Au moment où les prix s'affolent sur le marché des énergies fossiles, les regards se tournent vers les énergies renouvelables qui s'inscrivent de plus en plus comme l'ultime alternative. Le patron de l'Institut de Recherche en Energie Solaire et Energies Nouvelles (IRESEN) nous fait part de ses projections. - De plus en plus, des sociétés spécialisées dans la production des énergies renouvelables font part de leur intention de s'installer dans le marché marocain des énergies propres. A quel point le renforcement du renouvelable est-il devenu essentiel ? Le 100% renouvelable est-il possible au Royaume ? - La réponse courte est oui ! Comment ? Telle est la question. Je crois qu'il ne faut pas confronter les technologies les unes contre les autres. Je pense que l'erreur qu'a faite l'humanité durant les 200 dernières années, est de faire des choix de monopole. On était à fond sur du charbon, du bois, du gaz, du nucléaire... Je pense que le mot clé dans l'absolu est la diversification et la complémentarité. Il est clair que le fossile doit en sortir. C'est un modèle qui inscrit l'humanité dans des scénarios catastrophiques par rapport à l'environnement. Donc, il faut renforcer le renouvelable. Le nucléaire, il faut réfléchir à sa taille et aux échéances. Je pense qu'on peut être à 100% renouvelable, mais il faut se doter de technologies et de systèmes d'opérationnalisation et de gestion. - Quels sont les prérequis pour atteindre ce 100% renouvelable ? - Il faut introduire, sur le volet technologique et de gestion, deux choses : savoir gérer la demande en amont et gérer le réseau de manière intelligente. Tout est lié. Le réseau électrique devient un sujet clé. Au niveau des technologies de stockage, le grand public connaît les batteries mais il y a une multitude de sous-technologies de stockage à exploiter. - Les anti-renouvelables pensent que le 100% renouvelable causerait un surdimensionnement du parc renouvelable et donc une hausse des coûts de production. Quelles solutions sont envisageables ? - Sur le volet gestion de la demande, un mélange savant (entre tout ce qui est software : programmation, et tout ce qui est hardware : équipements) est important. Sur la partie stockage, j'attire votre attention sur la notion Power-To-Heat. J'y invente la technologie du stockage thermique qui est mise en place par la technologie CSP déployée au niveau du complexe solaire de Ouarzazate mais pour laquelle on n'aura pas besoin de toute l'infrastructure, mais que de la composante stockage du CSP. L'une des solutions envisageables serait d'e-stocker l'excédent du renouvelable pendant la journée. Et le distribuer le soir sur le Royaume. A chaque fois qu'on a une turbine centrale ou thermique qui a besoin de vapeur, on peut produire les réservoirs du stockage, à l'aide de la chaleur du stockage de sels fondus (le fameux médium de stockage qu'on a pour le CSP), au lieu de les mettre dans des places concentrées. Au niveau de l'hydraulique, on n'est pas dans une période très faste si j'ose dire, mais on peut faire du pompage avec de l'eau de mer. On peut produire les panneaux solaires ou les éoliennes et les batteries au niveau local. D'ailleurs, on l'a fait pour l'aéronautique et l'automobile, partiellement ou entièrement. A partir de ce moment, ce n'est pas grave si l'on va sur-dimensionner le parc renouvelable, car en parallèle ça sera de la valeur créée au Maroc. Après, quand on va capitaliser sur cette capacité industrielle, on peut exporter des panneaux solaires vers l'Afrique et l'Europe où se trouve un gigantissime programme "REPowerEU". Donc, le Maroc peut devenir un fournisseur des outils clés de la transition énergétique. - Le secteur de l'énergie au Maroc est dominé par les énergies fossiles. Quels enjeux se présentent dans un contexte de transition énergétique mondiale ? - C'est un secteur clé. On importe principalement du fossile. Cette dépendance a été réduite de plus de 90%, mais le chemin reste long. Il nous reste un bug, celui du transport dont les produits pétroliers sont le moteur, sans oublier le fuel pour les centrales thermiques. Le 100% renouvelable est un objectif atteignable à terme, mais on parle très bien des transitions énergétiques. Il faut être réaliste. Dans cette transition, il y a cohabitation entre ces deux sources de technologie, au moins momentanément. Sur le charbon, le Maroc a fait des avancées avec des centrales à charbon "propre" par rapport aux émissions. Il y a aussi le volet pétrolier. Le transport représente un tiers de la consommation énergétique. Ce n'est pas rien. Il y a une forte attention portée sur la mobilité électrique durable. Le Maroc a pris le lead comme hub d'industrie dans l'automobile et montera d'un cran pour devenir un hub de fabrication de voitures électriques. La transition énergétique est aussi facilitée par le gaz naturel qui est une énergie fossile mais aussi polluante que le charbon. C'est aussi une énergie connue par sa réactivité et sa réponse rapide dans le réseau. Elle se prête à une grande pénétration du renouvelable dans le réseau. D'un point de vue technique et technologique, le gaz apparaît comme étant un moyen qui va assurer la transition énergétique. L'hydrogène vert pourrait dans sa globalité aussi réduire le besoin en carburant, soit en l'utilisant dans l'industrie là où le fossile est utilisé. Il peut surtout rentrer dans la production de carburant vert. On peut produire du diesel vert, du kérosène vert, et pourquoi pas, ressusciter l'industrie du raffinage. - Par ailleurs, comme à l'accoutumée, les pays pauvres fustigent l'inaction des pays riches. Etait-ce le cas cette année lors de la COP27 organisée du 6 au 18 novembre en Egypte ? Pensez-vous que les objectifs fixés par la Conférence de Paris sur le climat, notamment contenir le réchauffement climatique à moins de 1,5 degré, sont d'ores et déjà hors d'atteinte ? - Malheureusement, il n'y a pas eu beaucoup d'avancement sur les sujets devenus classiques de la COP. Après les accords de Paris et la COP22 à Marrakech pour l'implémentation des accords de Paris, il y a eu une euphorie. Mais depuis, il y a eu une sorte de frustration et de désillusion dans toutes les COP qui ont suivi. Il y a eu des engagements qui ont été tenus mais aussi un jeu géopolitique qu'on connaît tous. On ne va pas s'en sortir. Il y a un mécanisme annoncé par le leadership égyptien de cette COP, portant sur un accord inédit sur les pertes et dommages : "Fonds de dédommagement". Car oui, il faut dédommager les personnes qui reçoivent de plein fouet les conséquences du changement climatique. Il faut vraiment s'activer. Recueillis par Safaa KSAANI Energies renouvelables Les Pays-Bas ont les yeux rivés sur le Maroc
Le producteur d'énergie renouvelable basé à Amsterdam, Lekela Power, a fait part de son intention de s'introduire dans le marché marocain des énergies propres. En prenant en considération les offres prometteuses du Royaume en matière d'énergies renouvelables et d'hydrogène vert, le PDG du groupe, Chris Antonopoulos, a récemment déclaré qu'il s'attend à ce que la société triple sa taille au cours des trois ou quatre prochaines années. « Le choix du marché est largement tributaire des opportunités importantes présentes dans le paysage des énergies renouvelables au Maroc, car le pays offre d'abondantes ressources solaires et éoliennes qui jettent les bases d'une forte croissance de l'énergie et de l'hydrogène vert », a-t-il affirmé dans un communiqué. Et de préciser que le programme d'énergie verte du gouvernement marocain et le potentiel de ressources renouvelables du pays offrent à l'entreprise « l'opportunité d'atteindre son objectif de tripler la taille de son activité dans les trois à quatre prochaines années ». « Pour le Maroc, l'entrée de Lekela Power signale de nouvelles opportunités pour le pays d'atteindre ses objectifs d'électrification. Grâce au plan du gouvernement visant à faire en sorte que les énergies renouvelables représentent respectivement 50% et 80% du mix énergétique d'ici 2030 et 2050, le pays a déjà attiré des investissements d'entreprises mondiales et de sociétés financières dans le domaine des énergies renouvelables, dont ACWA Power d'Arabie Saoudite, le groupe indien Adani, la holding égyptienne Hassan Allam et la Banque Européenne d'Investissement », souligne-t-on.