Le SIAM 2023 a connu une forte participation des pays africains dont la Côte d'Ivoire. L'un des temps forts de ce rendez-vous mondial agricole a été la tenue de la troisième conférence sur le triple A. Le ministre d'Etat, ministre de l'Agriculture et du Développement rural, Kobenan Kouassi Adjoumani, de ce pays ami du Maroc, nous parle des enjeux. Explications. * Il a été beaucoup question du changement climatique lors de la conférence sur le triple A. Que faut-il en déduire ?
Nous sommes dans un continent où il pleut abondamment, si bien que les productions sont noyées. Et quand c'est le cas, suite aux intempéries, incontestablement, nous ne pourrons pas subvenir aux besoins de nos populations en matière nutritionnelle. Aujourd'hui, nous avons besoin de faire en sorte que toute eau qui tombe du ciel puisse être canalisée et servir d'irrigation. C'est un aspect très important. Mais aussi il y a la sécheresse qui vient décimer tout sur son passage. Si donc il y a une meilleure gestion des pluies qui viennent abondamment en des périodes données, ces eaux peuvent servir pendant les périodes de disette où il ne pleut pas.
* Autrement dit, il faudra adapter l'agriculture aux circonstances climatiques ?
Cela est une nécessité si nous voulons avoir une agriculture pérenne mais aussi plus productive. Il faut donc faire de la maîtrise d'eau une réalité pour nos pays. En effet, quel qu'en soit la puissance ou l'efficacité des entrants, en l'absence de pluie ou d'eau d'irrigation, on ne peut rien obtenir. Donc, la première des choses à faire, dans nos pays, c'est la maîtrise de l'eau pour avoir une agriculture généreuse et forte. Ensuite, faire une agriculture d'adaptation pour ne pas tellement entamer nos terres. Il est aussi question de produire sur de petits espaces à partir des semences améliorées mais également à partir d'une agriculture mécanisée. Parce que si nous avons la possibilité d'utiliser les machines à la place des dabas (houes), avec des semences améliorées, nous pourrons être capables de venir à bout de tous ces fléaux pour nourrir l'Afrique.
* Qu'en est-il du SIAM ?
Vous savez le SIAM est une manifestation agricole qui n'a rien à envier aux autres Salons que nous voyons en Europe ou ailleurs. C'est l'un des grands Salons au monde. D'ailleurs, c'est l'occasion de rappeler que ce rendez-vous international agricole au Maroc nous a manqué pendant les trois dernières années en raison de la crise sanitaire liée au Covid-19. Aujourd'hui, nous constations que le SIAM prend de plus en plus de l'ampleur. Pour nous, c'est une grande satisfaction et nous sommes heureux d'être là et de partager nos expériences avec les experts, tout en présentant les potentialités de notre pays en matière d'agriculture.
* Qu'en est-il du triple A, devenu indispensable à l'Afrique dans sa quête à nourrir sa population ?
C'est un sujet qui interpelle plus que jamais toute l'Afrique car il est question désormais d'adapter notre agriculture aux changements climatiques en tenant compte de tous les facteurs exogènes environnementaux. C'est dans cette optique que l'on parle des AAA conditionné par l'alignement de l'agriculture africaine sur ces aléas climatiques. Si aujourd'hui, nous pouvons savoir, avec la météo, à quel moment il va pleuvoir ou à quel moment il y aura la sécheresse, il serait donc utile de prendre les dispositions adéquates et conséquentes à partir des drainages pour irriguer nos champs, nos vergers et autres maraichères. Je crois qu'en Afrique, nous devrons nous concerter et surtout disposer des moyens. Or, avec ce que nous faisons, dans le cadre de ces rencontres, nous pourrons mobiliser des fonds et les répartir de façon équitable pour permettre à chaque pays de disposer d'un minimum pour pouvoir faire son agriculture.
* Peut-on en déduire que le triple A peut constituer le fondement d'une nouvelle agriculture en Afrique ?
C'est de la nouvelle stratégie qu'il s'agit car elle se fonde sur une approche globe pour que l'agriculture africaine puisse mieux se développer dans la productivité et qualitativement pour faire face aux besoins nutritionnels du continent. En effet, depuis son lancement, ici au Maroc lors de la COP22 à Marrakech en novembre 2016, la Conférence ministérielle de l'Initiative AAA est devenue un événement crucial pour l'avancement de l'agriculture africaine. C'est une nécessité quand on sait que le changement climatique continue de menacer gravement la sécurité alimentaire sur le continent.
La conférence est donc une occasion institutionnelle importante pour les parties prenantes de l'agriculture africaine afin d'évaluer les progrès réalisés, de réfléchir aux défis et de tracer une voie pour l'avenir. Dans cette optique, les participants de différents pays et secteurs agricoles se rassemblent à la conférence pour partager leurs expériences, leurs idées et leurs meilleures pratiques pour surmonter les défis posés par le changement climatique.
* Un mot à l'adresse des investisseurs marocains ?
Il faut relever d'abord que la Côte d'Ivoire et le Maroc entretiennent de bonnes relations dans tous les domaines. En témoigne notre présence à ce Salon avec une forte délégation. C'est l'occasion, d'ailleurs, pour moi d'inviter les investisseurs à se rendre en Côte d'Ivoire où plusieurs opportunités se présentent à eux dans les filières agricoles. Ce Salon nous a également permis de présenter à nos partenaires marocains, les performances et les potentialités de modernisation du secteur agricole ivoirien à travers les neuf agropoles. Rappelons que mon pays, la Côte d'Ivoire, va organiser la 6ème édition du Salon international de l'agriculture et des ressources animales d'Abidjan (SARA), prévu du 29 septembre au 8 octobre 2023 au parc des expositions d'Abidjan, autour du thème « L'Agriculture africaine face aux chocs internes et externes : quelles innovations structurelles pour améliorer les secteurs agricoles et garantir la souveraineté alimentaire ». Bon à savoir L'Objectif principal de l'Initiative pour l'Adaptation de l'Agriculture Africaine au changement climatique (Initiative AAA) est de contribuer à la sécurité alimentaire africaine, d'améliorer les conditions de vie des agriculteurs vulnérables et de promouvoir l'emploi rural en encourageant les pratiques d'adaptation au changement climatique, en renforçant les capacités des acteurs et en canalisant les flux financiers vers les agriculteurs les plus vulnérables. Il répond à l'Accord de Paris sur le changement climatique en aidant les pays africains à mettre en œuvre leurs engagements individuels pour réduire les émissions et s'adapter au changement climatique. De cette manière, l'Initiative AAA encourage la mise en œuvre de projets concrets pour la gestion des sols, la gestion de l'eau agricole et la gestion des risques climatiques, dans le but d'accroître la résilience des agriculteurs et de promouvoir des pratiques agricoles durables qui peuvent s'adapter au changement climatique. L'Initiative AAA reconnaît l'importance de l'agriculture dans l'économie africaine et vise à garantir qu'elle ne soit pas laissée pour compte dans la lutte contre le changement climatique.