L'orientation des économies développées et émergentes vers une récession couplée des taux élevés d'inflation ne rend pas la tâche facile aux banques centrales et aux gouvernements, quant à l'optimalité des Policy-mix à adopter : soutenir la croissance ou lutter contre l'inflation ? Les taux d'inflation, grimpent de manière concomitante dans les économies développées qu'émergentes, et incitent les banques centrales à un retour aux politiques monétaires rigides après plus d'une décennie de politiques basées sur le quantitative easing. Cette tendance au conservatisme commence avec la Fed, la banque centrale américaine qui fait élever, jeudi dernier, les taux d'intérêt directeur, de 0,75 point, lors de la réunion de « l'open market commitee » en charge de la politique monétaire. Jerome Powell, gouverneur de la fed, lors de la conférence de presse, communiquant à l'opinion publique, les motivations de la décision prise par la Fed, affirme que l'inflation est un mal néfaste pour les économies, tout autant que les récessions. Sans doute la personnalité du banquier central, joue un rôle crucial dans l'orientation de la politique monétaire et est l'une des déterminants clés du degré de l'indépendance de la banque centrale et du poids de l'aversion à l'inflation et du conservatisme monétaire. Jerome Powell, à la tête de la Fed, depuis 2018 est considéré un conservateur à la Regan, avec une aversion à l'inflation plus importante que la moyenne des citoyens. Quoi qu'il en soit, c'est une décision, qui marque un tournant, dans la politique monétaire américaine, qui est considérée moins conservatrice que les banques centrales européennes (BCE et Bank of England) et un tournant dans les politiques monétaires depuis la crise de 2008. Dans le même esprit, la banque of England augmentent ses taux d'intérêt directeur malgré la dévalorisation stressante que connaît la livre sterling, depuis quelques temps. Le gouvernement britannique s'aligne sur la position de la banque centrale en n'y prêtant qu'une attention timide à ce qui se passe sur les marchés : la lutte contre l'inflation passe en premier. Le conservatisme monétaire ne date pas d'hier, il a été le résultat de l'échec de l'arbitrage inflation -chômage depuis la stagflation des années 70, du siècle dernier, après son succès dans l'ère de l'après-guerre, mais ce conservatisme puise sa légitimité dans sa capacité à être flexible lors des crises. Ceci étant, une sortie mitigée de la crise de 2008, la crise du corona virus et ses retombées économiques, la guerre en Ukraine, rendent le contexte actuel critique par excellence, et une question s'impose, l'ère est-elle au conservatisme ? est-il optimal dans ce contexte de sacrifier la croissance et le chômage pour réaliser des taux d'inflation bas ? Quelles marges de manœuvre détiennent les gouvernements, pour éviter des récessions trop lourdes économiquement et insoutenables socialement ? Quelles différences entre les pays émergents et ceux développés ?
Le soutien de la croissance passe essentiellement, par des politiques budgétaires de relance, soit un laxisme budgétaire, mais comment peuvent-elles mettre en place un Policy mix où chaque politique va dans le sens inverse ? Comment peuvent elle mettre en place un laxisme budgétaire dans un contexte de taux d'endettement élevés ? A côté de cela, la discipline budgétaire est l'un des objectifs indirects du conservatisme monétaire. Sur un autre registre, les pays en voie de développement, dans des phases cruciales de leurs développement économique, peuvent-ils se permettre des resserrement monétaire et budgétaire et sacrifier encore la croissance et l'emploi, qui réalisent des taux alarmants ? Bank al Maghreb, s'inscrit dans cette lignée d'augmentation du taux d'intérêt. Lors de sa réunion du mardi 27 Septembre, le conseil de la banque centrale augmente son taux d'intérêt directeur de 1,5 % à 2 %. Les changements à la hausse se poursuivront en 2023, comme signe d'aversion de la banque centrale à l'égard de l'inflation. Bank al Maghreb, fait toutefois des prévisions de croissance de l'ordre de 0,8 % pour 2022. Dans ce contexte, une question éternelle s'impose : sommes-nous en tant que pays en voie de développement, concernés par les standards internationaux de 2% d'inflation et 3% de déficit budgétaire ? A méditer
Selma SIDKI Enseignant-chercheur en économie /université Ibn Toufail Spécialiste en questions monétaires