Au début du mois, les membres des Nations unies ont voté à une large majorité la suspension de la Fédération de Russie du Conseil des droits de l'homme des Nations unies. Il s'agit de la toute première fois qu'un membre en exercice du Conseil se voit expulsé pour avoir violé l'intégrité territoriale d'un autre membre. Là, ce n'est qu'un exemple récent de la vaste condamnation internationale de l'invasion par la Russie de son voisin indépendant et démocratique, l'Ukraine. Le Conseil de l'Europe a également expulsé la Russie. La Cour internationale de justice, pour sa part, lui a demandé de mettre fin à la guerre. Quant aux chancelleries européennes, elles ont expulsé 450 diplomates russes. L'Assemblée générale des Nations unies a également condamné à une écrasante majorité et à plusieurs reprises l'invasion de la Russie. Bien que le Royaume-Uni et le Maroc soient physiquement éloignés, l'un et l'autre, du champ de bataille, l'invasion de la Russie nous cause à tous deux un préjudice direct et constitue un défi sérieux à nos intérêts communs. L'invasion est une attaque contre les principes du droit international. C'est une tragédie humaine, où une violence extrême s'est abattue sur des Ukrainiens innocents, y compris des enfants. En plus, elle entraîne des coûts économiques pour chacun de nos peuples, notamment en forçant des milliers d'étudiants marocains à abandonner leurs études et en augmentant le prix du pain et du carburant pour tous.
Le droit international repose sur des principes centraux : la souveraineté des Etats, l'intégrité territoriale et la responsabilité de faire la guerre uniquement en cas de légitime défense. Une grande partie du débat sur les affaires internationales porte sur la manière d'équilibrer ou de hiérarchiser ces principes, et rares sont les pays qui respectent tous ces principes de manière incontestable. Mais l'agression russe contre l'Ukraine est d'un autre ordre. Il s'agit d'une tentative de destruction de la souveraineté ukrainienne, ou du moins de prise illégale de territoire, par la force. L'Ukraine ne constitue pas une menace pour la Russie ou tout autre pays. La tentative russe de dépeindre le président démocratiquement élu (et juif) de l'Ukraine comme un nazi autoritaire est au-delà de la parodie, mais reflète une culture du mensonge si puissamment décrite par Tahar ben Jelloun dans son récent article [[1]] sur le360.ma. Le Royaume-Uni et le Maroc rejettent tous deux la légitimité des objectifs de la Russie pour l'Ukraine, comme l'a très clairement indiqué récemment Son Excellence Nasser Bourita « lorsqu'il a audacieusement déclaré le soutien du Maroc à l'intégrité territoriale de l'Ukraine », dans une conférence de presse[[2]].
[[1]] https://fr.le360.ma/blog/le-coup-de-gueule/non-ne-dites-pas-que-poutine-est-fou-256143 [[2]]https://www.state.gov/secretary-antony-j-blinken-and-moroccan-foreign-minister-nasser-bourita-at-a-joint-press-availability/ Il existe également de plus en plus de preuves des atrocités commises par les soldats russes contre les civils en Ukraine. Un nombre record de pays (41 à ce jour) ont saisi la Cour pénale internationale de ces crimes de guerre. Les tentatives de la Russie de rejeter ses propres crimes sur les Ukrainiens ne résistent pas à l'examen le plus élémentaire. Pour ne citer qu'un exemple, le Kremlin a prétendu qu'un massacre de civils à Buca avait eu lieu après que les forces russes eurent été expulsées de la région par les forces ukrainiennes. Mais le calendrier ne correspond pas à cette affirmation. Des images satellites accessibles au public montrent des morts jonchant les rues des semaines avant que les Russes ne soient expulsés de la région. Pour toute personne impartiale, la preuve est irréfutable : les meurtres ont eu lieu alors que la Russie contrôlait la région. D'autres rapports font état d'atrocités commises par les forces russes, notamment de viols et de bâtiments civils tels que des écoles et des hôpitaux délibérément pris pour cible. Alors que la Russie n'a pas réussi à obtenir la victoire rapide qu'elle semble avoir espérée, elle s'installe maintenant dans une guerre de siège, comme elle l'a fait en Syrie. Cette guerre pourrait se poursuivre pendant un certain temps et, avec elle, la poursuite des actes de sauvagerie à l'encontre des Ukrainiens ordinaires. À ce jour, 4,8 millions d'enfants ukrainiens ont été contraints de quitter leur foyer, ce qui a inévitablement provoqué un énorme traumatisme dans leur vie familiale et a perturbé leur éducation ; tragiquement, au moins 142 enfants ont été tués. Le Royaume-Uni, comme de nombreux pays, fait ce qu'il peut pour répondre à cette situation. Pour qu'il soit plus difficile pour la Russie de soutenir son effort de guerre, nous avons, avec de nombreux autres pays du monde, appliqué des sanctions financières ciblées à l'Etat russe, à certaines banques russes et à des individus au centre du pouvoir, rendant ainsi inaccessibles la plupart des réserves de devises étrangères de la Russie. Afin de limiter le risque que ces sanctions aient un impact sur les civils, nous n'avons pas ciblé les exportations russes de denrées alimentaires, qui sont importantes pour répondre aux besoins mondiaux. Cependant, les politiques et les actions de la Russie en Ukraine entraînent directement une augmentation rapide du coût de la vie pour les populations du monde entier. Le gouvernement russe a lui-même interdit l'exportation de blé et d'engrais et cherche à s'armer de sa part de l'approvisionnement mondial en gaz et en pétrole. Outre ces restrictions politiques délibérées de la part de l'Etat russe, la guerre perturbe la récolte de cette année en Ukraine, et les semailles de la saison prochaine sont entravées. Les possibilités de réaction des autres producteurs seront limitées jusqu'à l'année prochaine au plus tôt. Ces restrictions de l'offre ont des conséquences réelles dans le monde entier, mais surtout dans les pays qui importent du carburant et du blé. Le Maroc et le Royaume-Uni ont vu les prix des denrées alimentaires et du carburant augmenter de manière significative ces dernières semaines, avec des conséquences importantes pour nos populations. Le Royaume-Uni, ainsi que d'autres partenaires du G7 et du G20, travaillent rapidement à l'identification d'un paquet global de soutien à l'alimentation et à l'agriculture pour ceux qui en ont le plus besoin. Nous mobilisons déjà des fonds pour faire face à ce problème, notamment 2 milliards de dollars de prêts supplémentaires par le biais de la Banque africaine de développement. Nous travaillons avec la Banque mondiale pour convenir d'un nouveau programme alimentaire majeur à annoncer avant l'été. Au niveau bilatéral, le Royaume-Uni et le Maroc commencent à examiner les possibilités d'investissement pour améliorer notre production agricole. Le Royaume-Uni travaille à renforcer sa sécurité énergétique, en particulier par des alternatives plus propres aux exportations de carburant russe, et travaille en partenariat avec le Maroc pour vous aider à faire de même. Le Royaume-Uni et le Maroc ont un intérêt commun à défendre les principes de l'ordre international qui ont été si directement menacés par la violation non provoquée de l'intégrité territoriale de l'Ukraine par la Russie et sa responsabilité dans la mort de milliers d'innocents. Nous avons un intérêt commun à trouver des moyens d'atténuer les coûts économiques de l'agression russe. En nous appuyant sur notre relation stratégique déjà solide, je me réjouis de voir nos gouvernements relever ensemble ces défis.