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GUERRE EN UKRAINE...L'escalade
Publié dans L'opinion le 17 - 02 - 2023

En engageant une attaque contre l'Ukraine, il y a un an, en février 2022, Poutine avait en tête essentiellement trois objectifs : 1).Empêcher, ou du moins créer suffisamment d'obstacles pour retarder l'adhésion de l'Ukraine à l'OTAN et à l'Union Européenne, 2)Créer une zone tampon entre la Russie et l'Ukraine, qui limiterait la portée des fusées ennemies en cas d'attaque contre le territoire russe, 3). Troisièmement, vexé dans son orgueil et son amour propre, Poutine a voulu prouver à tous ses détracteurs, qu'il faut prendre au sérieux ses prises de position et ses déclarations quant à la volonté et la capacité de la Russie à défendre son intégrité territoriale, ou toute tentative qui viserait à affaiblir ou réduire la « grande Russie » au second plan.
Autre objectif, une fois l'insurrection ukrainienne balayée, destituer le gouvernement en place et le remplacer par un gouvernement pro-russe.
Après une année de confrontation entre la Russie et l'Ukraine, malgré l'aide financière et militaire exagérément massive octroyée à Kiev, malgré le nombre impressionnant de victimes, militaires pour les russes, civils et militaires du côté ukrainien, les analystes ont du mal à faire un bilan précis, du moins un état des lieux précis et objectif, sans arrière pensée, ou déformation de la réalité sur le terrain, visant la manipulation des opinions -nationales et internationales.
Après avoir annexé la Crimée en 2014, aujourd'hui Poutine contrôle le corridor reliant la Crimée au Donbass, soit les 4 oblasts (Kherson, Zoporijja, Donetsk, Lougansk).
S'il est impossible de parler de victoire pour l'Ukraine, il est difficile de parler de défaite de la Russie.
La panoplie des « sanctions » annoncées par le monde occidental a eu très peu d'impact sur la volonté de Poutine à aller jusqu'au bout de sa stratégie.

L'ESCALADE
Sommes-nous aujourd'hui à un tournant stratégique et qualitatif dans le conflit Russo-Ukrainien ?
Après une année de confrontation « chaotique », les mois qui viennent seront marqués par des confrontations stratégiques : «chars russes contre chars des allies », « missiles contre missiles », et peut-être après une confrontation au sol, une confrontation aérienne.
Depuis le début de l'invasion russe, les alliés européens de Kiev ont déjà livré près de 300 chars soviétiques modernisés, mais jamais encore de chars lourds de facture occidentale, et ce, malgré les demandes répétées de l'Ukraine.
L'annonce britannique de livrer ses chars challenger2, intervient après que la Pologne s'est dite prête à livrer 14 chars lourds Leopard 2, un modèle allemand de char d'assaut considéré comme l'un des plus performants au monde.
Pour sa part, L'Allemagne va livrer à l'Ukraine 14 chars Leopard 2A6, provenant des stocks de la Bundeswehr, tout en autorisant les pays qui le souhaitent à fournir à Kiev les blindés 2A4 qu'ils détiennent, en particulier la Pologne, la Finlande et le Portugal.
Selon les spécialistes, le char lourd Leopard 2 est réputé parmi les meilleurs du monde, susceptible d'avoir un impact "significatif" sur le champ de bataille.
Le char Leopard 2 a été conçu par le fabricant allemand Krauss-Maffei, et construit en série à partir de la fin des années 1970. Il combine puissance de feu, mobilité et protection. Il pèse une soixantaine de tonnes. Environ 3.500 exemplaires sont sortis des chaînes de production. Il est doté d'un canon lisse de calibre 120 mm, qui permet de combattre l'ennemi tout en se déplaçant, grâce à ses 1.500 chevaux, sa vitesse pouvant atteindre 70 km/h, avec une autonomie de 450 km.
Il est aussi doté, selon le fabricant, d'une "protection passive intégrale" efficace contre les mines et lances-roquettes. Son équipage de quatre personnes bénéficie aussi d'outils technologiques permettant de localiser et cibler l'ennemi à longue distance.
Ce modèle 2A6, équipé d'un canon plus long que les précédentes version, peut tirer des munitions plus puissantes, avec une précision améliorée. Employé notamment en Afghanistan, possède aussi une protection renforcée contre les mines.
Quant aux américains, après plusieurs tergiversations, ils ont finalement décidé de livrer leur meilleur char lourd : le char Abrams.
Il y a quelque temps encore, alors que les Etats-Unis refusaient de livrer des chars, le numéro trois du Pentagone, Colin Kahl, sous-secrétaire à La Défense, avait souligné que le char Abrams était "un équipement très compliqué". "Il est cher, il requiert une formation difficile, il a un moteur d'avion à réaction. Il consomme 11 litres de kérosène au km". "Ce n'est pas le système le plus facile à entretenir", avait-il ajouté.
Produit par General Dynamics Land System (initialement Chrysler Defense), l'Abrams américain fait partie du petit groupe de chars d'assaut considérés comme les plus performants au monde, avec le Leopard allemand, le Leclerc français, l'Armata russe, le Challenger 2 britannique et le K2 Black Panther sud-coréen.
Les principales caractéristiques de l'Abrams sont ainsi proches du char allemand, le Leopard 2, que l'Ukraine va recevoir : un canon d'un calibre de 120 mm et d'une portée de 4,5 km (légèrement plus pour le Leopard), un équipage de quatre personnes (chef de char, tireur, chargeur et conducteur), une vitesse maximale de près de 70 km/h, un poids de 67 tonnes (un peu plus de 62 pour l'Européen).

L'Abrams a aussi l'avantage d'offrir d'un blindage composite particulier, avec une couche de mailles d'uranium appauvri qui lui offre une protection supplémentaire contre les obus et les missiles antichars.
Il a servi pour la première fois sur le champ de bataille en 1997, lors de la guerre du Golfe. Sur les 1.800 chars Abrams envoyés sur ce théâtre d'opération, en raison d'une absence de résistance de la part des iraquiens, faute de pièces détachés pour ses chars soviétiques, les T14, seulement 23 seront endommagés et aucun ne sera complètement détruit.
L'autonomie de ses plus récents modèles atteint les 400 km, contre 550 km pour le Leopard. Il est aussi plus compliqué à manier et à entretenir qu'un char Leopard.
Il est doté d'un moteur à réaction qui nécessite, jusqu'à 3 gallons de kérosène par mile (près de 7 litres par km).

EQUIPEMENTS RUSSES
Face aux meilleurs chars au monde, la Russie leur opposera son fameux char T14 armata, version améliorée du T14.
Le T-14 Armata est un char de combat de 4 ème génération russe. Son développement a commencé après l'abandon du programme T-95. Il a été présenté le 9 mai 2015 lors du défilé militaire célébrant le 70e anniversaire de la victoire dans la Grande Guerre patriotique.
L'armée russe (toutes branches confondues) est structurellement à l'heure de la modernisation par la professionnalisation de son contingent, et donc à la diminution globale de ses effectifs. De 4 à 5,3 millions de soldats et officiers dans les années 1980, elle passe à 2,1 millions en 1994, 850 000 en 2003, et 1 027 000 en 2006.
À la fin de l'ère soviétique, la Russie s'est retrouvée avec un important stock d'armes en tout genres mais avec très peu de moyens pour les entretenir. Passée la dure période des années 1990-2000, le gouvernement lance le programme de réarmement 2007-2015 qui prévoit principalement l'achat de nouveaux matériels et dans une moindre mesure, la mise à niveau des anciens.
Aujourd'hui, et depuis essentiellement l'anné 2000, la Russie dispose d'une véritable industrie militaire.
En 2007, 50 % des sergents et recrues sont ainsi professionnalisés. Il est prévu qu'un quart des effectifs soient placés sous contrat en 2008. Cette réforme concerne également l'organisation des académies militaires : de 79 écoles en 2004, 57 seulement seront ouvertes en 2008 avec une tendance à la spécialisation pour retenir les jeunes officiers.

En 2012, quelques jours avant les élections présidentielles du 4 mars, le premier ministre Vladimir Poutine annonce un vaste plan de modernisation des forces armées russes, pour plus de 500 milliards d'euros lors de la décennie à venir. Le budget en 2013 est annoncé à 2 346 milliards de roubles (près de 59 milliards d'euros), soit une hausse de 25,8 % comparé à 2012. La progression sera ensuite de 18,2 % en 2014 et de 3,4 % en 2015.

En 2017, l'armée russe détient encore des milliers de chars et d'engins blindés en réserves. Mais ces engins, bien que servant de pièces détachées, ne sont plus opérationnels, ils servent à maintenir une « dissuasion par la quantité » aux yeux du monde.

Si les chars d'assaut étaient et restent encore au centre des conflits terrestres, leur importance dans les guerres fera bientôt partie du passé. Mais rien n'empêchera les russes à continuer à investir dans cette fameuse industrie militaire mise en place et développé depuis la seconde guerre mondiale.
Volodymyr Zelensky, en bon stratège qu'il est devenu, en est bien conscient.

Le conflit russo-ukrainien et la question énergétique
Pour la Russie, le coeur de l'industrie du gaz s'oriente désormais à l'Est, et particulièrement du côté de la Chine, premier consommateur d'énergie au monde et de plus en plus acheteur de gaz. La coopération énergétique entre les deux pays n'est pas nouvelle, mais la guerre en Ukraine oblige Moscou à accélérer sa réorientation stratégique. "Aujourd'hui, le sujet du développement vers de nouveaux marchés est plus que jamais d'actualité", a ainsi affirmé, jeudi 15 septembre, le vice-président du géant gazier russe Gazprom.
Concrètement, ce déploiement vers l'Est se matérialisera par la signature prochaine d'un accord portant sur la livraison de 50 milliards de mètres cubes de gaz par an, via le futur gazoduc "Force de Sibérie 2". Ce dernier, dont la construction devrait débuter en 2024, est censé remplacer le projet "Nord Stream 2", qui devait rallier la Russie à l'Allemagne afin d'approvisionner l'Europe en gaz, mais que le conflit en Ukraine a jeté aux oubliettes.
En marge du sommet de Samarcande du 15 septembre, le ministre russe de l'Energie a confirmé ce changement de cap.
Il existe bien une géopolitique de l'énergie, avec pour enjeux les zones d'approvisionnement et les itinéraires d'acheminement. Certes, la localisation des ressources pétrogazières et leur circulation, à travers des espaces de transit et des zones géostratégiques, sont autant de facteurs qui confèrent importance et valeur stratégique à certains territoires.
Si l'autoritarisme patrimonial russe est marqué par la confusion des genres et les luttes entre « clans » pour le contrôle des rentes, le système de pouvoir organisé autour de Vladimir Poutine est animé par la volonté de poser la Russie comme puissance mondiale et de reconstituer une véritable force d'opposition.
Le cas de l'Ukraine montre la surdétermination des enjeux énergétiques par des représentations et des problèmes géopolitiques plus larges. On sait que le territoire ukrainien est comparable à un pont énergétique entre l'Est et l'Ouest. Un temps, les quatre cinquièmes du gaz russe exporté vers l'UE transitaient par les réseaux ukrainiens. Depuis 2010, le Nord Stream – un gazoduc reliant directement la Russie à l'Allemagne, sous la Baltique – permet de contourner le territoire de l'Ukraine par le nord. Sa capacité de transit est de 55 milliards de m3 par an, soit plus du tiers des exportations russes de gaz vers l'Europe.
Actuellement, le Nord Stream ne fonctionne qu'au tiers de sa capacité. Au sud de l'Ukraine, sous la mer Noire, Gazprom a prévu la construction du South Stream. Une fois construit, ce gazoduc aurait une capacité de 63 milliards de m3. Au fil des ans, avec à peine la moitié des exportations russes de gaz vers l'Europe, la fonction de transit de l'Ukraine s'est amoindrie. Si, en dernière instance, l'énergie expliquait tout, l'Ukraine serait bientôt dépourvue de valeur stratégique. Il n'en est rien. Dans les représentations géopolitiques russes, l'Ukraine est vue comme la pierre angulaire du projet d'Union eurasiatique, projet censé redonner à Moscou un statut de puissance mondial.
Dans le cas de la Russie, l'objectif prioritaire est de dépasser rapidement les capacités de Nord Stream 1
"Force de Sibérie 2" sera long de 2 600 km et reliera la Sibérie occidentale à la région chinoise du Xinjiang, en passant par la moitié orientale de la Mongolie. Le gaz sera issu de la péninsule de Yamal, qui constituait jusque-là la source d'approvisionnement en gaz de l'Europe. Comme son nom l'indique, ce gazoduc sera le deuxième de la famille. En effet, depuis 2019 fonctionne "Force de Sibérie 1" qui connecte, sur 3 000 kilomètres, la Sibérie au nord-est de la Chine. C'est d'ailleurs sur lui que va compter la Russie, en attendant l'arrivée de son petit frère - espérée pour 2030. Prévu pour livrer 16 milliards de mètres cubes de gaz en 2022, il fournira à la Chine des volumes croissants chaque année, jusqu'à atteindre 61 milliards de mètres cubes par an, soit plus que Nord Stream 1.
Renforcement de "Force de Sibérie 1", construction de "Force de Sibérie 2"... La Russie semble tout miser sur son partenaire chinois. Et ce n'est pas tout. En février dernier, Moscou et Pékin ont approuvé la création d'un troisième gazoduc reliant l'île de Sakhaline, située dans l'Extrême-Orient russe, à la province chinoise de Heilongjiang. Si cette coopération s'avère capitale pour les finances russes, la Chine continuera, elle, de collaborer avec d'autres pays exportateurs, notamment le Qatar.
A contrario, les Etats européens ne peuvent se désintéresser du devenir de l'Ukraine : le révisionnisme géopolitique russe remet en cause les fondements de l'ordre international européen et la stabilité géopolitique du continent.
Dans le cas de l'Ukraine, les enjeux sont identitaires, territoriaux et frontaliers ; ils retentissent ensuite sur le terrain de l'énergie. Dans un tel contexte, les négociations russo-ukrainiennes sur le prix du gaz et la dette de Naftogaz (le groupe public ukrainien) vis-à-vis de Gazprom devaient échouer.
Le 16 juin 2014, Moscou annonçait l'interruption des livraisons, avec de probables conséquences sur les approvisionnements européens au cours de l'hiver 2014-2015. Parallèlement, après la destruction du Boeing 777 de la Malaysia Airlines, le 17 juillet 2014, les sanctions décidées dans le cadre de l'UE ont pris de l'ampleur. Elles concernent désormais l'énergie, avec un embargo sur le matériel permettant l'extraction de gaz de schiste, les forages en mer et l'exploration-exploitation de la zone Arctique (mesures de « niveau 3 », (approuvées par les ambassadeurs des Vingt-Huit, le 29 juillet 2014).
Fin août, l'intervention militaire directe de Moscou dans l'Est ukrainien, pour empêcher la défaite des milices paramilitaires « prorusses », a entraîné l'adoption de nouvelles sanctions interdisant aux compagnies d'Etat russes, énergétiques et autres, de se financer sur le marché européen des capitaux.
Si les flux pétrogaziers russes s'écoulent encore, le conflit géopolitique s'est étendu et il a atteint le secteur énergétique.
Les enjeux sont devenus énormes pour tous les belligérants.
En organisant des festivités grandioses pour le 80ieme anniversaire de la bataille de Stalingrad (déc.43-Fevrier 44), Poutine, féru de l'histoire dont il tire souvent les enseignements, lance à l'égard des alliés et à l'égard de l'Allemagne en particulier, qui ne cessent d'augmenter leurs aides à l'Ukraine, un signal fort et un avertissement sans équivoque quant au danger de cette escalade.
Pour forcer Hitler à l'abdication, Staline n'a pas hésité à sacrifier 1.200.000 personnes et aligner 2.000. chars !
Comme dans toute guerre ou confrontations armées, il est possible d'extrapoler sur les enjeux de cette guerre Russo-ukrainienne, en termes de pertes et de gains.
L'Europe est certainement la principale perdante dans ce bras de fer avec Poutine, par Ukraine interposée.
A l'instar de plusieurs échéances par le passé, la guerre de l'Ukraine a révélé une évidence hormis récurrente, la division des membres de l'UE. Incapables de parler d'une seule voix, face aux trois grands géants de la planète, la Chine, les Etats-Unis, et la Russie.
A l'inverse, en poussant ses alliés européens à s'engager toujours de plus en plus davantage contre ses éternels rivaux, la Russie et la Chine, les Etats-Unis contribuent à la vulnérabilité de l'Europe, et renforcer sa dépendance à leurs égards, tant sur le plan militaire que sur le plan économique.
Quant à la Chine, pour le moment elle fait la sourde oreille et analyse de loin l'évolution du conflit, tout en se préparant sérieusement à une éventuelle confrontation avec les Etats-Unis et ses alliés, dans le pacifique, par Taïwan interposée.
Sommes-nous à la veille d'une 3ieme guerre mondiale ?
Peut-être pas ! Mais en tous cas les stigmates et les prémices d'une guerre qui ne dit pas son nom -sont bien évidents.


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