Emu par l'assassinat du jeune adolescent français, Nahel, abattu le 27 juin dernier à Nanterre par un policier français, le gouvernement algérien avait vite fait de publier un communiqué signé par le ministre des Affaires Etrangères pour dénoncer cet acte tout en rappelant à la France ses devoirs envers ses citoyens. Moins d'un mois plus tard, l'Algérie enregistre trois assassinats commis par des policiers et des gendarmes. Cela a commencé par le décès du jeune Haïthem Djebbari, des suites des sévices subis dans un centre de police. Quelques jours plus tard, c'est au tour d'un jeune berger dans la région de Souk-Ahrass, Bilel Ben Ouareth, de se faire tabasser à mort par des éléments de la gendarmerie. La veille, un autre jeune homme est évacué du bureau du juge d'instruction du tribunal de Mostaganem pour rendre l'âme dans un hôpital de la ville après avoir reçu des coups sur la tête selon le communiqué du procureur du même tribunal. On n'est plus à parler de bavures policières mais tout carrément d'une nouvelle politique des services algériens de sécurité qui n'hésitent plus à tuer en toute impunité de simples citoyens qui n'ont commis aucune infraction ni crimes. Rappelons que le jeune Haïthem de Tébessa s'était fait embarquer par la police pour avoir intervenu en voyant un policier malmener sa mère alors qu'il venait de rentrer chez lui. Des policiers avaient fait irruption au domicile des Djebbari dans le but d'effectuer une perquisition qui s'était soldée par un résultat négatif tout comme cela s'était passé un mois et demi plus tôt. Mécontents de leur résultat négatif, les policiers s'en prennent à la maman et à son fils Hichem âgé de 17 ans. C'est à ce moment qu'arrivait Haïthem qui faisait des courses dans la supérette du quartier. La suite, on la connaît. Il est attaqué par trois tirs de Tazer électrique, embarqué au commissariat de police, torturé et évacué à l'hôpital de la ville de Annaba, distante de 250 km de Tébessa, où il rendit l'âme des suites des sévices subis. La presse algérienne domestiquée par le régime en place ne souffla pas mot sur ce tragique événement. Le procureur de la république du tribunal de Tébessa réagit trois jours plus tard, pour calmer la population sortie manifester sa colère, en publiant un communiqué de presse annonçant l'ouverture d'une enquête et l'autopsie du corps du défunt. A ce jour, l'enquête tarde à s'ouvrir et aucun ordre n'a été donné pour exhumer le corps pour autopsie. Quant aux policiers, auteurs de ce crime abject, ils sont toujours en poste et n'ont été nullement inquiété. Même le chef de sûreté de la wilaya (le préfet de police) n'a pas été concerné par le dernier mouvement qui a touché le corps de la police algérienne. A Souk Ahrass, ville frontalière de la Tunisie, Bilel Benouareth, un jeune berger qui n'a aucune relation avec la politique ni les réseaux sociaux et arrêté par des éléments de la gendarmerie pour un mobile inconnu jusqu'ici. Il est tabassé à mort sans que les gendarmes ne soient inquiétés à ce jour. Deux jours auparavant, le jeune Abdelmalek Sofiane est arrêté par des agents de la BRI (Brigade de Recherche et d'Investigation) pour avoir exprimé son mécontentement à travers les réseaux sociaux pour avoir été dépossédé illégalement de son petit local commercial situé à la gare routière de la ville de Chréa, dans la wilaya de Tébessa. Il échappera à la séance de torture mais sera écroué à la prison civile pour une série d'accusations. « Appartenance à une organisation terroriste, atteinte à la personne du chef de l'Etat et diffamation du directeur de la gare routière de Chréa. » Des accusations graves passibles d'une vingtaine de prison. Dans l'Ouest du pays, un jeune dont le nom n'a pas été révélé a été tué dans le bureau du juge d'instruction du tribunal de la ville de Mostaganem sans que ne soit connu le mobile. Dans la soirée du 1er août, une information a circulé dans les réseaux sociaux faisant état de coups de feu tirés contre le juge d'instruction qui auditionnait un ancien greffier du tribunal. Ce dernier se serait donné la mort avec son arme. Quelques heures plus tard, on apprend par le parquet général du tribunal de Mostaganem que « les faits se sont déroulés le dimanche 30 juillet, vers 15 h. Le juge était en train d'entendre un accusé dénommé D. Lakhdar, ancien greffier auprès du même tribunal et poursuivi dans une affaire d'abus de fonction et usurpation de fonction. L'accusé a sorti une arme à feu et tiré sur le juge, le blessant au ventre. L'intervention du greffier et d'un gendarme ont permis de désarmer et de neutraliser et l'agresseur. » Un accusé auditionné par un juge d'instruction alors qu'il était armé c'est un peu tiré par les cheveux. C'est ce qui sera vite démenti par le même parquet à l'annonce du décès de « l'agresseur ». Le mardi 2 août, nouveau rebondissement dans l'affaire. Le Procureur Général, dans un communiqué daté du 1er août annonce « le décès du principal accusé dans la tentative de meurtre du juge d'instruction survenu mardi 1er août. Sa dépouille a fait l'objet d'une autopsie. Les premiers éléments du rapport d'autopsie ont montré que la mort a été provoquée par de violents traumatismes au niveau de la tête et de la poitrine qui ont engendré une hémorragie interne, indique le procureur général de Mostaganem dans son communiqué. Toujours selon le résultat de l'autopsie ainsi que les premiers éléments de l'enquête préliminaire, les pistes d'un suicide ou d'un décès par balle sont écartées. » Cela signifie clairement, que le jeune homme avait reçu des coups dans le bureau du juge d'instruction. Un bureau dans lequel se trouvait le défunt accusé entouré du juge d'instruction, du greffier et d'un gendarme. On n'a pas besoin d'être grand clerc pour deviner la suite. Si quelqu'un était en possession d'une arme il ne pouvait être que le gendarme. Des sources proches du dossier indique que le gendarme avait sorti son arme pour intimider l'accusé. Le coup de feu est parti involontairement et la balle s'est logée dans l'abdomen du juge d'instruction. Le scénario de l'accusé qui tirait sur le juge est très mal ficelé et n'avait qu'un seul but celui de couvrir le gendarme auteur du coup de feu. L'enquête promise par le parquet général ne sera jamais ouverte comme c'est le cas des précédentes affaires. En Algérie, on tue et tout le monde se tait. A commencer par la presse.