont pu améliorer et enrichir le capital image de leur secteur, reconnu par ailleurs mondialement », peut-on ainsi lire dans la page de l'Association Nationale des Fabricants de Farine et d'Huile de Poissons (ANAFAP).
Industrie polluante ? « D'une industrie polluante, cette activité s'affirme aujourd'hui comme une industrie propre, en ce sens qu'elle empêche le rejet de l'excédent des prises dans la mer, dont les résultats seraient catastrophiques pour le milieu marin », explique la même source. Un bref parcours des publications techniques et scientifiques qui traitent de ce genre d'industrie au niveau mondial permet, en effet, de découvrir les effets environnementaux, potentiellement néfastes, que peut représenter la surexploitation halieutique à des fins de production de farines et d'huiles de poisson. « L'intérêt de produire des huiles et des farines de poisson se justifie par une demande internationale croissante, principalement de la part d'autres industries aquacoles, agroalimentaires ou pharmaceutiques. Le mieux est de pouvoir la voir évoluer dans des pays qui se soucient de son dimensionnement, de son impact et de la durabilité de sa chaîne de valeur que de la laisser s'installer sans contrôle dans des pays pauvres où la réglementation et les standards sont incomplets ou lacunaires», nous confie un expert en économie maritime. Démarche de qualité « L'industrie des huiles et des farines de poisson au Maroc a fait beaucoup d'efforts dans sa démarche de durabilité et de protection des ressources halieutiques. Au niveau des usines, plusieurs investissements ont été consentis avec pour objectif d'améliorer la qualité de production tout en diminuant les impacts environnementaux, notamment les rejets de vapeurs et de déchets liquides », souligne Hassan Sentissi, président de l'Association Nationale des Fabricants de Farine et d'Huile de Poissons (ANAFAP). D'autre part, si cette industrie avait débuté il y a plusieurs décennies en exploitant la sardine entière comme principale matière première, son évolution s'est orientée vers l'utilisation exclusive de poissons non-usinables, c'est-à-dire non-utilisables par les filières du frais et des conserves. « Une autre partie de la matière première provient des chutes issues des unités de transformation de poisson qui, autrement, auraient été tout simplement jetées aux ordures, mais qui sont actuellement transformées dans le cadre d'une démarche normée du point de vue sanitaire et qualitatif », précise la même source.
Prix à la hausse D'autre part, la tendance haussière des prix des huiles et des farines au niveau international est une réalité tangible qui démontre l'intérêt pour le Royaume de se positionner sur ce segment. Durant 2022, les exportations marocaines des huiles et des farines ont enregistré une augmentation de 36% (hausse de 52.000 tonnes) par rapport à l'année 2021, sachant que les prix moyens de ces produits ont également explosé pour atteindre une hausse globale de +42%. L'engouement mondial pour ces produits s'explique principalement par l'épanouissement croissant du marché de l'aquaculture, dont les produits se substituent progressivement aux poissons « sauvages », mais qui dépend encore de l'importation et de la production des farines pour son développement. À noter que la filière de production d'huiles et de farines de poisson est constituée de 24 établissements (autorisés par le Département de la Pêche maritime) qui génèrent près de 1000 emplois directs et 20.000 emplois indirects.
3 questions à Hassan Sentissi « L'ANAFAP prépare une unité de fabrication d'OMEGA3 » - Comment résumer, en quelques chiffres, la filière de fabrication des huiles et des farines de poisson au Maroc ? - Je pense que les principaux indicateurs que nous pouvons avancer concernent les volumes d'exportation ainsi que les chiffres d'affaires de la filière. Concernant les exportations, elles sont actuellement de l'ordre des 136.000 tonnes chaque année pour les farines de poissons et 30.000 tonnes pour les huiles. Cela correspond respectivement à 1.800.000 dirhams et 650.000 dirhams en termes de chiffres d'affaires. À noter que le Maroc est actuellement classé à la 8ème position au niveau mondial sur le segment des farines et huiles de poissons. - Quelles sont les principales utilisations des farines et des huiles de poisson au niveau mondial ? - La farine de poisson est principalement utilisée comme source de protéines dans les élevages aquacoles à hauteur de 57%. Elle est aussi utilisée pour les volailles, les porcs et certains ruminants. Ceci est dû au fait qu'elle soit hautement digestible et riche en acides aminés essentiels (méthionine, lysine, etc.). Les huiles de poisson peuvent être utilisées en tant que graisse industrielle pour le tannage, l'assouplissement et l'entretien du cuir ou encore la savonnerie. Elles peuvent également être raffinées pour être utilisées dans d'autres domaines tels que l'alimentation humaine ou encore l'industrie pharmaceutique. - Quid de la qualité des produits marocains au niveau international ? - En termes d'exigences de qualité, le Maroc est actuellement entièrement aligné avec les autres pays producteurs. L'excellente qualité des matières premières utilisées dans la filière marocaine permet à notre pays d'exporter des produits qui se distinguent au niveau du marché mondial autant pour leur qualité que pour leur prix compétitif. Cela dit, notre filière continue à travailler afin d'améliorer encore plus ses produits et procédés de fabrication, notamment grâce aux efforts de modernisation des outils productifs et de certifications qualité et environnement. Notre vision est de pouvoir produire des produits à haute valeur ajoutée. C'est d'ailleurs dans cette perspective que l'ANAFAP prépare une unité de fabrication d'OMEGA-3 sous forme de gélules et de sirops. Technique : Une même chaîne de valeur aboutissant à deux produits distincts Utilisant des chutes de petits pélagiques, la fabrication d'huiles et de farines de poisson passe par plusieurs étapes de cuisson et de pressage de poissons entiers pour séparer, d'une part, les protéines récupérées dans la fraction farine et les lipides, d'autre part, récupérés dans l'huile. D'autres procédés ont également fait leur apparition dans cette industrie au niveau international, notamment l'extraction par pression à froid, une technique issue de l'industrie de production des huiles végétales et en particulier de l'extraction d'huile d'olive. Après extraction, l'huile obtenue est une huile brute. Afin d'éliminer les composés indésirables, comme par exemple les lipides saturés ou les contaminants, l'huile doit subir un raffinage. Les farines de poisson se présentent à la fin du process comme une poudre jaunâtre ou brun foncé. À noter que cette industrie au Maroc est cadrée du point de vue sanitaire par l'Office national de sécurité sanitaire des produits alimentaires (ONSSA) avec la contribution technique de l'Institut National de la Recherche Halieutique (INRH). Alternatives : Les nouvelles tendances mondiales d'aliments aquacoles « Face au renchérissement du prix de la farine de poisson et aux prévisions de la stagnation de la pêche minotière, la recherche des substituts à cet intrant est devenue essentielle et stratégique pour le développement de l'aquaculture », prédit une étude intitulée « Aquaculture marine marocaine : Potentiel et nécessités de développement », réalisée en 2018 par la Direction des études et des prévisions financières (affiliée au ministère de l'Economie et des Finances) en partenariat avec l'Agence Nationale pour le Développement de l'Aquaculture. Selon les auteurs de cette publication, « les microalgues sont devenues de plus en plus comme substituts plausibles à l'huile de poisson car elles offrent un excellent rendement par rapport aux plantes terrestres et produisent 5 à 10 fois plus de litres d'huile par hectare que le colza ou le palmier, ce qui permettra de remplacer l'huile de poisson dont la demande est de plus en plus accrue ». D'autre part, l'étude souligne l'apport intéressant de la farine d'insectes, qui fait l'objet de plusieurs actions de recherche et d'expérimentation de la part des entreprises industrielles, des start-ups ou encore des Universités, et constitue une véritable alternative pour faire face à la pénurie de la farine de poisson. Aujourd'hui, les Etats membres de l'Union Européenne ont approuvé la proposition de la Commission Européenne d'autoriser l'usage des protéines d'insectes en alimentation des poissons d'élevage. A noter que l'utilisation des protéines d'insectes dans l'aquaculture a démarré en juillet 2017.