Les châtiments corporels infligés aux enfants, sous toutes leurs formes, sévissent encore dans les établissements scolaires primaires marocains. C'est ce qu'a révélé une récente étude de l'Unicef. Les devoirs non faits sont les mieux cotés à la «bourse des coups». Des coups sur les mains, aux bouts des doigts avec un bâton, un tuyau ou des fils électriques, des coups de poings ou encore des pieds. La pratique de ces traitements dégradants à l'encontre des enfants est très courante dans les écoles d'enseignement primaire marocaines. C'est ce qui ressort du rapport du Fonds des Nations unies pour l'enfance (Unicef). L'étude, réalisée lors du second semestre 2004 par l'Ecole supérieure de psychologie de Casablanca à la demande de l'Unicef, affirme que 73 % des enseignants déclarent avoir eu recours à des châtiments corporels. Sur la base des témoignages recueillis auprès de 1.800 enseignants et 194 directeurs d'écoles, répartis dans les différentes régions du Royaume, 54% disent avoir frappé les enfants avec une règle, un tuyau ou un bâton, et 29 % avec leurs mains et pieds. Le bâton, fidèle compagnon "pédagogique" de l'enseignant, l'assiste systématiquement dans les cours, un moyen, selon lui, d'établir la discipline dans la classe. Les enfants interrogés ont cité également d'autres humiliations comme le port du bonnet d'âne : 27 % des enfants marocains disent en avoir été affublés et 29% déclarent avoir vu leurs camarades le porter. S'agissant des motifs justifiant le recours à ces moyens répressifs, les devoirs non faits sont les mieux cotés à la «bourse des coups». Selon le rapport de l'Unicef, 54% des enseignants déclarent effectivement punir les enfants pour les devoirs non faits. Les autres raisons pour lesquelles les élèves goûtent au bâton sont le manque de respect aux adultes, les retards, les disputes, le matériel cassé ou volé et les absences. Par ailleurs, les châtiments corporels sont aussi largement pratiqués par les parents à la maison comme moyen de correction et d'éducation de leurs enfants. Sur 800 parents interrogés, 61 % reconnaissent frapper leurs enfants, alors que 38 % affirment les réprimander. Seule une minorité (27 %) avouent recourir à la privation. En outre, l'étude a mis en exergue la perception de ces méthodes de traitements par les parents et les enseignants dont la plupart disent que "frapper est indispensable à l'éducation". Certains des enfants partagent cet avis. Cependant, 20 % des élèves affirment que les châtiments créent une haine de l'école. Combien d'élèves, ne pouvant supporter ces types de châtiments, ont quitté l'école ? L'on ne peut s'empêcher d'établir l'effet de causalité entre ces méthodes pédagogiques brutales et le taux d'abandon non négligeable dans les écoles nationales. De plus, les châtiments corporels perpétuent le cycle de la violence. Ceux qui ont été battus hier le feront subir à d'autres plus tard. Pour cela, dans son rapport, l'Unicef avance une série de 37 recommandations, notamment l'application stricte des règles juridiques sur la question des châtiments, l'instauration d'un débat à chaque rentrée scolaire sur les droits et les devoirs des uns et des autres, l'établissement d'une auto-discipline dans les classes et la suppression des devoirs à la maison avant l'âge de 10 ans.