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Dans sa chair de Yasmina Chami : Un roman de la nostalgie, du manque et de l'absence
Publié dans L'opinion le 13 - 07 - 2022

Un roman, un vrai, ne se résume pas. On peut tout juste en esquisser une ligne (en tirer un fil de récit), peut-être deux ou trois, mais pas la trame, pas tout le travail d'écriture (de maillage) qui constitue celle-ci. Un grand roman, c'est d'abord un travail du langage.
Avec Dans sa chair, nous suivons les « turpitudes boueuses » d'Ismaïl, cet « homme sur le point de vieillir » ; le lecteur explore, avec le narrateur, « la précieuse mémoire » intimiste d'hommes et de femmes, mais aussi la douloureuse mémoire politique et sociale du Maroc des années de plomb ; il avance dans un « monde » hanté par le corps disparu de Brahim, cet universitaire et militant de gauche liquidé sans jugement. Dans ce roman, nous sommes dans l'intimité d'une conscience mais nous sommes aussi dans la chair de l'écriture.
L'art de Chami dans Dans sa chair repose sur cette articulation de la mémoire des espaces et des sensations qui y sont vécues, car il y a « inscription de la mémoire dans l'espace ». Le flux du récit et des mémoires corporelles se déploie par contigüité, télescopages, intersection et raccords de « lieux mnésiques ».
Il y a dans cette façon de narrer les consciences des personnages une sorte de « sobre élégance » qui lui octroie une profondeur. Comme il y a une « sensation du geste chirurgical », celui qui guide intuitivement et efficacement les actes qu'Ismaïl, neurochirurgien, effectue sur cette masse grise et blanche de ses patients, il y a une sensation du geste d'écriture qui donne aux associations et aux successions des extériorités et des intériorités explorées, une certaine fluidité et un effet esthétique imparable.
Parfois, cette sensitivité du geste d'écriture produit une densité du langage. Plénitude de la sensation et plénitude d'un langage simple et sobre coïncident même lorsqu'il s'agit de saisir des instantanés perceptifs et mnésiques microscopiques imbriquant des temporalités éloignées l'une de l'autre : l'enfance, par exemple, surgissant soudainement dans un présent dense, ou encore la sensation d'un corps autre mêlé à celui étreint. A la page 89 la chair du cerveau (manipulé par le neurochirurgien) est indissociable de la « chair du sens » et donc du langage. L'écriture devient ainsi une sorte de maillage « dense et puissant ».
La force justement de l'écriture de Chami vient de cet équilibre heureux entre mots dits et mots tus, entre récit actualisé et récit différé et qui font de ce roman d'une disparition, le lieu de questionnement et d'enquête sur les conséquences d'une telle disparition.
Dans ce sens, Dans sa chair est fondamentalement un roman de la complexité humaine (les conflits intérieurs entre amour, désir, distance, détestation, douceur et cruauté) : complexité qui pousse à se demander si ce souci de vérité et de justesse du geste chirurgical chez Ismaïl n'est pas une tentative de réparation d'un corps jamais récupéré et définitivement perdu. Et l'on peut aussi se demander si Ismaïl, même se réclamant d'une opposition politique (alignée sur celle de son père disparu), n'exerce pas, au fond, la même cruauté que celle du Pouvoir, en quittant si cruellement sa femme et ses enfants.
Dans ce roman de « la nostalgie, [du] manque, [de] l'absence », il y a tout un travail de déconstruction. Seule une écriture qui explore la chair des mots est capable de rendre cette complexité. Dans sa chair y parvient avec art.
Abderrahim KAMAL


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