Dans le discours du Trône, le Souverain est revenu sur la volonté de développer la production d'hydrogène vert. Pourquoi ce projet n'a toujours pas abouti ? Lors de Son discours du Trône du 29 juillet, Sa Majesté le Roi Mohammed VI a évoqué plusieurs projets phares lancés ces dernières années. Parmi ces projets, le Souverain est revenu sur la promotion de l'hydrogène vert. "Faisant suite à la réunion que nous avons présidée à cette fin, le gouvernement a élaboré le projet «Offre Maroc» pour l'hydrogène vert", a déclaré le Roi Mohammed VI.
"A cet égard, nous engageons le gouvernement à entreprendre la mise en œuvre rapide et qualitative de ce projet, de manière à valoriser les atouts dont dispose notre pays en la matière et à répondre au mieux aux projets portés par les investisseurs mondiaux dans cette filière prometteuse", a poursuivi le Souverain dans Son allocution à la nation.
Le Roi se réfère à la réunion de travail qu'il a présidée le 22 novembre 2022, et durant laquelle il a demandé l'élaboration d'une "Offre Maroc" pour la filière de l'hydrogène vert. Cette nouvelle offre devrait couvrir "l'ensemble de la chaîne de valeur de la filière de l'hydrogène vert au Maroc. Elle devrait comprendre, outre le cadre réglementaire et institutionnel, le schéma des infrastructures nécessaires", peut-on lire dans le communiqué du Cabinet royal publié à l'issue de la réunion.
En résumé, les autorités compétentes travaillent sur la mise en place d'un ensemble de dispositifs complémentaires pour créer un environnement favorable à l'investissement. Ainsi, un investisseur étranger qui souhaite s'établir au Maroc pour créer une usine d'électrolyse de l'eau et des centrales de production d'énergies renouvelables, trouvera toutes les conditions nécessaires pour le faire.
Des incitations fiscales
Si le Royaume affiche sa volonté de devenir un des leaders mondiaux de production d'hydrogène vert, pourquoi les investisseurs ne se bousculent toujours pas au portillon ? Le succès de cette politique repose avant tout sur la mise en place d'un cadre propice aux investissements et aux entreprises actives dans le domaine de l'hydrogène vert. Au niveau mondial, il n'y a pas pour l'instant de marché structuré de l'hydrogène vert. Un investisseur prend ainsi un grand risque en misant des milliards pour un produit dont il n'est pas sûr de trouver un acheteur.
Il faut que l'Etat mette en place non seulement un cadre fiscal adéquat, mais aussi des incitations financières, comme des crédits à des taux compétitifs ou des subventions. Des éléments qui sont d'ailleurs prévus dans la nouvelle Charte de l'investissement, et qui réserve un certain nombre de dispositifs aux investisseurs désirant s'engager dans de tels projets.
Le plus grand défi pour les autorités est de rendre disponible une assiette foncière adéquate. Le foncier est un problème important auquel chaque investisseur est confronté. Avoir un terrain suffisant pour à la fois déployer des centrales éoliennes et solaires, une usine d'électrolyse ainsi que des lieux de stockage, nécessite une véritable mobilisation des pouvoirs publics.
Ensuite, il est crucial de mettre en place une infrastructure de stockage et de transport adaptée à l'hydrogène vert. Le stockage de cette molécule représente un défi technologique en raison de sa légèreté et de sa tendance à s'échapper des réservoirs. Par conséquent, il est impératif de développer des solutions de stockage sûres et efficaces afin de conserver l'hydrogène dans des conditions optimales.
De plus, des investissements sont nécessaires dans les infrastructures de transport pour acheminer l'hydrogène vert vers les zones de consommation, notamment vers l'Europe, qui représente le marché prioritaire pour les exportations marocaines d'hydrogène vert.
Usine d'électrolyseurs
La production d'hydrogène est réalisée par électrolyse, un procédé qui permet de décomposer les molécules d'eau (H2O) en dioxygène (O2) et dihydrogène (H2). L'électrolyse implique le passage d'un courant électrique dans l'eau pour convertir l'énergie électrique en énergie chimique, déclenchant ainsi la réaction qui sépare la molécule H2O. L'appareil utilisé pour effectuer ce processus d'électrolyse est appelé électrolyseur.
À grande échelle, le défi mondial réside dans la fabrication en quantité suffisante d'électrolyseurs et dans la réalisation de ceux-ci avec des capacités élevées. Jusqu'à présent, seuls quelques industriels dans le monde en produisent. Pour assurer une souveraineté industrielle dans la production d'hydrogène vert, le Maroc doit être en mesure de fabriquer localement des électrolyseurs.
Gaia Energy, une entreprise marocaine, a signé un accord avec l'entreprise israélienne H2Pro pour collaborer dans la recherche et la fabrication d'électrolyseurs de nouvelle génération. Récemment, le groupe belge John Cockerill a annoncé la création d'une coentreprise avec un industriel marocain dans le but de produire des électrolyseurs alcalins au Maroc. Cette usine sera la première du genre en Afrique.
La locomotive OCP
Pour réussir à l'émergence d'un écosystème d'hydrogène vert au Maroc, la locomotive sera l'OCP. L'office a en effet adopté une ambitieuse stratégie 2023-2027, dont un des axes est le développement d'une production locale d'hydrogène vert. L'entreprise publique compte produire un million de tonnes d'ammoniac vert à l'horizon 2027, et 3 millions de tonnes à l'horizon 2032. Cet ammoniac sera produit à base d'hydrogène vert et d'azote vert.
Cet hydrogène vert sera ainsi produit localement, et constitue les premières fondations de la stratégie marocaine dans ce domaine. Cela permettra d'attirer des entreprises étrangères spécialisées dans le domaine, et de former et mettre à niveau une main d'œuvre qualifiée.
L'Institut de recherche en énergie solaire et en énergies nouvelles (IRESEN), l'Université Mohammed VI polytechnique (UM6P) et le Groupe OCP ont depuis 2021 établi une plateforme de recherche dans ce domaine, visant à développer localement les technologies nécessaires au déploiement de l'hydrogène vert à grande échelle.