Promouvoir la récupération des déchets post industriels et des déchets pré-consommation, mais aussi établir, au niveau local, des usines modernes de collecte et de recyclage capables de transformer les déchets en fils et en tissus, et de recycler les vêtements importés invendus, tels sont les principaux défis du secteur du textile. Explications. L'artisanat, dans son ensemble, se porte bien et c'est rassurant d'après l'intervention de la ministre de tutelle devant les représentants de la nation. Selon Mme Fatim-Zahra Ammor, les exportations des produits de l'Artisanat ont réalisé des recettes de 323 millions de dirhams (MDH) à fin mars 2023, en augmentation de 29% par rapport à la même période de l'année dernière. Un chiffre qui conforte la politique du ministère du Tourisme, de l'Artisanat et de l'Economie sociale et solidaire.
L'occasion pour Mme Fatim-Zahra Ammor d'aborder la stratégie de son Département en matière de développement du secteur, laquelle repose sur deux axes dont la structuration et l'organisation du secteur, ainsi que sur l'amélioration de la valeur ajoutée. Dans le premier axe, il a été procédé à l'activation de la loi relative à l'exercice des activités de l'Artisanat, qui réglemente 172 métiers répartis entre la productivité et les services, permet de protéger les professions et les consommateurs, et offre aux artisans la possibilité de bénéficier de la couverture sociale, a-t-elle expliqué. Une fois le décor planté, on ne peut s'empêcher d'attirer l'attention du ministère sur le cas particulier du secteur du textile à la lumière du dernier rapport de la Société financière internationale (IFC). Dans son document intitulé « Du linéaire au circulaire : perspectives pour l'industrie marocaine du textile », cette institution interpelle les autorités marocaines à prendre des mesures idoines pour accompagner le secteur du textile dans une conjoncture mondiale de plus en plus difficile. Selon l'IFC, la situation géographique du Maroc permet une proximité avec l'Europe, les Etats-Unis et l'Afrique, mais le secteur du textile nécessite une meilleure résilience face à un certain nombre de défis dont le premier est de diversifier les clients, car l'Espagne et la France reçoivent encore 80% des exportations textiles marocaines vers l'Europe, et la sous-traitance représente encore une part importante de la production, à environ 60%.
Conquérir des parts de marché Pour ce faire, le Maroc est appelé à mettre en place des mesures afin de réussir la transition vers une industrie textile circulaire, selon cette étude thématique réalisée par la Société financière internationale (IFC), intitulée « Du linéaire au circulaire : perspectives pour l'industrie marocaine du textile ». Or, c'est connu de tous, le secteur textile est un moteur majeur de l'économie marocaine, représentant 15% du PIB industriel et 11% des exportations, et fournit des emplois à quelque 200.000 personnes, dont 60% sont des femmes. A titre illustratif, les exportations de textiles pour les trois premiers trimestres de 2022 se sont élevées à 3,8 milliards d'euros vers l'UE, contre 2,6 milliards d'euros en 2021. Le Maroc a réussi à conquérir une part du marché textile dans l'Union Européenne d'environ 2,4%. Ce chiffre était d'environ 3,1% en 2007, peut-on lire dans le rapport. Compte tenu de ces enjeux, l'IFC recommande dans un premier temps : promouvoir la récupération des déchets post industriels (en particulier les chutes de la salle de coupe) et des déchets pré-consommation mais aussi établir, au niveau local des usines modernes de collecte et de recyclage capables de transformer les déchets en fils et en tissus, et de recycler les vêtements importés invendus. Parmi les mesures recommandées par l'IFC, il est question de bâtir localement une industrie moderne et durable, qui fournit des éléments en amont comme le fil, le tissu, l'impression et la teinture, et qui assure la traçabilité pour les marques. Tout comme, il s'agit d'accroître les possibilités de collaboration avec des entreprises locales en amont de la chaîne de valeur, ce qui aiderait le Maroc à satisfaire aux règles d'origine de la zone pan-euro-méditerranéenne relatives à l'accès préférentiel à l'UE. Dans le même sillage, l'IFC demande aux autorités marocaines de passer de la mode éphémère et du modèle CMT (modèle coupe-assemblage-finition – Cut, Make and Trim) selon lequel les tissus proviennent de l'étranger, à un modèle pour lequel une plus grande quantité de matériaux est achetée localement. Ce qui permettra d'offrir aux acheteurs des articles issus d'un système de production de FPP (système de production de bout en bout-Full Package Production).
Avantages comparatifs Le rapport invite à une collaboration étroite avec l'UE et ses représentations pour le commerce international pour obtenir des conseils et, le cas échéant, solliciter des financements pour appuyer la transition sans oublier le ciblage des filières textiles dans lesquelles le Royaume dispose d'un avantage comparatif ainsi qu'investir davantage dans l'innovation et la technologie pour améliorer l'avantage concurrentiel du pays. Ces recommandations viennent à point nommé au lendemain de la tenue de la 20ème édition du Salon International du Textile, MIM, qui a débuté le 10 mai 2023 à Casablanca, organisé par l'Association Marocaine des Industries du Textile et de l'Habillement (AMITH). D'autant plus que la thématique retenue cette année est « Dayem Morocco ». Il a mis en avant la diversification des marchés, le développement durable sur les plans social et environnemental, le renforcement de la chaîne de valeur et l'amélioration de la compétitivité des entreprises textiles marocaines. Mieux, en marge du salon, l'AMITH a organisé une série de conférences animées par des experts nationaux et internationaux. Ces conférences ont porté sur l'impact de l'investissement sur l'emploi durable dans l'industrie textile-habillement marocaine, la mise en œuvre des pratiques d'achat durables dans l'industrie mondiale textile-habillement, les évolutions et les stratégies du sourcing (approvisionnement) des marques et enfin sur la préparation du textile-habillement marocain au passage vers la circularité. En d'autres termes, le rapport d'IFC donne une vision claire pour que la dynamique enclenchée, au lendemain de la crise sanitaire, soit soutenue et mieux orientée. L'arrivée de nouvelles technologies, la concurrence de plus en plus féroce dans le secteur, l'ensemble de ces facteurs interpelle plus que jamais à une meilleure prise en compte du rapport de l'IFC.
Wolondouka SIDIBE
Bon à savoir « Dayem Morocco » s'inscrit dans la feuille de route de l'Association marocaine des industries du textile et de l'habillement (AMITH), dévoilée, l'année dernière, et déclinée à l'horizon 2030. « Dayem Morocco » se veut comme une vision du textile « made in Morocco » couvrant aussi bien le marché local qu'international. L'objectif est d'augmenter la valeur des exportations du secteur à 60 milliards de dirhams ainsi que de porter la part des exportations marocaines sur les marchés d'Amérique du Nord et d'Europe du Nord à 20% du total des exportations.L'AMITH ambitionne aussi de porter la part de la production en co-traitance et produit fini de 35% actuellement à 60% à l'horizon 2035. La mise en œuvre de cette stratégie a également pour finalité de pérenniser les emplois dans le secteur du textile et de l'habillement avec un objectif d'en créer 50.000 nouveaux à l'horizon 2025. Selon les statistiques, avant Covid, et avec 1.628 entreprises employant 189.000 personnes, soit 22% des emplois au niveau national, le secteur du textile permet de générer un chiffre d'affaires de 50,48 MMDH et de 36,5 MMDH à l'export, ainsi qu'une valeur ajoutée de 15,88 MMDH.