Dans le cadre de leur rapprochement, le Maroc et le Royaume-Uni partagent une volonté commune d'affermir leur coopération militaire avec comme point de départ un renforcement des exercices conjoints. Détails. Après le Brexit, le Maroc et le Royaume-Uni ont affiché un rapprochement sans précédent. Alors qu'ils percevaient jadis le Maroc comme un pays faisant partie de la zone d'influence française en Afrique, les Britanniques ont changé totalement leur perception après leur sortie de leur famille européenne. En l'espace de trois ans, Rabat et Londres ont jeté les bases d'un futur partenariat multidimensionnel dont l'accord d'association signé en 2019 est la pierre angulaire. Cependant, il ne s'agit pas de l'unique pierre de l'édifice. Les deux pays sont autant intéressés par le négoce que par la coopération militaire dans laquelle ils veulent passer à une vitesse supérieure. Raison pour laquelle le Haut conseiller britannique à la Défense pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord et maréchal de l'air, Martin Elliot Sampson, s'est rendu au Maroc, dans le cadre d'une visite qui n'a duré qu'une journée où il a rencontré le ministre délégué chargé de l'Administration de la Défense nationale, Abdellatif Loudiyi, et l'Inspecteur générale des FAR. Au coeur des entretiens, un passage en revue du bilan de la coopération militaire et une projection vers le futur. Selon le compte rendu des réunions, les responsables semblent prendre conscience de la nécessité d'approfondir et d'élargir la coopération à plusieurs domaines, dont l'industrie de la défense et la cybersécurité, en des exercices conjoints. Sur ce dernier point, le Royaume-Uni compte renforcer son activité aux côtés du Maroc, selon Martin Eliot Sampson qui a répondu à nos questions. L'exercice « Jebel Sahara » reprend à l'automne 2022 Le Haut conseiller nous a confirmé la participation de son pays dans l'exercice African Lion qui aura lieu en mai 2022. L'Armée britannique a pris part également, à travers son patrouilleur, HMS Trent, à l'Opération « Sea Guardian », aux côtés du Maroc, de l'Espagne et du Portugal dans le cadre l'OTAN. « Notre participation est le signe de notre engagement pour renforcer notre coopération avec nos partenaires même en dehors de l'Alliance, dans le maintien de la sécurité maritime », nous explique à cet égard M. Sampson, qui nous a donné plus de détails sur cette opération. Selon lui, celle-ci qui se déroule en Méditerranée occidentale près des eaux de Tanger et de Gibraltar, permet d'améliorer l'échange d'informations, ce qui est de nature à développer la connaissance de la situation maritime en Méditerranée, ainsi que pour dissuader et contrer le terrorisme dans la région. Plusieurs patrouilles ont été déployées dans le cadre de cet exercice. En plus de ce qui précède, Martin Sampson nous annonce la tenue de l'Exercice annuel combiné « Jebel Sahara » qui aura lieu en automne prochain. La dernière édition a eu lieu en novembre 2019. Il s'agit d'un exercice qui permet l'interopérabilité entre les unités marocaines et britanniques. Il porte sur des manoeuvres tactiques avec des simulations de combat en milieu urbain, des actions de patrouilles et d'assaut sur des objectifs ainsi que la reconnaissance et la collecte de renseignements. Le Maroc : pays pivot en Méditerranée et en Afrique de l'Ouest Si le Royaume-Uni est si déterminé à aller de l'avant dans sa coopération militaire avec le Maroc, c'est parce qu'il prend conscience de l'importance géostratégique de notre pays. Un élément clé pour un pays qui vient de se retrancher de l'Europe et qui cherche à se projeter dans l'Atlantique et en Méditerranée. Le maréchal nous a expliqué comment le Maroc est perçu par les stratèges britanniques. Un pays clé dans la promotion de la sécurité et de la lutte contre le terrorisme en Afrique et un pays pivot dans la sécurisation du Sahel. « Nous reconnaissons le rôle stratégique du Maroc, qui constitue un partenaire incontournable pour le maintien de la paix et de la sécurité aussi bien au Sahel que dans le littoral méditerranéen », nous a-t-il expliqué, en ayant la conviction que le Royaume a eu la vocation historique de faire la jonction entre l'Europe, à travers le tunnel de Gibraltar, et l'Afrique subsaharienne. Royaume-Uni, futur fournisseur d'armes au Maroc ? Avec de telles ambitions, on a beau rêvé d'une coopération de grande ampleur sur le plan militaire, l'état actuel des choses laisse croire qu'il faut encore du temps pour atteindre cet objectif. Il est incontestable que le Maroc est tourné vers les Etats-Unis qui restent le principal fournisseur d'armes aux FAR, avec une part de 90% des contrats d'armement. A quoi s'ajoute le rôle d'encadrement que joue l'US Army dans l'amélioration des capacités de combats des armées marocaines. Les exercices de grande ampleur tels qu'African Lion en sont la meilleure preuve. Dans sa volonté de rapprochement, la Grande Bretagne courtise le Maroc avec l'ambition de devenir, ne serait-ce qu'à long terme, l'un de ses fournisseurs d'armes et d'équipements militaires. Interrogé sur ce point, le Marshal britannique acquiesce et confirme la volonté de son pays. « Le Royaume-Uni veut bien occuper une place plus importante à l'échelon des fournisseurs d'équipements au Maroc », a-t-il confié, ajoutant que l'Armée britannique peut offrir ses services en matière d'équipements. « Nous verrions cela comme un aspect positif d'une expansion plus large de nos relations commerciales », poursuit le Marshall. Quid de la coopération maritime ? En effet, un autre domaine peut s'avérer propice au développement d'une coopération fructueuse. Il s'agit du domaine maritime. Force est de constater que la Marine Royale est engagée, depuis une vingtaine d'années, dans un chantier de modernisation de ses équipements, son arsenal et sa flotte. Compte tenu de l'expérience historique et même légendaire de la Royal Navy qui constitue le socle et le noyau dur de l'Armée britannique, Londres semble être un partenaire idoine pour accompagner le Maroc dans ce chantier de modernisation vu son savoir-faire incontestable en mer. Interrogé sur ce point, Martin Eliot Sampson n'écarte pas la possibilité d'une coopération plus étroite dans ce domaine dans les années à venir. L'Armée britannique, précise-t-il, est d'autant plus ouverte à cette idée que la Grande Bretagne a l'ambition de renforcer sa présence en Méditerranée d'ici les prochaines décennies. Pour le moment, le volet des exercices et de l'amélioration des capacités demeure le socle d'une coopération qui se veut prometteuse du moment que les deux pays partagent la volonté commune de la promouvoir dans les années à venir. Actuellement, le cap est mis sur le retour au niveau de la coopération tel qu'il fut avant la Covid-19, et sur la multiplication des exercices conjoints, de renforcement des capacités et la formation. Anass MACHLOUKH L'info...Graphie African Lion L'Exercice tant attendu
Tenu annuellement, African Lion est le plus grand exercice en Afrique. L'édition de l'année dernière fut une réussite pour le Maroc qui a vu les manoeuvres se dérouler au coeur du Sahara marocain et précisément dans la région d'El Mahbes qui abritera également l'exercice cette année. Lequel se déroulera également à Agadir, Tan-Tan, Taroudant, Kénitra et Benguerir. Les préparatifs vont bon train. L'Etat-Major de la Zone Sud à Agadir a abrité, du 21 au 25 mars 2022, la réunion de planification finale. La 18ème édition de cet événement majeur connaîtra, en plus du Maroc et des Etats-Unis d'Amérique, la participation d'une trentaine de pays partenaires. Les opérations interarmées et manoeuvres, menées conjointement par les FAR et les pays partenaires, dans différents domaines opérationnels, terrestres, aéroportés, aériens, maritimes et de décontamination NRBC (Nucléaire, Radiologique, Biologique et Chimique), visent essentiellement à développer l'interopérabilité et à renforcer les capacités d'intervention dans un cadre multinational.
Partenariat militaire Ce que prévoit la base juridique
En effet, la coopération militaire a une assise juridique, mais elle reste limitée puisqu'elle se limite à un accord-cadre de coopération militaire et technique et un accord sur le statut des forces. Ce dernier accord a été ratifié et publié ensuite dans le Bulletin Officiel, le 5 mai 2020. Il a été signé en septembre 2013 à Rabat, Définissant les statuts des forces armées des deux pays, cet accord établit la base juridique de la coopération militaire et de la tenue des exercices conjoints. L'article 3 autorise l'installation des Forces de chacun des deux pays dans le territoire et les eaux de l'autre. Aussi, l'article susmentionné permet-il de faciliter les formalités nécessaires à la délivrance des visas. En vertu de cet accord, l'Autorité militaire du pays d'origine a la responsabilité de veiller à la bonne santé physique et morale des forces qui prennent part à des exercices militaires conjoints. Pour sa part, le pays de séjour est tenu de faciliter le déploiement des forces à l'entrée et à la sortie de son territoire et met à leur disposition les installations aéroportuaires et portuaires. A quoi s'ajoute la responsabilité d'organiser les moyens de soutien, y compris les prestations obtenues auprès du secteur privé (carburants, vivres, véhicules, moyens de communication, etc.). Concernant le soutien réciproque, l'accord prévoit que « chaque partie soit responsable de l'autonomie logistique nécessaire au soutien de ses propres forces. Le texte laisse pour autant le soin aux deux parties de se fournir mutuellement, à titre gracieux ou onéreux, à condition que cela fasse l'objet d'un commun accord. La préparation des activités conjointes doit faire l'objet de réunions de planification qui doivent trancher les arrangements relatifs au commandement.
Trois questions à Martin Elliot Sampson « Ma visite au Maroc m'a permis d'établir des relations personnelles»
Martin Elliot Sampson, Haut-conseiller britannique à la Défense pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord et maréchal de l'air de l'Armée britannique, a répondu à nos questions sur l'objet de sa visite au Maroc et les perspectives futures de la coopération militaire. - Comment jugez-vous le bilan de votre visite au Maroc ? - Cette visite est d'une extrême importance pour nous. J'ai eu des discussions productives avec les hauts responsables marocains de la défense et de la sécurité, notamment le ministre Loudiyi, le général El-Farouk et le général Haramou. Il s'agit de ma première visite au Maroc en tant que conseiller principal de la défense du Royaume-Uni pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord. En me présentant à la haute direction, cela m'a permis de commencer à établir des relations personnelles et professionnelles clés et à faire progresser les efforts vers des objectifs communs de défense et de sécurité, notamment la promotion de la stabilité régionale en Libye et dans tout le Sahel. - Etes-vous satisfait de l'état actuel de la coopération militaire ? - Nous espérons que nous aurons bientôt la possibilité de reprendre l'activité de défense conjointe aux niveaux pré-Covid. Pour ce faire, nous avons tenu des entretiens à l'échelon des états-majors conjoints en 2021, dans lesquels nous avons défini notre ambition commune de coopération en matière de défense cette année, en intégrant des exercices terrestres et de renforcement des capacités CT, ainsi qu'une formation plus large. - Au-delà du Maroc, le Royaume-Uni est très engagé en Ukraine où il apporte son soutien à l'armée ukrainienne, pouvez-vous nous donner un bref aperçu de ce soutien ? - En effet, nous renforçons les défenses de l'Ukraine avec des exercices conjoints et un soutien maritime, en formant plus de 20.000 militaires et en continuant à fournir des armes défensives. Nous avons également l'intention d'envoyer 6.000 missiles supplémentaires et de fournir un financement de 25 millions de livres sterling aux forces armées ukrainiennes. Recueillis par A. M.