L'élaboration des scénarios de décarbonisation a commencé par l'analyse des politiques gouvernementales actuelles pour identifier les principaux leviers stratégiques et les technologies connexes. Au cours des trois dernières décennies, l'économie marocaine a enregistré une croissance annuelle moyenne de près de 4 % s'appuyant principalement sur les services, l'industrie et l'agriculture. Cette évolution a induit une augmentation annuelle de 3,2% des émissions de GES au cours de la période 1990-2016, un taux supérieur à celui de tous les pays d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient réunis, qui est estimé à 1,7%3. En 2016, les émissions totales de GES du Maroc se sont élevées à 86.127,7 gigagrammes d'équivalent dioxyde de carbone (Gg éqCO2). Le secteur de l'énergie était à l'origine de 66% des émissions totales de GES, suivi par l'agriculture et l'utilisation des terres (23%), les procédés industriels (7%) et les déchets (6%). « Dans le secteur de l'énergie, la production d'électricité et les transports sont les principaux émetteurs de GES, représentant respectivement 26 % et 20 % des émissions totales de GES du secteur en 2016 », précise Policy Center For The New South (PCNS). « En 2020, le Maroc, comme le reste du monde, a été frappé par la pandémie de la Covid-19. Cette pandémie a eu, non seulement des répercussions sanitaires catastrophiques, mais aussi un impact négatif considérable, à court terme, sur l'économie marocaine, qui a enregistré une contraction sévère de 7 % en 2020, principalement en raison des mesures de confinement et de la diminution draconienne de la demande extérieure », rappelle à juste titre le PCNS. Même si un rebond de l'activité économique est attendu en 2021, la crise de la COVID-19 a également révélé la fragilité de nos systèmes économiques et a démontré, une fois de plus, l'urgence de bâtir un avenir plus durable qui assure à la fois le développement économique et la préservation de l'environnement. « Compte tenu de ces considérations et sachant que la décarbonisation est un processus de longue haleine, il est donc indispensable d'élaborer une approche à long terme fondée sur une analyse sectorielle approfondie des différents scénarios de décarbonisation, pour que les décideurs puissent être informés dès aujourd'hui des mesures appropriées à prendre », insiste-t-il. A ce titre, différentes mesures et réformes ont été déployées par le Maroc. Bien qu'importants, les résultats obtenus à ce jour dans le cadre de la transition énergétique au Maroc doivent devenir plus ambitieux pour soutenir le développement économique du pays et libérer tout le potentiel socioéconomique d'un système énergétique efficace et durable. Les obstacles actuels à une transition plus poussée ne sont pas simplement liés aux technologies ou aux coûts, mais à la flexibilité insuffisante de la structure actuelle du système énergétique. De plus, bien que les réformes mises en œuvre par le gouvernement au cours des vingt dernières années aient amélioré les conditions d'accès à l'énergie et considérablement réduit le risque de pénuries aiguës d'électricité, le secteur de l'énergie continue de faire face à de graves problèmes financiers récurrents, tout en accusant des retards importants dans les investissements clés. Bien que bénéfique pour l'environnement, la transition énergétique soulève des défis supplémentaires en termes de compétitivité industrielle et d'effets distributifs. Pour ce qui est du premier point, les pays qui s'engagent dans la transition énergétique peuvent dans un premier temps devoir faire face à des réductions de la production industrielle liée aux technologies thermiques. Ces pays devront également se positionner sur une nouvelle chaîne de valeur technologique de production à partir des énergies renouvelables, tout en assurant des niveaux d'investissement adéquats. Cela peut entraîner une inadéquation des compétences et rendre difficile l'intégration de la main-d'œuvre si les aspects liés à l'éducation et à la formation ne sont pas abordés à un stade précoce. S'agissant des effets distributifs, les pays doivent assurer une aide sociale et un soutien aux personnes susceptibles d'être affectées négativement par la transition, garantir l'égalité d'accès aux avantages, éviter une répartition inéquitable des coûts et créer des marchés énergétiques qui reflètent les coûts et sont performants. Par conséquent, l'accélération de la transition énergétique en vue de décarboniser l'économie marocaine nécessite une vision à long terme, fondée sur des analyses factuelles, et l'implication de toutes les parties prenantes du secteur énergétique. À cette fin, le Policy Center for the New South et Enel Green Power Morocco, en étroite collaboration avec les consultants d'AFRY et avec toutes les parties prenantes locales, y compris le gouvernement, les régulateurs, les entreprises et la société civile, ont élaboré des scénarios énergétiques jusqu'en 2050. L'objectif de ce travail est d'identifier les politiques permettant la décarbonisation de l'économie marocaine. L'étude qui en résulte est divisée en trois parties : premièrement, une modélisation des scénarios de décarbonisation pour le Maroc a été réalisée afin d'identifier les trajectoires de décarbonisation possibles aux horizons 2030 et 2050 ; deuxièmement, une analyse coûts-bénéfices des différentes trajectoires de transition a été réalisée ; troisièmement, une proposition d'un ensemble de mesures pour assurer l'efficacité des mesures politiques et progresser sur la voie de la réalisation des objectifs climatiques. Les scénarios de décarbonisation ont été modélisés en vue d'appuyer la définition des politiques gouvernementales nécessaires pour atteindre les objectifs de décarbonisation avec différents niveaux d'ambition. L'élaboration des scénarios a commencé par l'analyse des politiques gouvernementales actuelles pour identifier les principaux leviers stratégiques et les technologies connexes. Les leviers stratégiques actuels ont été superposés à des solutions technologiques supplémentaires proposées sur la base d'une évaluation de la maturité et du coût des technologies, comme les technologies électriques et de l'hydrogène vert. Des scénarios de décarbonisation ont, ainsi, été élaborés en combinant les leviers d'intervention du gouvernement à des leviers technologiques supplémentaires pour atteindre des objectifs de décarbonisation plus ambitieux. L'élaboration des scénarios a permis d'identifier les moyens d'appliquer les politiques et de définir les incitations pour prendre en compte les nouvelles technologies et garantir l'efficacité et la fiabilité des coûts des objectifs de décarbonisation. Ce Policy Brief, qui est le premier d'une série de quatre, a présenté cette étude conjointe et ses objectifs. La seconde Note de cette série présente les résultats des trois scénarios de décarbonisation et leurs implications en termes d'émissions de GES et de mix énergétique du Maroc, au niveau national et par secteur, à savoir, les transports, le résidentiel, l'agriculture, l'industrie, le tertiaire et l'électricité. La troisième Note traite des résultats de l'analyse coûts-bénéfices nationale et sectorielle, identifie les leviers technologiques, estime les avantages économiques globaux des scénarios modélisés et analyse l'évolution du coût direct du système et du coût d'investissement pour chaque secteur, selon les scénarios de décarbonisation. La quatrième Note porte sur les obstacles qui freinent encore la transition énergétique dans chaque secteur, et propose des recommandations à court et à long termes pour soutenir la décarbonisation, notamment des mesures de politique financière et non financière. Lire l'intégralité ICI