La pandémie du Covid-19 a des conséquences sanitaires mais aussi psychiatriques. Si les symptômes physiologiques et physiques causés par le virus sont désormais bien connus, il existe aussi des troubles liés au cerveau. Souvent, ils se déclarent plusieurs mois après avoir contracté le Coronavirus. On savait déjà que la pandémie pourrait causer une vague de dépression, mais ce risque s'avère bien plus important que prévu, notamment chez les personnes ayant eu le Covid-19. Les personnes infectées par le Coronavirus ont une plus grande probabilité de souffrir de dépression, de troubles anxieux et d'idées suicidaires, comme de développer des addictions aux antidépresseurs et aux opioïdes, selon une récente étude américaine. Les auteurs de l'étude demandent, dans ce contexte, plus de considérations pour le Covid long. Après les conséquences physiques, les séquelles mentales. L'étude américaine publiée dans The BMJ montre que « les personnes ayant contracté le Covid-19 ont un risque significativement plus élevé de développer des troubles de santé mentale par la suite ». L'enquête, relayée par le New York Times, a rassemblé les données de 154.000 patients en provenance de la Veterans Health Administration qui n'avaient eu aucun traitement ou diagnostic concernant un trouble mental dans les deux années qui précédaient leur infection. « Le virus peut provoquer des inflammations des organes mais aussi du cerveau et donc provoquer des maladies mentales », commente Dr Ghizlane Benamar, psychiatre. « Toutes les études internationales confirment que quelques mois après avoir attrapé le Covid, près d'une personne sur cinq développe des pathologies du cerveau », souligne-t-elle. Davantage de dépression et de prise d'opioïdes chez les infectés Les chercheurs ont comparé plus de 150.000 personnes infectées au Coronavirus Sars-CoV-2 (et ayant survécu au moins pendant 30 jours après l'infection) à plus de 5 millions de personnes non infectées durant la même période (mars 2020 à janvier 2021). Les personnes avec Covid avaient 35% de probabilité en plus de développer des troubles anxieux et 40% de probabilité en plus de développer une dépression. En conséquence, ces patients présentaient aussi un risque accru d'utiliser des antidépresseurs et des opioïdes, ainsi que de concevoir des idées suicidaires. Ils avaient aussi une plus grande probabilité (80% de plus) de présenter un déclin cognitif, comme des problèmes de mémoire ou de concentration. « Cliniquement, on a eu quelques suspicions de troubles psychiatriques secondaires au Sars-CoV-2, mais c'est souvent difficile de faire la part entre un effet neurotoxique direct du virus, un effet indésirable de certains traitements utilisés dans le cadre de l'infection ou un effet lié au contexte plutôt qu'au virus, stress lié au confinement par exemple », indique Dr Benamar. Il ne s'agit pas seulement d'un virus respiratoire En se basant sur les chiffres de l'étude, il s'est avéré que les personnes contaminées ont donc 39% de risques supplémentaires de se retrouver traitées pour une dépression et 35% de chances d'être victime d'anxiété que des personnes qui n'ont pas été touchées par le Covid-19. À cela s'ajoutent respectivement 38% et 41% de risques de développer du stress et d'être victime de troubles du sommeil.« Il apparaît qu'il y a un clair excès de diagnostics liés à la santé mentale dans les mois qui suivent le Covid-19 », précise le professeur Paul Harrison, l'un des auteurs de l'étude. Les auteurs de l'étude demandent donc une « plus grande attention » médicale pour les « Covid longs » afin de mieux comprendre ce phénomène et le prévenir. « Il ne s'agit pas seulement d'un virus respiratoire. C'est un virus systémique qui peut provoquer des troubles et un déclin cognitif », assurent ainsi les spécialistes. Double peine En somme, à ce contexte inédit mêlé d'inquiétude liée au Coronavirus, d'incertitude quant à l'avenir et aux difficultés économiques, qui joue bien évidemment sur l'état psychique, vient s'ajouter une composante biologique : l'inflammation causée par le virus impacte aussi le cerveau et pourrait donc laisser des séquelles psychiques. « Le prochain objectif est d'approfondir la recherche sur les biomarqueurs de l'inflammation pour diagnostiquer les conditions pathologiques émergentes et les surveiller au fil du temps », recommandent les auteurs de l'étude. Meryem EL BARHRASSI Dépression, anxiété... au Maroc, c'est tabou Mais encore faut-il diagnostiquer les troubles psychiques. En effet, certaines personnes, n'ayant jusqu'alors jamais été exposées, peuvent les minimiser. Le problème c'est que ces pathologies (dépression, anxiété) sont stigmatisées au Maroc, donc elles ne sont pas faciles à accepter par les patients, ni à diagnostiquer. « Pendant l'exposition aiguë, on a noté une augmentation d'épisodes délirants, chez des gens qui n'avaient jamais été malades auparavant. Puis dans les suites immédiates de l'infection, des troubles anxieux et du stress post-traumatique. Et ensuite des tableaux dépressifs », détaille Dr Benamar. « Il faut expliquer que ces pathologies sont des maladies comme les autres qui se diagnostiquent, conséquences d'événements biologiques et psychologiques et qu'il faut les soigner parce qu'elles se soignent. Il faut accepter de se faire soigner », insiste-t-elle.