Younes Chebihi, enseignant à l'université de Bordeaux Le Conseil de Bank Al-Maghrib (BAM), réuni mardi, a décidé de baisser le taux directeur de 50 points de base à 1,5% dans la perspective d'atténuer l'impact de la pandémie du nouveau coronavirus (covid-19) et de soutenir la relance de l'économie et de l'emploi. L'enseignant à l'université de Bordeaux et membre du Laboratoire français de recherche en économie et finance internationale (LAREFI), Younes Chebihi, explique à la MAP cet instrument monétaire et livre son analyse concernant cette décision de BAM. C'est quoi un taux directeur de la banque centrale ? Le taux directeur est le principal instrument de la politique monétaire qui fixe théoriquement le prix et la quantité des liquidités permettant d'équilibrer l'investissement et l'épargne. Concrètement, il est un taux central autour duquel sont fixés les taux de dépôt et d'emprunt des banques auprès de la Banque Centrale (Bank Al-Maghrib), formant un corridor dans lequel oscille le taux interbancaire, ce qui affecte l'offre de crédit destiné aux agents. En résumé, le taux directeur détermine les conditions de financement de l'économie nationale. Comment la décision de réduire ce taux impacte l'économie? La baisse du taux directeur est motivée par un mécanisme qui réagit à la conjoncture actuelle pour retrouver la situation d'équilibre et permettre la reprise de l'activité économique. Ainsi, la baisse de ce dernier vient en réponse un à contexte de récession, avec une contraction de 5,2% du PIB en 2020 selon le scénario de Bank Al-Maghrib. Cela conjugué à niveau bas d'inflation (autour de 1% en 2020). Ensuite, cette baisse répond au besoin de stimuli nécessaire pour relancer l'économie, à travers l'allégement des conditions de financement, aussi bien pour les entreprises que pour l'Etat, dans le but de soutenir l'investissement et retrouver un niveau soutenu de croissance. Quelle est votre lecture de la décision de Bank Al-Maghrib de réduire ce taux à 1,5%? Cette baisse arrive dans un contexte de récession global qui touche aussi bien les pays développés que les pays émergents, lesquels étaient épargnés par la récession de 2008. Ceci a permis à ces derniers de garder des marges de manœuvre pour diminuer aujourd'hui leurs taux directeurs. La baisse opérée par Bank Al-Maghrib s'inscrit dans cette même dynamique. Ceci dit, il faut lire cette baisse dans la globalité de la stratégie de la Banque centrale qui a aussi libéré la réserve obligatoire des banques et initié une série de mesures depuis le début de la crise, à l'instar de l'extension des collatéraux et l'allongement de la maturité des refinancements. D'ailleurs ces opérations ont franchi les 100 milliards de dirhams hebdomadaires depuis le début de la crise, dans le but de faciliter l'accès au crédit. La transposition de la dynamique du taux directeur des pays développés à l'époque de la crise de 2008 à celle des pays émergent aujourd'hui pourrait présager un rapprochement de plus en plus étroit des taux directeurs de ces derniers vers le niveau plancher (taux zéro). Ceci nécessite la mise en place d'une nouvelle génération d'instruments permettant l'efficacité de la politique monétaire, en parallèle à l'approfondissement des marchés financiers, qui sont devenu le terrain principal de l'intervention des banques centrales dans les pays industrialisés.