Les conditions météorologiques enregistrées ces dernières semaines ont été bénéfiques pour certaines cultures. Faut-il s'attendre à une bonne année agricole ? Quelques pluies, une vague de froid, et de la neige par endroit. Ainsi se profile la météo depuis quelques jours. Pour les agriculteurs, en dépit de l'avènement de l'intersaison agricole, les conditions actuelles ne permettent toujours pas de prédire si la campagne et les rendements de cette année seront satisfaisants. «La vague de froid qui a traversé le Royaume durant ces deux dernières semaines, et qui est actuellement en cours de s'adoucir, est une bonne nouvelle pour certaines cultures et une moins bonne nouvelle pour d'autres. Le froid aura un très bon impact pour la culture des rosacées qui doivent accumuler un certain nombre d'heures en dessous des 7° avant de pouvoir entamer le cycle de bourgeonnement, au moment où les températures vont augmenter. Pour d'autres cultures, comme les céréales par exemple, le froid est plutôt synonyme de ralentissement de la croissance», explique Mohamed Boulaouane, agriculteur dans la région de Meknès.
Deux mois déterminants Notre interlocuteur estime que la vague de froid aurait pu être plus bénéfique si elle avait été accompagnée de pluies plus importantes. «Pour les céréales, ce qui est déterminant, c'est la longueur des jours et non pas les températures. À cela, s'ajoute bien évidemment la pluie. Pour la campagne agricole en cours, beaucoup d'agriculteurs ont commencé le semis assez tardivement et, à ce stade, les rendements ne seront pas très bons pour les céréales si les pluies ne sont pas au rendez-vous durant les prochaines semaines. Je donne l'exemple des céréales, mais c'est tout aussi valable pour beaucoup d'autres cultures, notamment le maraîchage qui doit trouver des eaux souterraines suffisantes quand viendra le moment d'irriguer», résume la même source. Certains légumes, très importants pour l'alimentation des Marocains (les oignons notamment), ont d'ailleurs déjà connu des augmentations considérables de leurs prix, à cause justement de l'accumulation des aléas climatiques préjudiciables et de la réduction des superficies de leurs cultures.
Intrants hors de prix Pour optimiser les rendements, plusieurs types d'intrants agricoles sont devenus incontournables pour les agriculteurs. C'est le cas notamment de l'azote, du phosphore et du potassium. «Depuis la perturbation du commerce mondial à cause de la pandémie de Coronavirus, beaucoup d'intrants qui sont exclusivement issus de l'importation ont vu leurs prix grimper de manière considérable. C'est le cas pour l'Azote qui est très important pour augmenter les rendements, mais qui n'a pas été utilisé de manière suffisante par beaucoup d'agriculteurs à cause des prix qui sont actuellement plus du double de ceux d'avant la pandémie, et cela, malgré les efforts déployés par le ministère de l'Agriculture», souligne Mohamed Boulaouane, qui espère que les autorités penseront à subventionner ou au moins à prendre les mesures nécessaires pour «stabiliser les prix de ces intrants stratégiques». «Il s'agit de produits qui sont vraiment importants pour garantir la sécurité alimentaire à travers l'optimisation des rendements. Leurs prix et disponibilité doivent être bien contrôlés», ajoute l'agriculteur.
Stratégie adaptative
Selon les sources que nous avons consultées, il n'est pas encore possible de prédire les résultats de la campagne agricole actuelle. Cela dit, beaucoup semblent s'accorder sur le fait que la stratégie agricole nationale et les subventions qui en découlent devraient gagner en souplesse, en réactivité et en proactivité. «Nous avons parfois l'impression que les décisions qui ont été prises pour appuyer les agriculteurs à travers des subventions, sont des décisions figées jusqu'à devenir contreproductives parfois. Avec l'évolution du marché national et international, la rareté des ressources hydriques ou encore la fluctuation de la météo, l'appui aux agriculteurs devrait constamment s'adapter aux changements et aux besoins», estime Mohamed Boualouane. En attendant, les agriculteurs et les ménages marocains devront attendre qu'il pleuve durant les prochaines semaines pour enfin pourvoir espérer une bonne année agricole 2022-2023.
Oussama ABAOUSS
3 questions à Redouane Choukr'Allah « Comme il a subventionné l'irrigation, l'Etat marocain devrait également subventionner les engrais »
Redouane Choukr'Allah, expert en agriculture durable, répond à nos questions concernant la campagne agricole 2022-2023.
Le rendement agricole au niveau national dépend de certains intrants agricoles importés comme l'azote. Est-il possible pour notre pays de garantir une autonomie productive de cet intrant ? Il est vrai que le coût de l'azote a été multiplié par 5 à cause de l'augmentation des prix de l'énergie. Cela dit, n'oublions pas que l'azote se trouve partout, y compris dans l'air qu'on respire. Il n'est cependant pas assimilable dans cet état, sauf pour certaines légumineuses (pois chiche, lentilles...). Notre pays se dirige vers la mise en place, dans quelques années, d'une production locale de l'azote, à travers un programme de l'OCP qui est en cours et qui utilisera l'énergie solaire à cet effet. Il est de ce fait certain qu'il existe une vision pour la production locale de l'azote, surtout que cela permet aussi une valorisation du phosphate, car les engrais ne sont plus vendus comme des produits simples, mais, plutôt, sous forme composite pour répondre aux besoins de chaque type de culture. En attendant, de quelle manière est-il possible d'optimiser les rendements des campagnes agricoles dans le contexte climatique et géopolitique actuel ? À mon sens, c'est une stratégie dédiée qu'il faudrait développer dans ce sens. Jusqu'à présent, beaucoup d'importance a été donnée à l'irrigué dont la plus grande part est destinée à l'export. En revanche, on a moins pensé à la sécurité et à la souveraineté alimentaires. Pour répondre à votre question, je pense qu'il y a plusieurs pistes prioritaires : subventionner encore plus les semences sélectionnées, continuer à encourager le semis direct (puisque ça va beaucoup améliorer la conservation des sols et de l'eau), penser à promouvoir l'irrigation d'appoint qui peut également donner des résultats intéressants sans pour autant engendrer une surconsommation des ressources hydriques, sans oublier d'appuyer les petits agriculteurs, surtout dans le domaine des engrais. Comme il a subventionné l'irrigation, l'Etat marocain devrait également subventionner les engrais. Faudrait-il revoir les mécanismes d'octroi des subventions pour améliorer leurs retombées ? Absolument. Les agriculteurs qui s'activent au niveau des terres collectives ont par exemple des difficultés à bénéficier de ce soutien et de ces subventions. Or, il suffirait de permettre une coordination avec les autorités locales afin de pouvoir lever ce genre d'obstacle. Je pense que le plus important dans ce sujet est de redoubler d'efforts pour soutenir les petits agriculteurs. Les efforts du ministère de l'Agriculture pour booster la campagne En vue de favoriser le bon déroulement de la campagne agricole 2022-2023, le ministère de l'Agriculture avait annoncé en octobre dernier une série de mesures et dispositions, en matière, notamment, d'approvisionnement en facteurs de production (semences et engrais), de développement des filières agricoles, de gestion de l'eau d'irrigation, d'assurance agricole, de financement et d'accompagnement des agriculteurs. Ainsi, «dans la poursuite des efforts de développement du secteur dans le cadre de la mise en œuvre de la stratégie Génération Green 2020-2030», le ministère de l'Agriculture a mis à disposition environ 1,1 million de quintaux de semences sélectionnées «à des prix incitatifs», à travers la commercialisation de semences à des prix de vente subventionnés à hauteur de 210 dh/quintal pour le blé tendre et l'orge, et 290 dh/quintal pour le blé dur. «La politique de proximité est renforcée à travers la rationalisation du réseau de distribution (350 à 400 points de vente) et le suivi quotidien des ventes», avait souligné la même source. Concernant les engrais, le ministère avait annoncé l'approvisionnement du marché à hauteur de 650.000 tonnes d'engrais phosphatés, «au même prix de la campagne précédente». Cela dit, le ministère avait cependant précisé que «pour les engrais azotés importés, la situation d'approvisionnement sera suivie de près au cours de la campagne sachant que ces fertilisants sont utilisés particulièrement après la levée des cultures vers janvier-février 2023».
L'info...Graphie Maintien de la croissance des exportations des produits agricoles En dépit d'un contexte international et climatique difficile, le bilan annuel des exportations des produits alimentaires agricoles et maritimes ont enregistré de bonnes performances durant l'année 2022. Ce secteur, qui occupe la 3ème position parmi les secteurs d'exportation marocains, a enregistré des valeurs qui ont pour la première fois dépassé le seuil des 80 milliards MAD, enregistrant ainsi une hausse de près de 20% par rapport à 2021. Ainsi, durant 2022, les exportations de fruits et légumes frais ont atteint un volume de 2,3 millions de tonnes, soit une croissance annuelle de 10%. Selon le ministère de l'Agriculture, «cette tendance à la croissance a concerné toutes les familles des produits et toutes les destinations. En particulier, les exportations de fruits rouges ont enregistré une croissance de 20%, atteignant un volume de 131.900 tonnes. L'année 2022 a également été marquée par une croissance particulièrement notable des exportations d'agrumes sur le marché américain (x2,2).