Les adhérents du Parti conservateur britannique commencent à voter cette semaine pour choisir qui succèdera dans cinq semaines à Boris Johnson à la tête du gouvernement. Forte de sondages favorables à l'issue des premiers duels télévisés l'opposant à l'ex-ministre des Finances, la cheffe de la diplomatie Liz Truss, qui promet des coupes d'impôts massives, accumule les ralliements alors que la course à Downing Street entre dans le vif du sujet. Les adhérents du parti au pouvoir depuis 12 ans, dont le nombre exact reste confidentiel mais qui est estimé à près de 200.000 (moins de 0,3% de la population), ont jusqu'au 2 septembre pour exprimer leur choix lors d'un vote par correspondance. Les bulletins doivent arriver d'ici à la fin de la semaine auprès des adhérents, qui représentent un corps électoral plutôt âgé, masculin et blanc. Le résultat est attendu le 5 septembre. Après un début de campagne très ouvert et une série de cinq votes réservés aux seuls députés du parti pour sélectionner les deux finalistes, le suspense semble retomber. Candidat préféré des députés de la majorité, qui l'ont inlassablement placé en tête lors de le première phase du scrutin interne, Rishi Sunak, 42 ans, loué pour son action pendant la pandémie de Covid-19, est nettement moins populaire auprès de la base du parti. Une course très serrée Agée de 47 ans, Liz Truss a reçu une série de soutiens ces derniers jours: l'ancien ministre chargé de l'Irlande du Nord Brandon Lewis, le député candidat malheureux à la tête du parti Tom Tugendhat et surtout le ministre de la Défense Ben Wallace, très respecté au sein du parti, qui a mis en avant son « expérience » en temps de guerre en Ukraine. « La course est très très serrée et je me bats pour chaque voix », a malgré tout assuré Liz Truss en campagne pendant le week-end. Alors qu'elle avait paru rigide et peu à l'aise lors de certains débats dans les premières phases de la compétition, elle a semblé plus détendue et plus sûre d'elle ces derniers jours, alors que Rishi Sunak comptait sur ses facilités oratoires pour rattraper son avance. Elle est encore sortie renforcée jeudi soir du premier d'une série de 12 grands oraux face aux militants conservateurs. Le deuxième exercice du genre est prévu lundi soir dans la ville d'Exeter, dans le Sud-ouest de l'Angleterre. Mise en garde contre les « contes de fées » Honni par le camp Johnson, Rishi Sunak s'est vu accuser par un militant d'avoir « poignardé dans le dos » le Premier ministre. Sa démission a contribué à précipiter une avalanche de départs du gouvernement qui n'a laissé Boris Johnson sans autre choix que d'annoncer son départ, après des mois de scandales, au premier rang desquels celui des fêtes organisées à Downing Street pendant les confinements lourds de sacrifice pour les Britanniques. Depuis le début de la campagne interne, où les questions environnementales ne sont quasiment pas évoquées, les deux finalistes s'opposent principalement sur la fiscalité. D'un côté, Liz Truss promet des baisses d'impôts « dès le premier jour », annonçant en particulier qu'elle reviendrait sur une hausse des cotisations sociales introduites au printemps pour financer le système public de santé mis à rude épreuve par la pandémie. Rishi Sunak met en garde quant à lui contre les « contes de fées » et avertit qu'il convient selon lui d'attendre que l'inflation, au plus haut depuis 40 ans, s'estompe avant d'envisager une baisse de la pression fiscale. Ce très riche ex-banquier a toutefois récemment amorcé une inflexion en promettant une réduction de la TVA sur l'énergie pour soulager les ménages. Pour séduire la base conservatrice, il a aussi promis un durcissement des règles migratoires et s'est lancé pendant le week-end dans les guerres culturelles chères à l'aile droite du parti. Il a promis d'empêcher « les agitateurs de gauche » de s'attaquer au « bulldozer à notre histoire, nos traditions et nos valeurs fondamentales ».
Boris Johnson manque-t-il déjà à son camp ?
Le Premier ministre démissionnaire semble être déjà regretté par certains Tories et une partie de la presse britannique. Au point que certains se prennent à rêver à son retour. "Que va faire la presse londonienne sans Boris Johnson ?", interroge le New York Magazine trois semaines après la démission du Premier ministre britannique. Avec la chute du dirigeant conservateur, la presse conservatrice perd "l'un des siens", observe la revue américaine, qui rappelle la carrière de journaliste et chroniqueur de "BoJo". Une certaine morosité se serait ainsi emparée des rédactions londoniennes. Selon l'auteur, "cela rappelle l'ambiance qui régnait dans la salle de presse de la Maison-Blanche après le départ de Donald Trump". Mais la carrière politique de Boris Johnson est-elle réellement terminée ? "Alors que les Tories s'apprêtent à choisir un nouveau leader, les grandes fortunes et les médias britanniques ont commencé à se mobiliser pour sauver le Premier ministre tombé en disgrâce", écrit le journaliste Peter Oborne dans Middle East Eye. Dans un article, intitulé "Boris Johnson prépare-t-il son retour ?", l'auteur raconte les "réunions privées chaleureuses" de l'ex-Premier ministre avec le magnat des médias Rupert Murdoch ou le milliardaire Peter Cruddas. "Il existe de sérieux indices montrant que Johnson réfléchit à un retour - et quelques raisons de croire qu'il pourrait réussir", notamment la "mobilisation" d'une partie de la presse ; ou la campagne "Bring Back Boris" ("Faire revenir Boris") initiée par des élus conservateurs qui se souviennent des succès électoraux engrangés avec Johnson à leur tête. Une pétition a déjà enregistré des milliers de signatures et "Johnson lui-même joue avec l'idée d'une résurrection à la Lazare", poursuit Peter Oborne.