A l'instar de l'année dernière, le Ramadan 2022 confirme la reprise du marché publicitaire au Maroc. Toutefois, entre les chiffres annoncés et les recettes réellement encaissées par les médias, la différence est de taille. Les investissements bruts faussent le calcul. Explications. C'est devenu presque un élément incontournable du décor ramadanesque au Maroc : la publicité à la télévision à l'heure du ftour. Et comme chaque année, les chiffres s'affolent, à l'instar de ce qui est observé depuis le début du mois de jeûne. Rien que sur les 10 premiers jours, les chiffres d'Imperium faisaient ressortir une hausse de 9,1% des investissements publicitaires, avec un volume estimé à plus de 407 millions de dirhams. Et comme chaque année, le spectacle se passe bien évidemment sur le petit écran, qui absorbe à lui seul 63,2% de ces montants, soit une croissance de 11,9% par rapport à l'année dernière, ce qui se chiffre à 257 millions de dirhams en seulement 10 jours de pub ! Sachant que le marché publicitaire marocain, dans sa globalité, plafonne à moins de 6 milliards de dirhams par an, ces indicateurs en disent long sur la rentabilité du Ramadan pour les médias. Rentabilité, dans les apparences. Beaucoup de pub, moins de frics Quand on regarde de plus près dans ces chiffres, on se rend compte que la réalité n'est pas toujours aussi florissante. D'ailleurs, Imperium, qui répertorie ces données depuis des années, fait bien de rappeler qu'il s'agit d'investissements bruts. « Par investissements bruts, il faut comprendre les tarifs référentiels affichés par les supports et sur la base desquels ces montants sont calculés. Mais dans les faits, on assiste souvent à des échanges de marchandises, de gratuités ou encore d'abattements », explique un spécialiste du secteur publicitaire. Autrement dit, les montants réellement facturés ou encaissés par les médias, sont nettement en deçà de ces sommes brutes annoncées par les indicateurs sur le marché publicitaire national. Par exemple, sur les 407 millions de dirhams calculés durant la première décade du Ramadan, à peine la moitié, ou dans le meilleur des cas les 2/3 sont réellement perçus par les supports. Au finish, le mois du jeûne, à l'instar des autres mois de l'année, s'en sort moins bien gavé en retombées financières publicitaires que l'on ne le pense. Zoom sur les annonceurs Quoiqu'il en soit, la frénésie dépensière des annonceurs durant le Ramadan est perceptible en cette année 2022, qui marque un véritable retour à la normale depuis le choc du Covid-19. « Si les budgets publicitaires connaissent une nette hausse en valeur, la présence d'annonceurs sur cette période du Ramadan est quasi identique à 2021. 726 annonceurs ont répondu présents ces 10 premiers jours de Ramadan (vs 731 en 2021) », constate Imperium. Et par secteur, poursuit la même source, l'Alimentation (+36%), pour un total de 91,3 millions de dirhams, arrive en tête parmi les plus grands investisseurs enregistrés cette année. Elle devance les Télécommunication (+6%), dont le montant des investissements bruts se chiffre à 85,9 MDH, bien avant l'Assurance-Finance, qui ferme le podium avec une hausse de 220%, pour des montants estimés 28,1 MDH. « La Banque-Assurance accuse une forte baisse (-42%) par rapport à 2021, elle reste le 4ème secteur ayant le plus investi en 2022, avec un budget de 27,2 MDH », selon Imperium. Aux cinquième et sixième places, poursuit la même source, on trouve respectivement les secteurs du Bâtiment-Travaux Publics (+5% / 22,3 MDH) et celui des Boissons (-4%/ 16,3 MDH). Les gagnants et les perdants La hausse des investissements publicitaires est à « corréler à des parts d'audiences en forte augmentation pour les chaînes nationales durant ce mois de Ramadan (70% de part d'audience pour 2M et Al Aoula réunies dès le 1er jour de Ramadan) ». L'affichage, quant à lui, enregistre une hausse significative de 12,5%, soit 18,2% de part de marché, pour 74 MDH, sur le total de 407 millions de dirhams estimés en 10 jours. Le digital connaît une augmentation de 8,2%, pour 5,4% de part de marché, soit 22 MDH. Avec 44 MDH investis, la radio enregistre une hausse de 7,7%, soit 10,8% de part de marché. Enfin, « si la tendance générale dénote une dynamique de reprise de l'économie nationale, avec un classement des médias en termes de part de marché identique à 2021, la presse enregistre par contre une forte baisse de -39,7% avec 10 MDH, et seulement 2,5 % de part de marché », conclut Imperium. Abdellah MOUTAWAKIL Repères Marché publicitaire : 2021 reste à -17% du niveau 2019 ... Il est d'usage qu'on fasse aussi l'exercice de calcul des investissements publicitaires en retirant la valorisation des passages publicitaires des administrations pour avoir une lecture plus proche de la réalité. Ainsi, les investissements publicitaires en 2021 sont de l'ordre de 5,6 milliards, contre 6,8 milliards en 2019. Globalement, après l'évolution « négative et compréhensible » de 2019-2020, avec une chute de 26,3%, une reprise de 12,5% a été constatée en 2021. Toutefois, l'année 2021 reste à -17% du niveau 2019.
... Plus de 7,1 milliards de dirhams en 2021 En 2021, les investissements publicitaires tous médias confondus ont été de 7,1 milliards de dirhams, ceux de 2019 étaient de 7,24 milliards. « Nous sommes encore à une légère différence de -1,9% », observe Anouar Sabri, DG d'Imperium. « Une projection prudente sur 2022 de ces chiffres nous amène à confirmer que la relance est là mais n'atteindra le niveau 2019 que l'année 2023 », poursuit-il, tout en disant espérer que les efforts louables fournis par l'Etat marocain accélèreront cette reprise et auront un impact dès 2022. L'info...Graphie Publicité
Le paradoxe de la presse écrite
Selon les chiffres d'Imperium, la presse a enregistré plus d'annonceurs, mais moins de recettes. « Fait marquant, c'est l'affichage et la Presse qui ont vu le plus augmenter le nombre de leurs annonceurs, avec respectivement +24 annonceurs et +60 annonceurs ayant communiqué sur ces médias », note l'e-Cabinet. Toutefois, la presse écrite, elle, voit ses parts de marché fondre continuellement comme du beurre au soleil, que ce soit pendant ou en dehors du Ramadan. Durant la première décade de ce mois, la presse écrite a enregistré une forte baisse de -39,7% avec 10 MDH, et seulement 2,5% de part de marché. Pour pallier cette baisse continue, la plupart des groupes de presse allient désormais des stratégies d'attractivités hybrides, basées sur le papier mais aussi le digital. En dehors des pur-Player, les sites des médias papier tentent tant bien que mal de s'en sortir en attirant le maximum d'annonceurs. Une stratégie à consolider, face notamment aux forces des réseaux sociaux, principales destinataires des investissements publicitaires sur le digital.
Audiences télé Ramadan La haute saison pour 2M !
Le Ramadan est synonyme de haute saison pour nos chaînes de télévision nationale. En tout cas, c'est ce que font ressortir les mesures d'audiences publiées régulièrement par le Centre interprofessionnel d'audience des médias (CIAUMED). Ainsi, du 13 au 19 avril, coïncidant du 11 au 17 Ramadan 1443, 2M a consolidé sa domination, surtout en prime-time (18h45-21h15), pour ce qui est des téléspectateurs âgés de plus de 5 ans. En effet, selon le CIAUMED, la deuxième chaîne a capté 58,8% de part d'audiences, soit très loin devant la première chaîne Al Oula, qui a enregistré 9% sur la même période. Ces évolutions confirment une montée en puissance de 2M depuis le début du Ramadan, avec des audiences globalement favorables à l'heure du Ftour. Avec 11,2 millions de téléspectateurs durant la période prise en compte par le CIAUMED, la 7ème saison de caméra cachée «Mchiti Fiha» continue de battre des records et représente 64% de parts d'audiences sur 2M. Elle est également l'émission la plus suivie dans tout le Maroc durant ce Ramadan. «Ti Ra Ti» de Hassan El Fad avec 10,8 millions de téléspectateurs se classe deuxième au niveau national, devant « Al Mektoub », toujours sur 2M avec 10,7 millions de suiveurs. Quant aux émissions d'Al Oula, elles viennent loin derrière. La première à pointer est « Nisf Qamar » avec 3,8 millions de téléspectateurs. Telles sont les audiences calculées par le CIAUMED. Quant à la qualité de la production et l'appréciation entière du public, c'est un autre débat.
3 questions à Anouar Sabri, Directeur Général d'Imperium « Les investissements nets peuvent se situer autour de 60% du total brut »
Pour le patron d'Imperium, il est difficile d'estimer les investissements publicitaires nets. Toutefois, il les situe autour de 60% du montant brut annoncé. Par ailleurs, Anouar Sabri estime que la page du Covid n'est pas totalement tournée. Interview.
- Au-delà des investissements publicitaires bruts, pouvons-nous estimer les investissements nets ? - C'est une question compliquée à vrai dire. Il est très difficile de les déterminer. Il faut savoir qu'il y a des négociations d'achats d'espaces annuelles. Sauf que les supports ne respectent pas toujours les conditions commerciales et les tarifs affichés. Mais de façon approximative, pour estimer le montant des investissements nets, on peut dire qu'ils tournent autour de 60% du total des investissements bruts. - Pensez-vous que les annonceurs parviennent à vraiment atteindre leurs cibles pendant le Ramadan ? - Bien sûr. Pendant le Ramadan, nous enregistrons des audiences exceptionnelles pour les chaînes nationales. Ce sont des audiences très encourageantes, notamment pour les deux principales chaînes nationales. Cela dit, les investissements sont plus corrélés à l'état de l'économie et à la bonne santé des annonceurs qu'aux taux d'audiences. - Peut-on dire que la page du Covid est définitivement tournée ? - Pas complètement. On est en train de retrouver l'investissement d'avant Covid, mais on est encore en deçà. 2022 aura de la croissance, mais la page Covid n'est pas encore tournée. Je pense que ce sera en 2023 qu'un vrai retour au niveau d'avant sera observé. Recueillis par A. M.