Les facteurs expliquant le faible taux de participation des femmes au marché du travail au Maroc font l'objet d'une récente étude préparée par des chercheurs de Georgetown University (GU). Le taux de participation des femmes au marché du travail ne s'améliore pas dans la région MENA, en général, et au Maroc, en particulier, malgré l'augmentation du niveau d'instruction des femmes, la hausse de l'âge au premier mariage, la baisse des taux de fécondité et l'intensification du plaidoyer international autour des opportunités économiques et de l'autonomisation des femmes, ressort-il d'une récente étude de l'Université de Georgetown.
Intitulée « Explications de la participation économique et de l'autonomisation limitées des femmes dans la région MENA », l'étude souligne, pour le cas du Maroc, que le travail des femmes rurales dans les coopératives ne contribuait pas à accroître le taux de participation des femmes à la population active. Elle admet, cependant, que le Plan Maroc Vert (PMV), qui vise généralement à assurer la sécurité alimentaire et augmenter les exportations, comprenait des initiatives visant à intégrer les connaissances traditionnelles des femmes rurales dans la production de produits naturels. "Une étude académique de six villages avec des coopératives agricoles a trouvé des femmes produisant de l'huile d'argan, des graines, du couscous, du quinoa, du miel, du thym (dans le Haut Atlas) et du cactus", souligne la même source.
Si les femmes travaillaient dur pour gagner leur vie, leur travail - considéré comme non rémunéré - ne donnait pas droit à une protection sociale ou à un régime de retraite, fait savoir l'étude, ajoutant que les femmes « n'étaient rémunérées qu'en fonction des tâches fournies ».
Par conséquent, l'étude conclut que le taux de participation des femmes au marché du travail n'a pas augmenté au Maroc.
D'après celle-ci, la faible autonomisation économique des femmes dans la région MENA, en général, et au Maroc, en particulier, est due aux facteurs suivants : caractéristiques historiques et institutionnelles, lois familiales discriminatoires, absence de structures de soutien pour les mères qui travaillent, et fragilité du secteur privé.
Selon les chercheurs de l'Université de Georgetown, les explications du faible taux de participation des femmes au marché du travail peuvent être regroupées en catégories culturalistes, économiques et institutionnalistes.
Ainsi, la même source explique que « les femmes ayant fait des études universitaires dans le secteur public maintiennent leur participation au marché du travail après le mariage ou l'accouchement, tandis que les femmes ayant un faible niveau d'instruction et celles travaillant dans le secteur privé connaissent souvent des changements dans leur participation sur le marché du travail après le mariage ou l'accouchement.
De nombreuses études empiriques montrent que les mesures de la culture patriarcale sont négativement corrélées avec le taux de participation des femmes au marché du travail. En outre, le mariage, la fécondité et l'éducation sont des déterminants clés de l'offre de main-d'œuvre féminine.
Lois familiales discriminatoires
L'étude critique également l'incapacité du secteur privé à créer des emplois appropriés pour les femmes, combinée à la contraction de bons emplois dans le secteur public. Cette incapacité maintient le taux de participation des femmes au marché du travail à un faible niveau et l'emploi des femmes limité, tout en contribuant au chômage élevé des femmes, fait savoir la même source.
L'étude note, en outre, que les lois familiales discriminatoires qui maintiennent les femmes subordonnées aux parents masculins et l'héritage inégal, contribuent à maintenir les taux de participation des femmes au marché du travail bas. « Bien qu'en principe une femme puisse créer une entreprise, dans la pratique, elle peut se trouver sans la garantie nécessaire pour un prêt bancaire. Un tel désavantage peut avoir diverses causes, mais la répartition inégale de la richesse familiale en fait partie », explique-t-on.
Alors que la part moyenne des Petites et Moyennes Entreprises (PME) détenues par des femmes est de 34 % dans le monde, elle n'est que de 14% dans la région arabe, peut-on lire aussi dans l'étude.
De plus, l'étude note que les Etats de la région MENA n'encouragent pas un taux plus élevé de taux de participation des femmes au marché du travail par des incitations telles que le financement étatique du congé de maternité.
Absence de soutien institutionnel
Autre obstacle à l'employabilité des femmes dans la région MENA, en général, et au Maroc, en particulier, soulevé par l'étude, réside dans l'absence de soutien institutionnel pour les mères travailleuses. Ce qui peut les empêcher de rechercher des emplois rémunérés, estiment les chercheurs de l'Université de Georgetown. « Les femmes de la classe ouvrière et de la classe moyenne de la région s'occupent en grande partie de la cuisine, du nettoyage et de la prise en charge de leurs enfants et de leurs parents âgés. La récente pandémie de COVID-19 a intensifié les responsabilités des femmes en matière de soins, obligeant certaines d'entre elles à quitter complètement le marché du travail. Cela peut avoir affecté les femmes instruites de la classe moyenne qui ont généralement les taux d'activité les plus élevés », estime la même source.
Dans l'ensemble, l'étude pense que la contraction du secteur public et le manque d'emplois adaptés dans le secteur privé ont fait qu'une grande partie des femmes susceptibles de faire partie de la population active restent en dehors de celle-ci. Sans les politiques sociales de développement nécessaires, la plupart des pays de la région MENA verront les femmes rester largement en dehors de la main-d'œuvre formelle, incapables de contribuer à la productivité, à la croissance et à l'autonomisation économique des femmes, relève-t-on de même source.
Conclusion
Les causes des faibles taux de participation des femmes au marché du travail dans la région MENA ne peuvent pas être trouvées dans une seule variable, mais résident dans un cadre explicatif plus large qui prend en compte l'environnement macroéconomique (et macropolitique), les institutions du marché du travail et les processus de fixation des salaires, les pratiques de recrutement des employeurs, et les institutions sociales, conclut l'étude.
Elle pense que des réformes juridiques et politiques sont nécessaires : supprimer les lois familiales discriminatoires, offrir des congés de maternité et des services de garde d'enfants financés par le gouvernement et garantir des conditions de travail décentes dans le secteur privé.
Ces initiatives sont importantes à la fois pour l'égalité et l'emploi des femmes et pour de meilleurs résultats économiques dans les pays MENA, souligne l'étude de Georgetown University.
« Dans un monde idéal, la normalisation des relations dans tous les pays de la région MENA, ainsi que la levée des sanctions américaines, pourraient conduire à une augmentation du commerce intra-régional, des investissements et de la création d'emplois, les syndicats et les organisations de femmes étant consultés sur les questions économiques et d'emploi. Ce monde idéal n'est pas encore réalisé », indique la même source.