Le parcours de la journaliste, critique d'art et entrepreneure Kenza Sefrioui va du journalisme d'investigation à l'édition en passant par le militantisme culturel. Riche de ses expériences sur le terrain, cette intellectuelle codirige, aujourd'hui, «En toutes lettres » avec son binôme et époux Hicham Houdaïfa. Dites-nous ce qui vous a amenée à vous lancer dans le monde du journalisme, de la littérature et de l'édition ? En sus de mes études en journalisme, je suis titulaire d'un doctorat en littérature comparée arabe et française. J'ai grandi à Paris et je suis venue au Maroc pour faire mes recherches sur la revue Souffles. A la naissance de l'Instance Equité et Réconciliation, j'ai intégré l'hebdomadaire Le Journal à une époque où la critique littéraire n'était plus aussi glorieuse qu'auparavant. Mes reportages sur le terrain m'ont ouvert les yeux sur ce que je pouvais réellement faire pour mon pays : faire des enquêtes sur des sujets culturels. Tous ceux qui écrivent quelques traits d'esprit en faveur de l'essor culturel prétendent être des activistes culturels. Mais puisque tout est relatif, quelle est, selon vous, la meilleure approche du militantisme culturel ? Selon mon expérience au sein de l'Association Racine que j'ai cofondée, le militantisme culturel commence par le fait de pouvoir créer des débats de société. J'ai personnellement été amenée à animer des débats sur la culture en invitant les dirigeants des partis politiques à présenter leur programme culturel lors d'une série de rencontres. Créer le débat est une condition sine qua non de toute initiative progressiste et bénéfique pour la société. De là est née mon envie de créer le débat autrement, en poussant cette fois-ci la porte du monde de l'édition. La culture passe par de nombreux canaux, mais elle doit aussi atteindre toutes les destinations. Comment faites-vous pour relever ce défi, qui n'est pas des moindres, d'après vous, en tant que codirectrice d'une maison d'édition ? L'idée c'est qu'après la fermeture du Journal en 2010, il a fallu continuer à militer pour la généralisation et la démocratisation de la culture, à faire des investigations en profondeur sur les phénomènes sociétaux et, pourquoi pas, faire les deux en même temps en passant par le canal de l'édition. C'est pour cette raison que Hicham Houdaïfa et moi-même avons fondé «En toutes lettres» parce que, pour porter des messages aussi importants que la culture, il faut absolument passer pour le journalisme narratif, soit l'investigation au service de la culture. Je précise que les genres littéraires ou journalistiques ne sont pas notre seule préoccupation. Le texte, lui-même, doit être intelligible de tous, n'oublions pas que le français, au Maroc, est la langue de la classe dorée. De ce fait, le rendre compréhensif par toutes les classes du Royaume n'est pas une si mauvaise idée. La démocratisation de la culture doit fatalement passer par cette étape. * Houda BELABD