La prochaine décennie offre au Maroc des opportunités sans précédent en mesure de le hisser parmi les grands. Voici ce que préconise le Policy Brief du Policy Center for the New South (PCNS) pour atteindre cet objectif dans un contexte à multiples défis. A la recherche de toutes les opportunités que ses atouts lui présentent pour poser les bases du Maroc industriel moderne, le Royaume a mis en place le Plan Emergence 2005-2009, suivi successivement du Plan d'accélération industrielle 2014-2020 et du Plan de relance industrielle 2021-2023. L'idée étant d'améliorer la part de l'industrie dans le PIB, créer des emplois, diversifier les exportations et intégrer les chaînes d'approvisionnement mondiales. Des années plus tard, le Royaume s'est vu réaliser des progrès notables qui ont transformé le paysage industriel marocain et créé de nouvelles dynamiques et perspectives d'évolution, en dépit de la succession de conjonctures et de crises contraignantes et d'une compétition mondiale très exacerbée. Cependant, il n'en demeure pas moins que des défis structurels restent à relever pour hisser le Maroc dans le terrain des grands. Dans un rapport publié récemment intitulé : « Les locomotives des écosystèmes industriels », le Policy Brief du PCNS livre son analyse des opportunités qui se profilent au Maroc dans la prochaine décennie ainsi que les locomotives des écosystèmes industriels nécessaires pour en tirer profit pleinement.
Technologie
Avec les nouvelles tendances en perspective, les solutions qu'offre la technologie pour les entreprises industrielles vont totalement révolutionner le marché, selon les projections du Policy Brief. Rien que dans le secteur automobile, des transitions importantes sont attendues, notamment en ce qui concerne la mobilité partagée, la connectivité, l'usage de véhicules électriques ainsi que la conduite autonome.
Les plateformes technologiques appuyées par l'industrie 4.0 offrent aux entreprises l'accès partagé aux infrastructures, aux systèmes, à l'expertise et aux services dans un cadre collaboratif, mutualisé et orienté vers l'innovation.
« Ces plateformes peuvent être exploitées par des écosystèmes industriels, notamment pour connecter les différentes parties prenantes autour de thématiques définies, pour disposer d'une meilleure gestion et exploitation des données et bénéficier de l'usage des technologies, à l'instar de la conception collaborative basée sur la fabrication additive (impression 3D) », poursuit-on.
Et d'ajouter que les plateformes collaboratives ont révolutionné les pratiques dans la mesure où elles permettent de faciliter la mise en œuvre d'initiatives gouvernementales ou d'orienter les financements vers des domaines technologiques stratégiques. D'où la nécessité d'investir, à l'instar de l'Inde, dans ces plateformes pour les projets de véhicules électriques ou de solutions de mobilité durable.
Dans son rapport, le Policy Brief met l'accent, par ailleurs, sur l'émergence de l'industrie 5.0 en mesure de faciliter l'interaction homme-robot, en particulier dans les activités d'automatisation et de la fabrication intelligente. « Cette nouvelle technologie de pointe devrait profiter non seulement à l'industrie, mais aussi aux employés et à la société en général dans la mesure où elle permet de créer de nouvelles opportunités d'emploi et de générer de la valeur durablement », souligne-t-on.
Coopératives industrielles « Les locomotives ne sont pas exclusives à des grandes industries », relève le Policy Brief dans son rapport, soulignant qu'en plus des entreprises industrielles actives pour l'instauration d'un environnement d'innovation sain et productif, les groupements de coopératives sont en mesure de développer et de créer de la valeur, si tous les ingrédients sont unis, notamment un capital social très élevé et une culture de coopération bien ancrée.
Pour appuyer sa thèse, le Policy Center cite l'exemple de plusieurs groupements de coopératives qui ont réussi à travers le travail collaboratif à produire des écosystèmes durables et viables avec un impact territorial très fort. Il s'agit, entre autres, de Mondragon, une association de coopératives espagnoles créée en 1956 qui couvre quatre domaines : la finance, l'industrie, le commerce de détail et la connaissance. Elle regroupe actuellement 95 coopératives d'environ 80.000 personnes et 14 centres de R&D, occupant la première place dans le classement des entreprises basques et la dixième en Espagne.
Ceci dit, compte tenu du fait que les nouvelles tendances des politiques industrielles donnent de l'importance à la durabilité est à l'inclusion sociale, il est important que le Maroc mette en place un cadre juridique incitatif et des fonds dédiés pour soutenir la création des coopératives en industrie.
Chaînes d'approvisionnement locales
Depuis que le Maroc s'est donné comme défi d'accroître la part des énergies renouvelables dans le mix électrique à 52 %, voire plus d'ici 2030, plusieurs projets d'investissement nationaux et internationaux ciblant le marché des énergies vertes ont vu le jour.
Ce constat soulève, selon la même source, la nécessité d'investir dans des chaînes d'approvisionnement locales (produits et prestations) pour l'optimisation des coûts et des délais et pour une meilleure résilience de ces chaînes. Car oui, le développement des secteurs de l'énergie verte, particulièrement l'énergie solaire, éolienne et l'hydrogène vert, devrait générer de réelles opportunités pour le tissu industriel marocain.
Par ailleurs, malgré la mise en place d'une politique de développement des énergies renouvelables depuis 2009, l'impact sur le secteur industriel est resté faible, selon le Policy Brief.
« Le taux d'intégration locale (hors ingénierie, génie civil, génie électrique et services connexes) des équipements solaires serait de 25 % pour le photovoltaïque et celui des équipements éoliens qui était de près de 40 % devrait chuter à moins de 20 %, cette année, en raison de l'arrêt de production des pales à Tanger », explique-t-on.
Economise circulaire Le modèle d'économie circulaire s'impose de plus en plus comme modèle viable pour les écosystèmes industriels, selon le document du Policy Brief, car elle permet de migrer d'une gestion linéaire de flux de matières premières et de déchets à un flux circulaire qui génère une meilleure optimisation des ressources consommées, y compris l'énergie, et une réduction, voire une élimination des déchets. Ceci dit, il s'agit d'un élément complémentaire à la technologie, aux investissements verts dans la mesure où il permet de limiter le flux de déchets, offre de nouveaux emplois et des conditions de durabilité. Enfin, l'aspiration du Maroc à s'affirmer en tant que leader africain de l'énergie verte mais aussi en tant que hub continental de l'industrie et des services dans ce secteur semble réalisable si toutes ces conditions s'unissent. Atouts clés
En moins de 10 ans, le Maroc est devenu un leader africain et un acteur majeur des chaînes d'approvisionnement mondiales dans l'industrie automobile, l'aéronautique et l'offshoring. L'évolution des investissements étrangers au Maroc dans ces secteurs porteurs en est la meilleure preuve. Deux constructeurs automobiles internationaux y sont localisés avec une capacité de production de 700.000 véhicules par an, un taux d'intégration locale de près de 65 % et 220.000 emplois créés. Ceci n'aurait pas été possible sans la combinaison de plusieurs facteurs clés. Le Policy Brief en cite la stabilité politique et macro-économique, un climat favorable à l'investissement, des infrastructures conformes aux standards internationaux et des programmes de formation adaptés. A cela s'ajoute, bien évidemment, les projets locomotives tels que le port de Tanger Med ou les parcs industriels intégrés (Tanger Free Zone, Tanger Automotive City, Midparc ou Atlantic Free Zone, ...).