Driss Kettani, appelé par ses amis Moulay Driss, est mort il y a exactement quinze ans. Il fut un cinéaste accompli, mais aussi un acteur sobre, un metteur en scène engagé et un scénariste original. Moulay Driss Kettani est né à Salé le 4 janvier 1947. Il fit ses études à l'Ecole Mohammédia (Rue Monastir) à Casablanca, avant de les poursuivre au Lycée Gouraud (l'actuel Hassan II) à Rabat, puis au Lycée Descartes dans la même ville jusqu'en 1968, date à laquelle il obtint son baccalauréat en philosophie. Comme tous les jeunes de son âge, Kettani s'apprêtait lui aussi, à l'aventure et dut voyager à pied à travers tout le Rif en 1966. Peu de temps après, il travailla au bureau des vins et des alcools à Rabat ce qui lui permit de reconnaître tous les vins et d'apprécier leur goût. Dès 1968, il entama un long voyage à l'étranger et dût exercer plusieurs métiers. Il commença par intégrer le Théâtre National Populaire (T.N.P) à Paris plus particulièrement l'atelier de recherche et d'expression théâtrale. Durant son séjour en France, il côtoya le milieu du cinéma également et fut notamment l'assistant du cinéaste français Jean Delannoy pour «La Peau de Torpedo» (1969) où il tint également un rôle important, celui du tueur anonyme. Il collabora aussi avec Frank Lords pour «Les Enfants du Roi Lyre», puis à la réalisation du court-métrage «La Femme du Musicien», réalisé avec les étudiants de la rue Vaugirard. En 1971, il interprète le rôle de Targui dans le téléfilm réalisé par Jean Querchebron : «L'atlantid». Pour le théâtre, il monta «Racine-Claudel» de Jean Genet. De 1973 à 1975, Moulay Driss Kettani travailla pour le compte de l'O.R.T.F à Paris puis part en Angleterre où il effectua un stage de deux ans à la B.B.C. L'année 1978 marqua pour Kettani le début de l'écriture de son scénario intitulé d'abord «Moulay Yacoub». Parallèlement, il monta la pièce «Andromaque» au Centre Culturel Français de Casablanca puis fait du théâtre pour enfants à l'Ecole Omar Khayam. L'année 1980 est marquée par l'instauration de la prime à la production de films appelée communément le Fonds d'Aide. Driss Kettani, à l'instar de nombreux cinéastes, professionnels ou non, présenta son propre projet et obtint une prime pour le produire. Il engagea comme chef opérateur Mohamed Abdelkrim Derkaoui. Ce dernier devint co-réalisateur après de nombreuses péripéties opposant Kettani à Derkaoui. Le film ne fut achevé que par miracle où l'on outrepasse multes imperfections. Il sort enfin sous le titre de «Jour du Forain«, et participa au 2ème festival national du film à Casablanca en 1984. Moulay Driss Kettani sort épuisé de cette première expérience en matière de long-métrage de fiction. Il est également déçu et déprimé d'une expérience où il a perdu le contrôle de son propre film, dont le plus important fut achevé à son insu. Souffrant de terribles maladresses : «Le Jour du Forain» où «Naoura», obéissait à un style linéaire sous le thème de l'errance. L'interprétation magistrale de Laârbi Batma dut sauver ce film de la médiocrité. C'est l'histoire d'un homme populaire, forain de métier, inscrit dans une géographie sociale bien déterminée, qui se révèle énigmatique et complexe à travers ses rencontres retrouvailles parsemées tout au long de son itinéraire, sous le regard ponctuel et sporadique d'une jeune femme. Des années plus tard, Moulay Driss Kettani récidive en matière d'écriture de scénario. Ce fut. «Tailleur d'Honneur». Entre temps, fasciné par les transes, il tourna«Transtherapia» à Sidi Rahal, une transe menée par les forains maraboutiques et son retentissement dans la thérapie traditionnelle. Attendant une subvention qui a tardé à venir, Moulay Driss Kettani se réfugia dans l'enseignement. Il enseigna le cinéma à l'ISADAC pendant deux ans après avoir animé de longues années durant la page culturelle du quotidien en français «Al Bayane». Ce n'est que l'aboutissement d'une profonde passion. En 1994, il arriva à boucler le budget nécessaire pour tourner son second long-métrage : «Tailleur d'Honneur» qui le mena dans plusieurs villes. Le tournage fut terminé peu de temps avant que Moulay Driss Kettani est terrassé par une crise cardiaque. Il en meurt le 29 août 1994 à Rabat, laissant dans la consternation ses nombreux amis. Mis en boîte et stocké dans un laboratoire à l'étranger, son film sortira peut-être un jour. Ce sera le meilleur hommage qu'on peut rendre à un cinéaste rongé jusqu'à l'os por… le cinéma.