Le 15 juin, vous avez été désigné à la tête de la Commission de la propriété intellectuelle de l'ICC Maroc. Pouvez-vous nous présenter en quelques lignes votre feuille de route ? - Selon l'organigramme de la Chambre de commerce internationale (ICC) Paris, le pôle droit et règlement des litiges commerciaux se compose de trois commissions, à savoir : une commission d'Arbitrage et ADR, une commission Pratique et Droit du Commerce International, et une commission Propriété Intellectuelle. Chaque commission est dirigée par un président qui est secondé par des vice-présidents. La commission établit un programme annuel de travail et en assure l'exécution.Dans ce sens, j'ai proposé à Monsieur le Président de l'ICC Maroc la création de quatre sous-commissions : une sous-commission pour les brevets d'invention, l'innovation et les obtentions végétales ; une sous-commission pour les signes distinctifs et la franchise ; une sous-commission pour les droits d'auteur ; et une sous-commission pour les contrats de propriété intellectuelle et de transfert de technologie. Des personnalités marocaines et de grands spécialistes de la propriété intellectuelle français et européens seront invités par la commission pour sensibiliser les membres de l'ICC Maroc aux enjeux majeurs de la propriété intellectuelle. Parallèlement à cette feuille de route, une ou deux conférences annuelles sont à prévoir pour le grand public.
Est-ce que les enjeux de la propriété intellectuelle vous semblent suffisamment compris et débattus publiquement ? - Il y a lieu de distinguer deux sortes d'enjeux. Les enjeux politiques qui ne sont pas exposés et débattus publiquement, c'est une question qui m'échappe. A cet égard, il serait bon que davantage de conférences publiques soient organisées pour débattre de ces enjeux entre les partis politiques, les chercheurs scientifiques, les professionnels de la propriété industrielle et les membres du gouvernement concernés. Quant aux enjeux privés, c'est-à-dire industriels et commerciaux, ils sont débattus en interne des sociétés et dans le secret des cabinets de propriété industrielle ou des cabinets d'avocats spécialisés et s'inscrivent ainsi dans la stratégie de chaque entreprise.
- Depuis quelques décennies, le schéma traditionnel de la propriété intellectuelle a été bousculé par des caractéristiques majeures, notamment la numérisation. En quoi la période récente est-elle porteuse de nouveaux enjeux ? - La numérisation joue un rôle important dans la propriété intellectuelle d'une façon générale. La numérisation et la conversion des informations d'un support (par exemple texte, image, audio, vidéo ou d'un signal électrique) en données numériques, que des dispositifs informatiques ou électroniques numériques peuvent traiter. La numérisation a joué un rôle dans le domaine de la propriété industrielle, notamment celle des documents de propriété industrielle tels que brevets d'invention, marques de fabrique, de commerce ou des services et dessins industriels. Je rappelle qu'en 2021 l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI), à Genève, a achevé un grand projet de numérisation des documents de propriété industrielle. L'Office Marocain de la Propriété Industrielle et Commerciale a fait des progrès considérables dans la numérisation de ses documents, ce qui le place comme l'un des plus grands Offices de propriété industrielle dans les pays du Maghreb et en Afrique.L'objectif de la numérisation de l'Office Marocain de la Propriété Industrielle et Commerciale est d'accélérer les processus administratifs et d'examen des demandes de brevets d'invention, améliorer l'accès à l'information en matière de propriété industrielle, renforcer les capacités de l'Office de fournir des services professionnels et de haute qualité, renforcer l'utilisation du système pour les activités d'appui, améliorer la qualité de service de manière rentable et améliorer la gouvernance, la transparence et la fiabilité des processus en matière de propriété industrielle en rendant toutes les informations des fichiers facilement accessibles en format numérique. Les visiteurs étrangers - qu'ils soient africains, européens ou arabes - sont impressionnés par les progrès réalisés par l'Office Marocain de la Propriété Industrielle et Commerciale.
Les droits de propriété intellectuelle se composent de la propriété industrielle, du droit d'auteur et des droits voisins ainsi que de la législation sur la concurrence déloyale. Quelle est votre vision sur la protection du droit d'auteur et du droit voisin ?
- Je pense que les droits d'auteur ou la propriété littéraire et artistique sont bousculés par les réseaux sociaux, le numérique et l'Intelligence Artificielle. Une menace grave plane par exemple sur la presse et les droits des journalistes. Il faut impérativement mener un débat sur ces enjeux pour essayer de définir une vision. Je précise que les applications mobiles, qui se développent d'une façon considérable, sont protégées par les droits d'auteur.
- Selon vous, comment le système de la propriété intellectuelle participe-t-il à attirer les investisseurs ? - Je rappelle que le système de propriété industrielle, initié par le gouvernement marocain et notamment par le ministre de l'Industrie qui est le ministre de tutelle de l'Office Marocain de la Propriété Industrielle et Commerciale (OMPIC) et mis en application par l'Office Marocain de la Propriété Industrielle et Commerciale, est un système satisfaisant et efficace. L'Office Marocain de la Propriété Industrielle et Commerciale dispose à l'heure actuelle de cadres qualifiés et expérimentés, hormis quelques cas qui, pour une raison ou une autre, bloquent le système d'une façon volontaire ou involontaire. L'investisseur étranger qui est intéressé par la Maroc se renseigne d'abord sur le système de propriété industrielle, sur le système judiciaire, sur le système fiscal et sur le système social. Je peux dire que dans la majorité des cas, les investisseurs étrangers sont satisfaits du système de propriété industrielle marocain qui est le premier indicateur pour la prise de décision d'investir au Maroc. Bien entendu, la motivation profonde reste la stabilité et la tranquillité qui règnent dans notre Royaume. La décennie à venir sera une décennie de l'investissement dans le domaine industriel. Ce décollage industriel marocain est irréversible et on peut affirmer que le pays s'industrialise d'une façon remarquable.
Recueillis par Safaa KSAANI Portrait : L'un des pionniers de la propriété industrielle au Maroc La propriété industrielle et intellectuelle n'a plus de secrets pour Mehdi Salmouni Zerhouni. Fondateur d'un des premiers cabinets de conseil en propriété industrielle au Maroc, et membre de la Commission de la propriété intellectuelle de l'ICC dont le siège est à Paris, il a été élu à l'issue de l'Assemblée Générale Ordinaire de l'ICC Maroc. « Je souhaite remercier les membres de l'ICC Maroc de leur confiance. Plus que jamais, le chantier de la propriété intellectuelle est au cœur des enjeux des gouvernements, des entreprises et des acteurs des industries créatives », a-t-il déclaré Et d'ajouter : « Je tâcherai à mobiliser mon expérience de plus de 40 années de pratique professionnelle en droit des marques et arbitrage international pour renforcer la position du Maroc sur le dossier de la propriété intellectuelle aussi bien sur le plan national qu'au niveau des instances internationales de l'ICC ». Fondée en 1919, l'ICC a pour objectif de servir le monde des affaires en favorisant les échanges et l'investissement, l'ouverture des marchés des biens et des services et la libre circulation des capitaux. L'ICC est l'une des plus grandes organisations représentatives des entreprises dans le monde, représentant des millions d'entreprises de toutes tailles dans plus de 130 pays, et couvrant tous les secteurs de l'entreprise privée. Mehdi Selmouni Zerhouni est titulaire d'un Diplôme d'Etudes Supérieures Spécialisées (DESS 3ème cycle) « Accords et Propriété Industrielle » du Centre d'Etudes Internationales de la Propriété Industrielle de Strasbourg, d'une Licence et d'une Maîtrise en Droit Privé délivrées par la Faculté de Droit de Strasbourg.