Après la grâce du président malien, le colonel Assimi Goita, les 46 soldats ivoiriens sont de retour à Abidjan en Côte d'Ivoire. La diplomatie et la fraternité ont primé au-delà des pressions, des intimidations ou des chantages. Un dénouement heureux d'une crise qui a duré près de 6 mois, à travers la médiation togolaise. Eclairage. Tout est bien qui finit bien, pourrait-on dire. C'est avec un ouf de soulagement donc qu'a été accueillie la grâce du président Assimi Goita aux 46 militaires, tant il est vrai que les deux pays frères et amis ne conjuguaient plus le même verbe depuis le début de cette ténébreuse affaire politico-diplomatique, laquelle a commencé un certain 10 juillet 2022. Car chaque Etat avait une grille de lecture de ce dossier. Et c'est en ces termes : «Nous sommes heureux. Heureux de retrouver la mère patrie. (...) Merci pour tout ce qui a été fait pour notre retour au bercail...» que s'est exprimé le chef du détachement, officier au sein des Forces spéciales, Lieutenant Kouassi Adams S., au soir de leur arrivée à l'aéroport international Félix Houphouët Boigny d'Abidjan. Un heureux dénouement d'une affaire qui avait empoisonné les relations entre les deux Etats, une joie immensément partagée par les peuples des deux pays. Au-delà de la tournure ou de la dimension qu'avait prise l'affaire des 49 puis des 46 (suite à la libération des trois femmes pour cause humanitaire), force est de constater que ce dossier a montré la capacité des dirigeants africains à régler leurs différends sans pression, ni chantage, ni intimidation, encore moins ni de menaces ou de pressions. La démarche du président togolais, Faure Gnassingbé, en tant que médiateur dans cette crise, a prouvé que par le dialogue on peut déplacer des montagnes. Car deux versions étaient diamétralement opposées dans cette confrontation. Pour le Mali, ces soldats étaient des mercenaires alors que la Côte d'Ivoire et l'ONU soutenaient que ces militaires devaient participer à la sécurité du contingent allemand des Casques bleus dans ce pays sahélien secoué par les violences. Réclusion criminelle
Résultat : ce quiproquo ou incompréhension a provoqué de vives tensions entre deux pays frères et voisins aux relations déjà compliquées : le Mali avait accusé la Côte d'Ivoire d'avoir incité ses partenaires ouest-africains à durcir les sanctions contre le pouvoir malien suite à deux coups d'Etat, en août 2020 puis en mai 2021. Mais les sanctions furent finalement levées début juillet. Qu'est-ce qui s'est donc passé pour en arriver à cette grâce présidentielle ? On pourra longtemps épiloguer là-dessus, ce qui est sûr c'est que le Mali a su tirer son épingle du jeu. La stratégie a consisté d'abord à faire condamner les 49 soldats par la justice marquant ainsi la séparation entre le pouvoir judiciaire et le pouvoir politique ou militaire. Ils avaient été condamnés le 30 décembre à 20 ans de réclusion criminelle et à deux millions FCFA d'amende chacun par le tribunal de Bamako. Quant aux trois femmes soldats, libérées en septembre, elles ont été condamnées à la peine de mort par contumace. Tous avaient été déclarés coupables d'«attentat et complot contre le gouvernement», «atteinte à la sûreté extérieure de l'Etat», «détention, port et transport d'armes et de munitions de guerre (...) ayant pour but de troubler l'ordre public par l'intimidation ou la terreur». En Afrique de l'Ouest ainsi que dans sa communauté vivant au Maroc, ce dossier était au centre de toutes les discussions, alimentées par les réseaux sociaux. Ainsi à Rabat, Oumar Couibali, étudiant malien, se dit soulagé. «Cette affaire est désormais derrière nous car le Mali et la Côte d'Ivoire sont deux pays frères. Près de 2 millions de nos compatriotes vivent dans ce pays», dit-il. Sa camarade Khadiatou Haïdara, une commerçante, rajoutera qu'il faut aller de l'avant tout en souhaitant que «ce genre d'évènement ne se reproduise plus». Pour ces deux autres Ivoiriens, Kouassi Koné et Ingrid Kakou, respectivement entrepreneur et étudiante, l'heure est à l'entente. Selon eux, ce fut un moment difficile et éprouvant. «Notre force doit résider dans le pardon et faire de la paix notre patrimoine commun», estime le premier tandis que Kakou renchérira que le Mali et la Côte d'Ivoire ont un lien séculaire et les deux populations ont toujours vécu en symbiose. «Il faut donc préserver cette unité et cette fraternité», conclut-elle. Deux peuples frères et amis
Quant au président Alassane Ouattara, dans une brève allocution devant les soldats, qu'il a accueillis avec joie, il a estimé que «nul besoin n'était d'adopter avec un pays frère, une autre voie que celle de la diplomatie qui a fini par payer». Il a ainsi exprimé sa gratitude notamment à tous les Présidents des pays de la sous-région ouest africaine, du continent et même au-delà, pour leur implication dans le dénouement de la crise. Il a salué spécialement le Président togolais, Faure Gnassingbé, «qui s'est totalement dévoué» pour le retour des soldats ivoiriens ainsi que son homologue bissau-guinéen, Umaro Sissoco Embaló, président en exercice de la CEDEAO. Du côté du Mali, on y a vu un geste démontrant notamment l'attachement du colonel Assimi Goita à la paix, au dialogue, au panafricanisme à travers cette grâce présidentielle avec remise totale de peines pour les 49 militaires des forces spéciales ivoiriennes, condamnés au Mali pour attentat et complot contre le gouvernement et atteinte à la sûreté extérieure de l'Etat. Faut-il rappeler que cette annonce a suivi une rencontre le 22 décembre à Bamako entre de hauts responsables maliens et ivoiriens, conclue par la signature d'un mémorandum laissant notamment ouverte la possibilité d'une grâce présidentielle après une condamnation. Toujours est-il que ce bras de fer entre le Mali et la Côte d'Ivoire a connu une fin heureuse, donc ni vainqueur ni vaincu. Un exemple édifiant dans les autres conflits qui sévissent en Afrique. C'est-à-dire des différends africains résolus par les Africains à travers des solutions africaines par le dialogue. Wolondouka SIDIBE