Le Conseil Supérieur de l'Education, de la Formation et de la Recherche scientifique (CSEFRS), en partenariat avec l'UNICEF, vient de dresser un rapport sur la violence en milieu scolaire. Un phénomène qui persiste malgré les différentes mesures mises en place par les pouvoirs publics. Depuis son élection le 9 septembre 2021, le gouvernement s'est fixé le cap de réformer l'Ecole marocaine, en éradiquant les différents facteurs qui affectent sa performance. Analystes, pédagogues et politiques pointent souvent du doigt la qualité des programmes scolaires et celle des enseignants qui véhiculent le contenu de ces derniers. Cependant, soulignent-ils, l'échec du modèle éducatif serait dû à des lacunes multidimensionnelles, dont, entre autres, la violence en milieu scolaire, qui rebute les élèves. Les pouvoirs publics, conscients des dommages causés par ce comportement dégradant en milieu scolaire et de ses effets néfastes sur l'éducation, ont entrepris, depuis deux décennies, plusieurs mesures pour lutter contre ce phénomène. Toutefois, selon le dernier rapport du CSEFRS, fondé sur une enquête évaluative récente, la violence en milieu scolaire persiste sous différentes formes.
D'après cette enquête, bon nombre d'élèves dans les écoles primaires déclarent être victimes d'insultes, de sobriquets, d'ostracisme ou de moquerie, de manière sporadique ou plus ou moins régulière pour certains d'entre eux. Dans le détail, environ un élève sur dix affirme avoir été « souvent » affublé d'un sobriquet : un surnom méchant ou méprisant et insultant. « Ane, ânesse, chauve, cafard, gros, grosse, abruti, paresseux, moche, paralytique, etc. », des mots qui démontent le moral au quotidien dans l'enceinte des établissements.
Les élèves déclarent qu'ils sont « souvent » mis à l'écart (11,7%) ou insultés (11,1%). S'agissant des moqueries, elles concernent 36,3% des élèves, selon les interviewés, qui expliquent que les raisons sont multiples et liées, pour les plus fréquentes d'entre elles, au travail bien fait, à l'aspect physique ou à leur coiffure (7%). La variation en fonction du genre est, toutefois, peu significative pour ces motifs de moqueries, note le rapport du CSRFRS, précisant que les résultats de l'enquête renseignent également sur les cas de violences physiques signalées par les élèves dans les écoles primaires. Effectivement, selon les déclarations des élèves, 25,2% ont été frappés et 28,5% bousculés, dont respectivement 11,1% l'ont été à quatre reprises ou plus depuis la rentrée scolaire et 10,6% ont affirmé avoir souvent été bousculés. Qui provoque la violence ? Au secondaire également, la victimisation, rapportée par les élèves comme étant une pratique quotidienne banalisée, prend la forme de moqueries de différents degrés, subies par 55,9 % des élèves dont 12% ont très souvent vécu ce type de victimisation, souligne le rapport, ajoutant que les principaux auteurs de ces violences sont non seulement les élèves (individuellement ou en groupe) mais aussi les enseignants, les intrus et les groupes de jeunes à l'extérieur de l'établissement, le personnel et, dans des proportions nettement plus réduites, l'un des parents.
Pour les autres types de victimisation, des élèves affirment avoir été «trois fois et plus» insultés (12,4%), affublés d'un sobriquet (12,7%) dans les établissements ou sur le chemin, ou mis à l'écart «assez souvent» (14,8%), selon le même rapport. Au secondaire, 25,3% des élèves déclarent avoir été frappés, dont 6,5% l'ont subi au moins trois fois et 37,4% affirment avoir été bousculés dans l'intention de leur faire mal (dont 10% l'ont vécu trois fois et plus). Une analyse par cycle révèle que 42,2% des collégiens ont déclaré avoir été bousculés dans l'intention de leur faire mal et 29,9% ont été frappés, contre respectivement 28,9% et 17% des lycéens. Punition sans violence ! En termes de punition, le rapport incite à une pédagogie d'apprentissage sans violence. Il est à noter que le châtiment corporel est varié : des coups, des pinçons, se faire tirer les oreilles ou les cheveux ou être frappé avec un objet-instrument, tel que la règle, une baguette, un tuyau, une chicotte, un fil électrique. Bien que non rapporté de manière généralisée par les élèves, 28% des élèves du primaire déclarent avoir été punis en subissant des coups avec un instrument. Les élèves ayant subi des coups au sein des établissements affirment que, en moyenne, l'auteur en était ''le maître'' dans 25,2% des cas et ''la maîtresse'' dans 31,4% des cas, explique le même rapport. Le châtiment corporel constitue une violence physique et une humiliation psychologique pour un élève, surtout lorsqu'il est exécuté devant les camarades. Ce type de châtiment ne se passe pas sans provoquer une source de menace qui plane toujours sur les élèves et une pédagogie de la peur qui régit la relation enseignant-élève. L'école doit être une institution d'épanouissement pour les jeunes enfants des milieux défavorisés, de l'urbain et du rural, et non pas un lieu de tensions et de violence. Elle doit créer, dans certains cas, une rupture dans le continuum qui pourrait exister entre la violence à l'école et celle vécue par certains enfants dans leur famille.
Quelles solutions ?
A titre d'exemple, les enseignants doivent être formés pour reconnaître les signes de violence et intervenir de manière efficace. Ils peuvent également aider à sensibiliser les élèves aux conséquences de la violence et promouvoir des comportements respectueux. Pour leur part, les parents doivent être informés des politiques et des programmes de prévention de la violence en milieu scolaire et encourager leurs enfants à y participer. Ils peuvent également surveiller le comportement de leurs enfants à la maison et encourager des comportements positifs et respectueux.
Les élèves, quant à eux, doivent être encouragés à participer à des programmes de sensibilisation et de formation sur la violence en milieu scolaire. Ils doivent signaler tout comportement violent ou intimidant à leurs enseignants ou à d'autres membres du personnel de l'école. Les autorités aussi peuvent contribuer à la lutte contre la violence en milieu scolaire en fournissant une assistance pour la mise en place de mesures de sécurité et en garantissant l'application de la loi. Elles peuvent également fournir des ressources et des formations aux établissements scolaires et aux enseignants pour les aider à identifier et à prévenir la violence en milieu scolaire, concluent les auteurs du rapport. Rime TAYBOUTA