Interpellation de citoyens célébrant une date commémorative de la guerre de libération, enlèvement d'un ancien gendarme par les services de la sécurité intérieure et 3 ans de prison requise contre un journaliste et un chercheur. Le régime algérien continue d'asseoir son pouvoir par une impitoyable répression. Dimanche 20 août, l'Algérie devait commémorer l'anniversaire du congrès de la Soummam tenue en 1956 et de l'offensive du Nord Constantinois en 1955. Si l'on n'a enregistré aucune manifestation officielle organisée par le pouvoir comme le veut la tradition, plusieurs dizaines de citoyens se sont rendus à Ifri Ouzellaguene (dans la wilaya de Bejaïa), lieu où s'est tenu le premier congrès du FLN, pour célébrer cette date historique. Devant l'important afflux des pèlerins venus rappeler l'une des décisions les plus importantes prises au cours de cette réunion qui est « la primauté du politique sur le militaire », les autorités ont vite bouclé le village et obligé un grand nombre d'entre eux à rebrousser chemin. Les plus récalcitrants, une vingtaine, ont été interpellés et conduits à la brigade de gendarmerie la plus proche. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, on interdit la célébration d'une date phare de l'histoire de la guerre de libération. Pourtant, le régime algérien fait de de la révolution armée de novembre 1954 un inusable fond de commerce pour faire montre d'un supposé attachement aux valeurs tant galvaudées dans des discours creux et en totale contradiction avec la réalité d'aujourd'hui. C'est justement cette contradiction entre les décisions prises au congrès de la Soummam et la nature du régime actuel qui est à l'origine de l'absence de toute manifestation officielle pour célébrer l'anniversaire de cet événement historique. Ce dont sont conscients les Algériens qui étaient nombreux à se rendre à Ifri Ouzellaguene pour scander les slogans du hirak, ce soulèvement populaire de février 2019 qui emporta le régime de Bouteflika mais fut confisqué par le clan militaire de feu Gaïd Salah.
Enlèvement de l'ancien gendarme Adel Abdelmalek La veille, les samedi 19 août, alors que le juge d'instruction du tribunal de Tébessa venait de remettre en liberté l'ancien gendarme Adel Abdelmalek, 36 ans, arrêté trois jours plus tôt avec ses frères, une équipe de la Direction Générale de la Sécurité Intérieure s'est déplacée d'Alger tard dans la nuit pour l'enlever et l'emmener à la sinistre caserne « Antar » haut lieu de torture connu de tous les Algériens. Rappelons que ce gendarme avait été interpellé à l'aube du 13 août avec ses deux autres frères par des éléments de la gendarmerie de la ville de Tébessa, dans l'Est du pays. Ils étaient soupçonnés d'être en contact avec leur frère Anouar Malek journaliste opposant exilé en France. Après leur audition et vérification de leurs smartphones et ordinateurs les deux frères aînés ont été libéré et Adel, leur cadet, a été présenté, le jeudi17 août, devant le juge d'instruction. Ce dernier ayant constaté que le dossier ne contenait aucune preuve d'une quelconque accusation qui pourrait être retenue contre lui, le remet en liberté tout en le plaçant sous contrôle judiciaire. A sa sortie du tribunal, il est embarqué par des gendarmes qui l'ont conduit à la brigade en indiquant aux membres de sa famille qu'il sera libéré dans quelques minutes. « Le temps de signer des documents » leur a-t-on dit. Quelques heures plus tard, il est indiqué à sa famille, partie s'enquérir de la situation de son fils, qu'il sera transféré, le surlendemain, au tribunal militaire de Constantine pour une autre affaire. Dimanche, aucune nouvelle de Adel. Un avocat s'est renseigné auprès du tribunal militaire de Constantine et à sa grande surprise on lui apprend qu'il n'y a aucun dossier, au niveau de cette juridiction, concernant Adel Abdelmalek. Aux environs de midi, l'on apprend par des sources proches de la caserne Antar que cet ancien gendarme, dont le seul crime est d'animer une page Facebook pour demander justice après avoir été radié arbitrairement des effectifs de la gendarmerie nationale pour cause de fratrie avec un opposant en exil, est entre les mains des tortionnaires de ce sinistre centre que dirige le général Abdelkader Haddad alias Nacer El-Djen. Jusqu'à l'heure où nous rédigeons ces lignes, sa famille n'a plus eu de ses nouvelles.
La prison requise pour un journaliste et un chercheur La répression qui s'abat sur les Algériens n'épargne personne. Pas même les chercheurs scientifiques. Raouf Farrah, 36 ans, algéro-canadien, chercheur-analyste de l'organisation Initiative mondiale contre la criminalité transnationale organisée (GI-TOC), avait été arrêté le 14 février chez ses parents à Annaba, dans l'Est algérien. Une accusation absurde est retenue contre lui et qui risque de lui coûter un séjour de 3 ans derrière les barreaux. C'est du moins c'est ce qui a été requis par le procureur du tribunal de Constantine, mardi 22 août. Il est poursuivi pour « publication d'informations et de documents dont le contenu est classé partiellement ou intégralement secret, sur un réseau électronique ou d'autres moyens technologiques de médias » selon la page Facebook du Comité Nationale pour la Libération des Détenus (CNLD). Il est, aussi, poursuivi pour « réception de fonds d'institutions étrangères ou intérieures dans l'intention de commettre des actes qui pourraient porter atteinte à l'ordre public », selon son avocat Me Kouceila Zerguine. Ce même chef d'inculpation est retenu contre son père Sebti Farrah, 67 ans, qui avait passé 2 mois de détention préventive avant d'être remis en liberté provisoire pour raison de santé. 3 ans de prison sont, également requis contre lui. Evidement les Farrah père et fils n'ont commis aucune infraction et tout ce qu'on peut retenir contre eux c'est leur activisme politique contre le pouvoir en place. C'est le même cas du journaliste Mustapha Bendjemaa, 32 ans, rédacteur en chef du journal privé Le Provincial, dont le siège est à Annaba, arrêté le 8 février dernier et placé en détention préventive, depuis plus de 6 mois, dans le cadre de l'affaire de la militante franco-algérienne Amira Bouraoui qui s'était enfuie à travers la frontière algéro-tunisienne pour rejoindre son fils en France. Moncef Bendjemaa, une figure de proue, du hirak à Annaba a fait de nombreux aller-retours en prison pour ses écrits et son activisme politique. Il encourt, lui aussi, 3 ans de prison (requis par le procureur du tribunal de Constantine) pour « avoir aidé Amira Bouraoui à quitter le territoire algérien alors qu'elle était frappée d'une Interdiction de Sortie du Territoire National (ISTN) ». Le verdict de l'affaire des Farrah père et fils et Moncef Bendjemaa est attendu pour le 29 août prochain.