En cette période de l'année, les piscines demeurent, à l'instar des plages, la destination phare des mordus des plongées palpitantes. Et c'est en ce bon bout d'an qu'un bon nombre de nostalgiques se souvient, non sans vague à l'âme, de la grande piscine municipale de Casablanca. Flashback. Depuis qu'une immense piscine municipale a vu le jour à Rabat, d'aucuns évoquent avec une bien profonde nostalgie celle qui fit la gloire de Casablanca dans les années 1930, à savoir la grande piscine municipale de la Cité blanche. Celle qui fut l'ancêtre du Casablanca Beach Club est, aujourd'hui, supplantée par le grandiose monument qu'est l'actuelle mosquée Hassan II. Mais un retour au bel âge de «la grande piscine », «la piscine Orthlieb », « la piscine Georges Orthlieb », voire «la piscine » tout court, s'impose. Conçu par l'architecte Maurice L'Herbier, ce temple de la plaisance et de l'estivage a été inauguré le 14 juillet 1934. A cette époque que l'on ne peut que qualifier d'épique, «la piscine » était considérée comme la plus longue piscine du monde (480 mètres de long et 75 mètres de large), et l'eau de mer était renouvelée, chaque jour, par les marées et une station de pompage. Immense par la taille et par le franc succès qu'elle a d'emblée rencontré auprès de ses fidèles, cette piscine était aménagée dans les parois rocheuses en bordure de la plage de «Mrizigua », soit aux abords de la grande mosquée. Connue également sous la désignation du «Centre Balnéaire de Georges Orthlieb », du nom du contrôleur en chef de la région de la Chaouia (1880-1937), la piscine municipale s'étendait sur une superficie totale de 5,7 hectares, divisée en trois bassins de 480 m de long et 75 m de large, pour un volume total de 100 000 m3.
Un champion de natation en parle... «La période glorieuse de cette piscine municipale était, sans nul conteste, les années 50 et les premières années de l'Indépendance du Royaume. Elle permettait aux jeunes casablancais, surtout ceux issus des quartiers populaires, de pouvoir se baigner en toute sécurité et de passer des moments de jeux et de loisirs avec un prix d'entrée symbolique », se souvient le Tunisien Mondher Zouiten, sacré champion de natation (médaille d'or et d'argent) et grand amoureux de Casablanca et du Maroc. «Personnellement, je garde de très bons souvenirs de cette piscine grâce à l'ambiance extraordinaire du public qui s'y rendait en grand nombre, composé principalement de jeunes adolescents » se remémorait-il, non sans nostalgie, avant de poursuivre que «l'équipe de Tunisie de l'époque comptait plusieurs bons nageurs et nous avons raflé le plus grand nombre de médailles, comme ce fut le cas dans les éditions précédentes à Tunis et à Alger. Une très belle compétition avec une rivalité purement sportive et des liens d'amitié spontanés ainsi que de belles rigolades... ».
Ce docteur en pharmacie et grand as de la discipline aquatique, papillon et dos, catégories minime, cadet et sénior, nous avoue que lorsqu'il a découvert la piscine en août 1966, il a été impressionné par sa taille «immense avec trois bassins, une tour de plongeon et un toboggan extraordinaire », poursuit le septuagénaire qui, puisant des clichés éparpillés au fond de sa mémoire, se souvient qu'il a également été «impressionné par sa situation en bordure de l'océan sur le route d'Aïn Diab, avec le jeu des vagues et des marées ».
Nostalgie, le maître-mot... A l'instar de Mondher, l'historien et archéologue Mohammed Es-Semmar se souvient de ses toutes premières années de recherche universitaire. «Lors des années 80, je me rendais souvent à cette piscine. Grandiose c'est le moindre que l'on pouvait dire d'elle », nous a-t-il confié avant d'enchaîner avec la même exaltation : « ce monument inscrit à tout jamais dans les merveilles architecturales et historiques du Maroc malgré sa destruction a laissé la place à une merveille bien plus épatante, à savoir la Grande Mosquée Hassan II qui a reçu, elle aussi, toutes ses lettres de noblesse». En effet, la piscine colossale a cédé la place à un autre édifice tout aussi titanesque. Sur le site de la plus longue piscine du monde a été construite la Mosquée Hassan II, qui n'est autre que la deuxième plus grande mosquée du monde.
Zoom-in : Aïn Diab, nouvelle destination des piscines privées Les nostalgiques de la piscine municipale de Casablanca se pressent désormais sur la plage d'Aïn Diab, la belle corniche qui se déploie du port de la ville jusqu'au bord du Morocco Mall. Sur deux kilomètres, cette plage se prolonge entre les deux pointes rocheuses de la Corniche et de l'îlot de Sidi Abderrahman. Vers le Nord, l'océan délimite nettement le domaine d'Aïn Diab avec ses deux interfaces littorales : la Corniche et la plage. Au Sud, la bordure est marquée par les avenues d'Anfa et la route d'Azemmour. Dans ces limites, le territoire d'Aïn Diab se subdivise en deux entités autonomes que la topographie oppose : la colline d'Anfa et le périmètre de Sindibad. La colline d'Anfa, parsemée de belles villas, tire son nom de la cité antique qui se dresse sous les décombres de l'ancienne médina de Casablanca, mais n'a pas de lien topographique avec elle : c'est aujourd'hui le toponyme d'un immense lotissement de maisons de luxe entourées de vastes parcs arborés. La cavité de Sindibad, du nom de l'aire de jeux qui en occupe une partie, est le résultat de l'érosion marine qui a façonné falaises, dunes et plages. Depuis la route d'Azemmour jusqu'à la mer, les activités agricoles se maintiennent et une partie de la zone est classée en zone verte. La partie restante fait l'objet d'une spéculation immobilière. La zone se répartit entre des lotissements récents de villas et des habitations plus ou moins précaires. Cette zone est célèbre pour son activité touristique, en particulier grâce à sa corniche et à sa plage. Elle abrite, soit dit en passant, de nouvelles piscines privées qui rivalisent de succès les unes avec les autres.
Infos locales : La piscine de Rabat est sortie des limbes Dès que la météorologie s'annonce sous ses meilleurs auspices, soit dès le retour des beaux jours, avec le début de la saison estivale, la nouvelle piscine de Rabat enregistre une moyenne de 9000 estivants venus de la capitale administrative ainsi que des quatre coins du Royaume. Ouverte en 2019, initialement pour le public autochtone de la capitale, cette piscine, dont les quatre bassins sont approvisionnés en eau de mer, est très vite entrée dans le paysage des lieux de villégiature les plus attractifs du pays, grâce à son emplacement, ses équipements, son personnel et la qualité de sa gestion. Il convient de préciser que cette grande piscine a, par ailleurs, été conçue dans le respect totale de l'environnement et de l'écosystème. De ce fait, les eaux de ses quatre bassins, qui proviennent tout droit de l'océan Atlantique, sont quotidiennement examinées à la loupe et épurées à la goutte près afin de protéger la santé et l'hygiène des baigneurs. De plus, tous les équipements, y compris les cabines de douche, les toilettes, les sols et les espaces verts, sont régulièrement entretenus et nettoyés à l'aide de produits appropriés. Aussi, les responsables du centre ont-ils, ces dernières années, fait montre d'un professionnalisme hors pair et salué, à l'unisson, le rôle crucial joué par la police, la protection civile, les services de santé et les forces auxiliaires pour assurer la tranquillité et la sécurité des usagers. Ainsi, pendant les mois d'été, soit pendant une saison entière, le centre emploie une centaine de sauveteurs, près d'une centaine d'agents de sécurité et 50 agents de nettoyage. Rappelons que l'été dernier, ce centre de loisirs et de sports s'est transformé en un lieu de prédilection pour les enfants des colonies de vacances de la région de Rabat et même d'ailleurs. La grande piscine de Rabat est ouverte au public tous les jours de 9h30 à 20h pendant la saison estivale. Les tickets d'entrée coûtent 10 dirhams pour les adultes et 6 dirhams pour les enfants de plus de 7 ans.
Il était une fois sur "L'Opinion" La piscine municipale de Rabat, réclamée à cor et à cri ! Il y a 50 ans sur les colonnes de L'Opinion, un de nos journalistes exposait la question de la nécessité de mettre au point une piscine municipale à la Capitale du Royaume pour les amoureux de ce lieu de plaisance et de divertissement, afin de combler un vide lacunaire au cœur d'un paysage urbaniste qui se voulait, déjà, progressiste. Après avoir donné un aperçu des nombreuses plages de Rabat et de ses environs, il a souligné l'absence de moyens de transport pour de nombreux citoyens souhaitant se rendre à Témara, Skhirate ou Bouznika pour profiter pleinement du soleil et de l'air frais. C'est dire à quel point notre ligne éditoriale a toujours été consacrée aux plus légères préoccupations de notre cher lectorat. L'article, signé en 1973, faisait le point sur les piscines de la région, qui étaient toutes privées, donc exploitées à des fins lucratives, au détriment du droit du public à se divertir pendant la saison estivale, synonyme de plaisance et d'estivage. «A cela il faut ajouter que certains citoyens préfèrent la piscine et ce, pour plus d'une raison : sécurité, propreté et autres avantages », tenait-il à préciser. Ainsi, avec beaucoup de finesse et autant de perspicacité, notre journaliste a ajouté, avec une once d'optimisme, que «la capitale possède comme toutes les villes du pays un Conseil Municipal lequel dispose d'un budget assez important. On se demande alors pour quelles raisons n'a-t-on pas pensé à la construction d'une piscine municipale ? Nous sommes certains que des départements comme la Jeunesse et les Sports et l'Intérieur aideront si demande leur est faite, à la réalisation d'un tel projet ». Avez-vous dit ligne avant-gardiste ? Nous ne vous le ferions pas dire...
Zoom-arrière : Un peu de culture... Durant le Second Empire en France (1853-1870) et le commencement de la Troisième République (après 1870), les concepts de bain de plaisance et de sport sont abandonnés au profit de la salubrité, de l'hygiène et de la propreté élémentaire. En Allemagne, la mise en place de douches publiques en 1855 a mis fin à la notion de bain public.
Au cours des années folles (1920-1930), une vingtaine de piscines publiques sont mises en chantier en France, privilégiant la notion de jeu, de sport et de plaisir, dans l'euphorie des années d'après-guerre. La première piscine conçue uniquement pour la natation et le jeu est construite en 1924, dissociant enfin la notion d'hygiène de celle de plaisir. Toutefois, la France reste loin derrière l'Allemagne (1 400 piscines) et l'Angleterre (800 piscines).