A l'occasion de la rentrée scolaire, le ministre de tutelle a exposé sa nouvelle feuille de route pour redresser l'école publique. La refonte du mode d'apprentissage et la valorisation des ressources humaines sont les principaux mots d'ordre. « Pour une école de grande qualité pour tout le monde », c'est le slogan choisi par le département de Chakib Benmoussa pour la rentrée scolaire 2022-2023. Cette année, la rentrée n'est pas menacée par le spectre de la pandémie, qui a visiblement altéré la qualité de l'enseignement pendant les deux dernières années. Maintenant que la Covid-19 ne fait plus autant peur et ne cesse de reculer au point où on en parle presque plus, les élèves ont l'occasion de suivre leurs cours totalement en présentiel, nous confirme une source ministérielle, ajoutant que le mode hybride n'est plus d'actualité. La vaccination des élèves et l'autonomie des établissements sont assez rassurantes pour pourvoir gérer les cas extrêmes sans mesures drastiques. Afflux vers le public ! Après les vacances, les élèves regagnent les bancs de l'école. Plus de 7,9 millions sont accueillis par les différents établissements scolaires du Royaume, dont l'écrasante majorité (6,9 millions) est inscrite à l'école publique. Le reste fait recours au secteur privé, dont le coût élevé échappe de plus en plus à la portée des classes moyennes. Les frais de scolarité sont tellement élevés que plusieurs familles ont eu du mal à se procurer ce luxe. Raison pour laquelle nombreuses sont celles qui font appel à l'enseignement public, en témoignent les chiffres à la hausse, ne serait- ce que légère, des effectifs des élèves inscrits dans les établissements publics, estimée à 2,4%. Par contre, le nombre d'élèves inscrits dans les établissements privés a reculé de 6,8% par rapport à l'année dernière, selon les chiffres du ministre de l'Education nationale, du Préscolaire et des Sports, Chakib Benmoussa, qui a réuni, mardi, la presse nationale pour mettre plus de lumière sur les mesures prises par son département afin de réussir la première rentrée de son mandat. Nouvelle feuille de route Cet afflux de plus en plus visible des familles vers l'enseignement public soulève plusieurs questions sur la qualité de l'école publique, que le ministre veut redresser selon une nouvelle feuille de route qu'il a pris soin de détailler lors de la conférence de presse. L'objectif est de hisser le Maroc dans le classement international où il occupe actuellement des rangs indignes de ses ambitions.
« La feuille de route a été élaborée en concertation avec tous les acteurs concernés dans le cadre d'une approche participative » Chakib Benmoussa s'est fixé quelques priorités, dont l'offre d'infrastructure scolaire, qui devrait être renforcée de façon conséquente. C'est indispensable pour lutter contre le fléau de l'encombrement qui ternit l'image de l'école publique. Pour remédier à cela, le ministère parie sur l'augmentation du nombre des classes, dont 3530 ont été créées cette année. Le ministre entend également réduire le nombre des classes partagées, c'est-à-dire les classes où sont réunis à la fois trois groupes d'élèves appartenant à des niveaux différents. Un problème plus visible dans le monde rural. A cet égard, Chakib Benmoussa parie sur les écoles communales, dont il veut augmenter le nombre au-delà de 273 établissements. Par ailleurs, au niveau national, le ministre a fait savoir que 169 nouveaux établissements ont été construits et mis en service, sachant que le Royaume compte désormais 11.000 établissements, dont 8300 primaires, 2200 collèges et 1500 lycées, (7000 dans le monde rural). En parallèle, le ministère veut booster les ressources humaines. 15.000 nouveaux professeurs ont été recrutés cette année, (7700 au primaire et 7300 au secondaire), élevant ainsi l'effectif du staff éducatif à 290.000 cadres. Les nouvelles recrues, rappelons-le, sont issues du nouveau mode de recrutement que le ministre a mis en place en limitant l'âge maximum d'accès à la profession à 30 ans. Après être sélectionnés sur la base du mérite, les candidats admis suivent une formation méticuleuse et spécialisée au niveau des Centre régionaux des Métiers de l'Education et de la Formation.
« La main est toujours tendue aux syndicats les plus représentatifs afin de régler le dossier des enseignants cadres des AREF, dont nous avons besoin, ils sont à nos yeux une composante du corps d'enseignement » Qualité de l'apprentissage : l'enjeu majeur Par ailleurs, on a beau augmenter les effectifs sur la base de la méritocratie, le rendement des enseignants et leur façon de dispenser les cours importent autant, voire plus, pour assurer un enseignement de qualité. Sur ce point, Chakib Benmoussa veut que la formation soit plus pratique que théorique, et ce, dès la première année, tout en accordant une attention particulière à la formation continue. Celle-ci sera centrée, selon lui, sur la transmission du savoir et la maîtrise de la relation avec les élèves. Ces efforts visent l'amélioration de l'apprentissage des élèves, dont la nouvelle feuille de route va changer en profondeur le système pédagogique, surtout en ce qui concerne la structure des programmes. Pour le ministre de tutelle, il est urgent de changer la façon de dispenser des cours des langues, notamment l'arabe et le français. Tout au long du cycle primaire, Benmoussa veut renforcer la lecture au début des séances, en y consacrant quotidiennement 10 min. Concernant les mathématiques, le ministre appelle à plus de pratique, en consacrant aussi 10 minutes aux exercices au début des cours. A cela s'ajoute l'augmentation du temps voué aux activités physiques. Les élèves auront droit dorénavant à 60 minutes chaque semaine, réparties sur trois séances. Il s'agit là d'un changement palpable puisque les élèves ne bénéficient généralement que d'une seule séance d'éducation physique, souvent mal encadrée. Ces changements ont commencé à être appliqués dans 800 écoles, en guise d'expérimentation avant leur généralisation sur l'ensemble des établissements. Outre cela, le ministère focalise son attention sur le soutien scolaire, selon les critères du programme « Teaching at the Right Level » (TARL) ou « enseigner au bon niveau », un programme développé par l'ONG indienne Pratham, et permet aux enfants d'acquérir rapidement les compétences de base en lecture et en arithmétique. Expérimenté dans 50 établissements, ce programme consiste à renforcer le soutien scolaire de sorte à combler les lacunes identifiées chez les enfants. Il s'agit de cibler les lacunes, puis consacrer des séances destinées à renforcer les connaissances des élèves dans les matières et les leçons où ils rencontrent le plus de difficulté. A cet égard, le recours au digital est de mise, selon Chakib Benmoussa.
« Les autorités éducatives vont orienter leurs efforts vers la protection du temps scolaire des élèves et la réduction des inégalités » Nouvelle gouvernance des écoles Pour ce qui est de la gouvernance des écoles, le ministre veut tout refaire. La priorité est accordée à la réhabilitation des établissements scolaires de telle sorte à renforcer les infrastructures d'accueil et les équipements. Chakib Benmoussa a fait part de sa volonté de rendre la vie dans l'école plus commode et plus animée. Pour ce faire, la promotion des activités parascolaires et le renforcement des activités des associations sportives au sein des écoles sont de mise. Anass MACHLOUKH L'info...Graphie Ecoles privées Vers un nouveau cadre légal
La rentrée scolaire a démarré au rythme de la polémique que suscite le coût des manuels scolaires. Interrogé sur ce point, Chakib Benmoussa a assuré que le gouvernement a fait tout ce qui est en son pouvoir pour préserver le niveau des prix de sorte à ce que les familles ne ressentent aucune différence. A cette fin, 105 millions de dirhams ont été déboursés par l'Exécutif pour préserver les prix tels qu'ils sont. Ceci s'est fait en concertation avec les professionnels de l'édition, avec lesquels il s'est mis d'accord pour préserver le niveau des prix et garantir une offre assez abondante afin de répondre sans difficultés à la demande. Le soutien de l'Etat recourt à la Caisse de Compensation à cet effet, a rappelé le ministre. En effet, la facture de la rentrée est plus salée pour les familles des élèves des écoles privées, dont les frais de scolarité sont de plus en plus élevés. Tout le monde se rappelle le scandale qui avait éclaté lors des premiers mois de la pandémie. D'où la nécessité de mieux encadrer par la loi la relation entre les familles et les établissements scolaires, sachant que les demandes de régulation sont de plus en plus nombreuses. Le ministre a saisi l'occasion de la conférence de presse pour annoncer que son département travaille sur un nouveau cadre légal qui régira l'activité des écoles privées. Un cadre qui prendra en compte le rapport du Conseil de la Concurrence. Le Conseil présidé par Ahmed Rahhou avait souligné, dans un document publié en novembre 2021, plusieurs dysfonctionnements dans ce secteur, tout en appelant à la refonte du cadre légal. Un voeu exaucé par Chakib Benmoussa.
Enseignants contractuels Le spectre des grèves plane de nouveau
À la veille de la rentrée scolaire, quelques enseignants cadres des AREF ont protesté contre les prélèvements de salaires qu'ils ont subis suite aux multiples grèves qu'ils ont organisées tout au long de l'année précédente. En réaction à cela, Chakib Benmoussa a rappelé que les prélèvements sont appliqués conformément à la loi qui exige « le salaire contre le travail ». Les grèves répétitives des enseignants dits « contractuels » renvoient à leur bras de fer avec le ministère au sujet de leur statut. Tandis qu'ils revendiquent une intégration complète dans le statut des fonctionnaires de l'Education nationale, le Département de Chakib Benmoussa temporise et promet un nouveau statut unifié dans les plus brefs délais. Lors de la conférence de presse, le ministre a rappelé que cette catégorie d'enseignants demeure importante et est considérée comme partie intégrante du staff éducatif.