Grâce à ses atouts géographiques et naturels, le Maroc est en bonnes dispositions pour développer une filière à haute valeur ajoutée de valorisation d'algues et de microalgues. Dans certaines plages, elles peuvent frôler vos pieds immergés et, au passage, occasionner parfois une sensation peu agréable. Les algues marines se présentent sous des formes, des couleurs et des textures très différentes, et, pour beaucoup, ne constituent pas d'intérêt notable. Pourtant, même si la valorisation de ces « plantes marines » s'est faite depuis des temps immémoriaux à travers le monde, ce n'est que durant les dernières décennies que le monde scientifique et industriel commence réellement à en tirer profit. Au Maroc, les algues rouges sont les plus connues puisque leur exploitation a pendant des années permis à des centaines de plongeurs d'en faire une véritable source de revenus. « Dans la région d'El Jadida, ces algues ont sauvé un grand nombre de personnes puisque leur collecte et leur revente ont fait vivre des centaines de familles », témoigne Abderrahim, habitant du village de Moulay Abdellah. Pourtant, les algues rouges ne sont que la partie visible d'un iceberg beaucoup plus conséquent.
Un immense potentiel
Dans une étude intitulée « Le potentiel de l'aquaculture verte en Afrique : état des lieux et perspective de l'algoculture », la Banque Africaine de Développement (BAD) avait relevé en 2022 l'immense potentiel que les algues et leur valorisation économique pouvaient offrir au continent, en général, et au Maroc, en particulier. Le Royaume qui dispose de deux façades maritimes est à cet égard doté naturellement de richesses insoupçonnées dont la mise à profit pourrait constituer un pilier important de l'économie bleue. Les microalgues jouent par exemple un rôle essentiel dans l'élevage des animaux aquatiques comme les mollusques, les crevettes et les poissons, et elles présentent un intérêt stratégique pour l'aquaculture. En effet, les principales applications de ces microorganismes en aquaculture sont liées à la nutrition, car ils sont utilisés à l'état frais comme composante unique ou comme additif alimentaire aux nutriments de base.
Algues et aquaculture En tenant compte du rôle que devra jouer l'aquaculture dans l'alimentation au niveau mondial durant les prochaines décennies, les microalgues se présentent ainsi comme une nouvelle ressource stratégique dont l'importance ne cessera de prendre de l'ampleur. Les études ont montré que les microalgues réduisent le recours aux antibiotiques et aux médicaments souvent utilisés dans l'aquaculture conventionnelle, en améliorant le système immunitaire des animaux d'élevage contre les conditions défavorables et les agents pathogènes. Un atout de taille, au vu des enjeux et des défis sanitaires et environnementaux qui sont également associés à l'aquaculture. En attendant l'aboutissement des chantiers de l'économie bleue qui tirent profit du potentiel des algues, le marché national, qui s'organise autour de cette ressource, ne cesse de croître. La production nationale d'algues est ainsi passée de 19.071 tonnes en 2015 (66 millions de dirhams en valeur) à 22.219 tonnes en 2020 (83 millions de dirhams).
Le rôle écologique Dans leur large diversité, les algues sont également un réservoir génétique où sommeillent encore des molécules et des matières actives (encore à découvrir) qui peuvent s'avérer précieuses aussi bien dans le domaine de la santé que pour l'alimentation ou l'industrie. Elles ne sont pas pour autant une ressource « miracle » puisqu'il existe des risques liés à leur exploitation excessive ou encore à l'apparition d'espèces invasives dangereuses pour la santé des écosystèmes marins. La recherche scientifique devra donc jouer un rôle primordial pour garantir une mise à profit et une utilisation durable de cette ressource qui est par ailleurs responsable d'une part significative de la régénération de l'oxygène sur Terre, puisque les algues permettent de convertir l'énergie lumineuse et le carbone en matière organique (biomasse). Similaires aux forêts terrestres, elles éliminent le dioxyde de carbone (CO2) de l'atmosphère terrestre et produisent de l'oxygène, qui aide à réguler le climat. Autant d'atouts que les algues offrent et qu'il convient de prospecter et de mettre à profit.
3 questions à Fatima El Aamri « La taille du marché mondial des microalgues augmentera de 4 à 6% par an » La recherche scientifique dans le domaine des algues connaît-elle un développement qui tient compte du potentiel de valorisation de cette ressource ?
- L'activité de recherche dans le domaine des algues a augmenté ces dernières années, pour répondre aux besoins croissants d'une économie durable et renouvelables dans divers domaines industriels. Nous connaissons mieux son potentiel et son importance. Des études estiment que la taille du marché mondial des microalgues augmentera de 4 à 6% par an, cela rend ce secteur très prometteur pour l'avenir. Quel rôle jouent les microalgues dans des secteurs productifs comme la conchyliculture ? - Les microalgues destinées pour la conchyliculture constituent la base du processus de production des naissains de coquillages dans les écloseries, elles sont des intrants essentiels pour assurer un bon conditionnement des géniteurs, une croissance optimale des larves et des naissains. Par conséquent, leur production en masse et en bonne qualité est obligatoire pour optimiser le processus de production des naissains. Puisque cette production de microalgues représente plus de 40% du coût global de la production de naissain en écloserie, une optimisation de la production et du rendement de phytoplancton est devenue indispensable, notamment par l'ajustement des principaux facteurs influençant les performances de croissance et la qualité des cultures de microalgues. Quelle est l'approche principale qui structure vos recherches dans ce domaine ?
- Notre stratégie de recherche inclut l'approche pratique qui se base sur le développement de compétences en termes de techniques de culture de microalgues, depuis la sélection et la purification jusqu'à la préparation de cultures mères, en passant par la mise à l'échelle et la maintenance de cultures à grande échelle.
Classification : Des algues « invisibles » en premier maillon de la chaîne alimentaire Il existe deux grandes catégories d'algues : les « macroalgues », visibles à l'œil nu, et les « microalgues », qui correspondent à des petits organismes unicellulaires « phytoplanctons », que l'on trouve dans les eaux douces, les eaux salées et les sols humides et qui font partie des sources de nourriture les plus importantes pour les petits animaux dans le milieu aquatique. Le phytoplancton unicellulaire semble invisible à l'œil nu. Cependant, on peut le voir en masse, généralement, sous la forme d'une couche, surtout lorsqu'il se multiplie en grande quantité, comme ce qui se passe dans certaines zones des mers et des océans. C'est le cas dans les conditions idéales de croissance, à savoir la présence d'une température appropriée, d'une source de lumière adéquate et de nutriments vitaux tels que le nitrate, le phosphore, le potassium et le carbone. Par ailleurs, lorsque ces conditions sont réunies, les microalgues se multiplient rapidement et forment ce que l'on appelle un « Bloom algale ». L'info...Graphie Recherche : Bientôt la création d'une banque de souches de microalgues L'Institut National de Recherche Halieutique (INRH) a orienté ses programmes de recherche de manière à accompagner et à contribuer à la réalisation des orientations stratégiques du «Plan Halieutis» en matière d'aquaculture, en général, et de la conchyliculture, en particulier, notamment par la création de deux écloseries conchylicoles expérimentales : une à Amsa (en Méditerranée) et l'autre au niveau de la baie de Dakhla (en Atlantique). Aussi, l'INRH a envisagé de mettre en place un projet de recherche visant le développement de l'offre marocaine en produits de microalgues. Ce projet vise l'identification, l'isolement et la sélection de microalgues locales pour la mise en place d'une banque nationale de souches, qui permettra aux chercheurs et aux scientifiques d'évaluer et d'étudier les caractéristiques physiques, chimiques et génétiques de ces souches. À noter que d'autres projets innovants (tirant profit du potentiel des microalgues) sont en cours de développement au niveau national. C'est le cas par exemple de l'initiative développée par l'industrie de ciment et basée sur l'absorption du dioxyde de carbone émis par les flux gazeux de l'industrie cimentière et son utilisation dans la culture d'algues pour obtenir une masse organique utilisable dans la production d'aliments pour poissons. Un autre exemple est le lancement (région d'Akhfennir) à l'horizon 2024 de la plus grande installation pour séquestrer le dioxyde de carbone émis dans l'atmosphère afin de réduire le réchauffement climatique en utilisant les microalgues marines.