Le Festival de Cannes, c'est du cinéma et des potins... Les projecteurs font briller les paillettes et font passer également d'agréables et lucides moments dans les salles de projection du festival. Côté « potins », le festival n'a pas oublié l'affront fait à Isabelle Adjani par les photographes qui pour la punir de les ignorer car en « contrat d'exclusivité » posèrent leurs appareils par terre à son apparition sur le tapis rouge... la même Isabelle Adjani qui s'était retrouvée exaequo avec elle-même, en 1981, pour le Prix d'interprétation féminine. L'honneur de présider le jury, cette année, revient à Vincent Lindon qui succède ainsi à Spike Lee. Le fait mérite d'être signalé car il constitue un évènement en soi dans la mesure où il faut remonter à 2009 pour trouver une personnalité française à la présidence du jury du Festival de Cannes, en la personne d'Isabelle Huppert, l'actrice de Dupond Lajoie d'Yves Boisset, un film polémique des années 70, passé au fil de la censure... accepté de bonne grâce par Yves Boisset, cinéaste engagé s'il en fut. Vincent Lindon qui officiera avec un jury paritaire (4 hommes, 4 femmes, une parité loin de se refléter dans la sélection officielle qui ne rassemble en compétition « que » trois femmes : l'Américaine Kelly Reichardt et les Françaises Claire Denis et Valeria Bruni Tedeschi) s'engage « de prendre soin au mieux des films de l'avenir, qui portent tous un même espoir secret de courage, de loyauté et de liberté », donnant le ton d'une sélection qui prend le risque d'être politisée pour faire écho à l'actualité européenne qui déborde sur la planète entière. De fait, le Festival de Cannes a pris sur lui de ne pas inviter la Russie mais des dissidents à la ligne de Poutine comme au bon vieux temps de la guerre froide qui opposait l'Union soviétique à l'Occident. Le Cannes Classics donne un avant-goût de cette séquence de réconciliation avec la marginalité cinématographique où se développe « en cachette » des chefs d'oeuvre, faits pour le futur, en somme. Il s'agit de la projection du film du patrimoine du cinéma français, la maman et la putain, de Jean Eustache décrit ainsi par Le Monde : « Dandy, provocateur retors, âme pure et manipulateur patenté, Eustache construit sa vie privée et professionnelle sur la non-réconciliation avec ses semblables. Sa fin témoignera qu'il ne s'agissait pas d'un jeu. Son oeuvre sera donc brève et intense, nourrie de paradoxes. Passéiste et moderne, réaliste et expérimentale, entêtée de vérité mais fascinée par le faux ». Dans le même article, il est souligné que c'est « Un film comme on n'en avait pas fait et comme on n'en fera plus, unique en son genre, un monolithe de l'art, en même temps qu'un parangon du goût français. Un film d'autant plus mythique qu'il fut partiellement soustrait, durant un demi-siècle, tant à la connaissance qu'à la reconnaissance qui lui étaient dues ». Le Maroc, cette année encore, n'est pas en compétition officielle mais il est présent dans « Un certain regard », avec Le Bleu du caftan de Maryam Touzani qui semble aborder une thématique taillée sur mesure (l'homosexualité) pour le regard occidental dans sa perception de l'univers maghrébin pour ne pas dire arabo-musulman, comme si le tabou de la sexualité, avec ce qui est représenté comme des déviances sexuelles, était né et a prospéré uniquement en terre d'Islam. Inaugurée en 1978, la sélection Un Certain Regard qui entend favoriser « la découverte et l'originalité » n'en est pas au premier film du Maroc. Le Maroc n'en est pas à son premier essai au Festival de Cannes et l'année 2021 fut marquée par l'entrée en compétition officielle de « Haut et fort » de Nabil Ayouch. La Tunisie est figure avec Harka et la France est également présente dans cette sélection qui s'ouvre par Tirailleurs, avec deux autres films en compétition Rodéo et Les Pires. Le Bleu du caftan de la cinéaste Maryam Touzani a bénéficié des aides de producteurs européens comme plusieurs autres films de la compétition Un Certain Regard dont l'édition sera marquée par la première sélection d'un film pakistanais: Joyland de Saim Sadiq. Abdallah BENSMAIN