L'intérêt que portent les chaînes de télévision nationales à la production d'animation fait désormais des métiers de l'animation un secteur très demandeur de compétences. Les sociétés de production, en sous effectifs, sont constamment à la quête de nouveaux talents, d'où le besoin d'accélérer les processus de formation. Interview Quel regard portez-vous sur la dynamique du marché de l'emploi dans le domaine de l'animation au Maroc par rapport aux autres pays ? Autrement dit, y a-t-il suffisamment d'offres et de demandes en matière de compétences sur le marché ? Aujourd'hui, la dynamique de l'emploi dans ce secteur est en phase de démarrage au Maroc par rapport aux autres pays, notamment la France. Certes, il y a suffisamment d'offres et de demandes en matière de compétences mais malheureusement, ces compétences restent dispersées. Preuve à l'appui, les trois studios spécialisés dans la production de films d'animation au Maroc disposent de très peu de ressources humaines nécessaires pour réaliser leurs projets. Aujourd'hui, les compétences dans le secteur de l'animation sont présentes entre les écoles des beaux-arts et quelques écoles d'animation. Toutefois, elles ne sont pas toutes aptes à travailler directement dans la chaîne de production de films d'animation. De leur côtés, les trois studios de production présents sur la scène artistique marocaine, notamment ArtcousticStudio, tentent à mieux fédérer les compétences humaines dont ils disposent en vue d'instaurer les bases d'une industrie à part entière dont la clé réside sans aucun doute, dans les compétences humaines.
D'après vos observations de professionnel du secteur, combien ce secteur génère-t-il d'emplois au Maroc? Les résultats de la première école dédiée à l'animation au Maroc qui est Flow Motion School (FMS), lancé depuis trois ans en partenariat avec l'Initiative nationale pour le développement humain (INDH), ont montré que le marché de l'emploi présente un engouement sans précédent pour les compétences qualifiées dans le secteur de l'animation. Sur 1300 inscrits à l'école au titre de l'année de 2022, les 30 lauréats de la première promotion ont bénéficié d'une formation pratique accélérée de 9 mois dans tous les aspects liés à l'animation, avec un encadrement assuré des réalisateurs et des acteurs du monde de l'animation et le soutien du festival international du film d'animation de Meknès (FICAM). Aujourd'hui, 90% des lauréats de l'école ont décroché un emploi dans des studios de production ou des agences de communication. Certains d'autres ont lancé leurs propres projets. Ces ressources ont été même convoitées à l'étranger. D'ailleurs, l'école a été sollicitée par un studio pioneer en Corée du sud pour faire, justement de la sous-traitance sur des projets. Sur le terrain, la demande en compétences dans le secteur est beaucoup plus importante que l'offre. Les agences, les studios au Maroc et à l'étranger cherchent à sous-traiter car ils sont en sous effectifs par rapport au besoin. Si on peut donner un chiffre, dans ce sens, je pense que 2000 ou 3000 de professionnels sont en machine. Cependant, l'exercice le plus compliqué reste, à mes yeux, de fidéliser ces compétences pour pouvoir couvrir le besoin en ressources humaines qui se présentent, désormais, surtout après l'intérêt fort que les chaînes de télévisions nationales portent à la production.
Quels sont les éléments clés pour aboutir à un secteur cinématographique dynamique, concurrentiel et créateur d'emplois ? Au-delà de l'aspect technique nécessaire pour la production de films, l'investissement de notre pays dans le domaine de l'animation devrait se faire principalement sur le volet de la formation. Le secteur de l'animation est un double gain pour le Royaume, du fait qu'elle va nous permettre, d'une part, d'exporter notre culture à l'étranger surtout face à l'intérêt que les plateformes de streaming, notamment Netflix, portent à la production nationale et, d'autre part, de créer de la richesse et donc de générer de l'emploi. L'industrie de l'animation a totalisé près de 350 millions d'euros en France et près de 950 millions de dollars par film aux Etats Unis. Il s'agit, bien évidemment de chiffres énormes qui témoignent de la valeur ajoutée que ce secteur pourrait offrir pour l'économie nationale. J'irai encore plus loin pour dire que l'industrie de l'animation pourrait compenser d'autres industries au Royaume. Des ambitions qui ne peuvent en aucun cas voir le bout du tunnel sans ressources humaines. En gros, le Maroc a tout à gagner à asseoir cette industrie d'animation au plus vite à travers l'investissement dans la formation, c'est-à-dire former, accompagner et fidéliser. Je pense d'ici 5 ans, si tout le monde s'y met, on aura une vraie industrie porteuse de croissance et d'emploi. Les ingrédients pour ce faire sont si simples mais nécessitent, en effet, l'engagement de toutes les parties prenantes, à savoir le Centre cinématographique marocain (CCM), le ministère de la Culture mais aussi les écoles privées qui devront privilégier la connaissance et non le business en vue de préparer la relève du cinéma d'animation au Maroc.