Les amis d'enfance de Fouad Laroui ont rendu hommage à l'enfant prodige d'El Jadida. Entre souvenirs et nostalgie, ils font revivre un pan du parcours de l'auteur de « Méfiez-vous des parachutistes ». « Il y a beaucoup de bonheur ce soir. Le premier bonheur est celui de rencontrer Fouad Laroui, non sur le trottoir des livres piratés mais dans une vraie librairie. Le deuxième bonheur est celui de rencontrer le sourire sage et heureux de Mustapha Jmahri et de Mbarek Bidaki. Le troisième bonheur est d'être au milieu de toute cette belle présence le jour même où je suis né ». C'est par ces mots chaleureux à souhait que le professeur Abdellali Errehouni a commencé son discours d'ouverture de la rencontre sur le thème « En compagnie de Fouad Laroui. Souvenirs de Mustapha Jmahri et Mbarek Bidaki » organisée par la librairie de Paris à El Jadida samedi 25 juin 2022. Cette rencontre s'est déroulée en présence du romancier Fouad Laroui, de membres de sa famille, de professeurs, d'étudiants et de différents lecteurs de ses oeuvres. Elle était également transmise en direct sur les réseaux sociaux. Au tout début de la rencontre, le professeur Abdellali Errehouni, dans son mot introductif, a mis en exergue le fait que, chez Fouad Laroui, la vie se confond avec l'envie. Un écrivain, dira-t-il, qui fait confiance à son instinct, ainsi quand il avait envie de partir, il est parti ; et quand il avait envie de revenir, il est revenu. Il était Marocain et puis il avait envie de devenir aussi Néerlandais. Il était ingénieur et puis il avait envie d'être professeur, poète, romancier, nouvelliste, économiste, chroniqueur et essayiste aussi. Et d'ajouter : « Il est comme ça Fouad Laroui, un citoyen du monde et un éternel insatisfait qui vit, qui rit, libre dans l'espace et dans l'esprit. Il est le fantasme même de tous ceux qui rêvent d'être Fouad Laroui ». Prenant la parole Mustapha Jmahri a rappelé que Mbarek Bidaki et lui ont fait la connaissance de Fouad Laroui dans leur ville, El Jadida, en 1968, quand ce dernier avait une dizaine d'années et suivait sa scolarité à l'école Jean Charcot de la Mission française. Mustapha Jmahri, auteur-éditeur des Cahiers d'El Jadida, précisa que c'est grâce à la lecture qu'ils se sont connus depuis lors, alors qu'eux deux, de quatre ans ses aînés, étaient collégiens dans un établissement public dans la même cité. A l'origine, remarqua-t-il, tout les séparait : ils n'étaient pas du même quartier, ni du même établissement d'enseignement, ni du même âge, ni du même milieu social. Les deux collégiens bilingues cherchaient, en fait, à améliorer leur niveau en français et ont donc approché Fouad qui était, depuis l'enfance, un fervent lecteur et accro de bandes dessinées. Leur relation, née grâce à la lecture, s'étendit aussi au cinéma, aux visites de leur ami commun Thierry et aux discussions avec le groupe de camarades de Fouad à la sortie de l'école Charcot. Des amis que tout séparait Mustapha Jmahri ajouta que Mbarek Bidaki et lui, ils appréciaient les moments d'échanges autour d'une histoire ou d'un film avec Fouad et ses amis de classe. Car « au sein de la bande, la discussion se faisait exclusivement en français, même si, des fois, elle ne comprenait que des Marocains. Mbarek et moi étions obligés de suivre et de se mettre à leur niveau pour réagir quand c'est nécessaire. A la longue, notre français s'est amélioré peu à peu ». A son tour, Mbarek Bidaki, ami d'enfance de Fouad Laroui, entama son intervention en précisant qu'il était très ému et confus puisqu'il n'a jamais revu Fouad Laroui depuis leur séparation en 1970, et qu'il venait tout juste de le voir à l'occasion de cette rencontre. Leurs chemins se sont croisés au milieu des années 1960 quant ils ont découvert leur passion commune pour la lecture. A l'époque, pour les adolescents citadins, la lecture possible, en sus des manuels scolaires, était surtout la lecture de bandes dessinées. Il fit également part à l'assistance d'une histoire qu'il qualifia de « regrettable » celle du cadeau d'anniversaire manqué ou impossible. Les deux amis ont appris que le 12 août 1969, coïncidait avec la date de naissance de Fouad et décidèrent de lui offrir un cadeau pour son onzième anniversaire. Après concertation ils ont décidé de lui offrir le vingt-deuxième album de Tintin intitulé « Vol 714 pour Sidney ». Mais, vu leur situation familiale modeste, il leur était difficile de rassembler le prix de l'album quand bien même dérisoire à l'époque. Finalement, l'occasion passa, ils abandonnèrent l'idée et n'en reparlèrent plus. C'est en ce samedi 25 juin 2022, après 53 ans d'attente, que l'occasion s'y prêtait et ont offert à leur ami Fouad Laroui cet album, nouvellement publié dans une belle réédition, devant une assistance émue par le geste. Grande joie du romancier en découvrant la dédicace en ce souvenir. Fouad Laroui qui intervenait au fur et à mesure du déroulement de la présentation, clôtura la séance en précisant qu'il est resté toujours admiratif de ses deux amis qui persévéraient dans leur scolarité. Il ajouta que cette période de jeunesse à El Jadida a été pour sa génération très fructueuse en matière d'apprentissage. Elle était exceptionnelle car, malgré la pauvreté ambiante des familles, les jeunes ont pu évoluer dans un bouillon de culture. A la fin, le romancier se plia à la cérémonie traditionnelle de dédicace de ses deux derniers ouvrages à ses différents lecteurs. Mustapha JMAHRI