Pour le Maroc, les ajustements tarifaires apportés à l'ALE avec la Tunisie concordent parfaitement avec les dispositions de l'Accord d'Agadir. La dernière décision du Maroc de procéder à une révision de l'Accord de libre-échange (ALE) avec la Tunisie, prise dans le sillage de la volonté du Royaume de faire respecter l'équilibre de la balance commerciale avec l'ensemble de ses partenaires, a provisoirement exclu une liste de produits tunisiens du démantèlement tarifaire et instauré une taxe unique de 17,5% pour d'autres. Des mesures qui n'ont pas été du goût du patronat tunisien qui a fait part de son inquiétude et appelé à une intervention des politiques tunisiens. Détails. Concurrence déloyale : tolérance zéro Décidément, le Maroc ne rechigne plus à sortir sa calculatrice vis-à-vis de ses partenaires commerciaux. Après la révision de fond en comble de l'ALE avec la Turquie qui, rappelons-le, a été actée au forceps, c'est au tour des accords avec la Tunisie et l'Egypte d'être revus et raccommodés par le Royaume. En ce qui concerne la Tunisie, la liste négative couvre plusieurs catégories de produits, en plus d'une liste supplémentaire de produits auxquels s'appliquera une taxe unique de 17,5%, notamment ceux de l'agroalimentaire, du bâtiment, les jouets et stylos, les meubles pour bureaux, les boissons chocolatées, le café moulu, les produits cosmétiques, les produits de maquillage et tutti quanti. Réagissant, mardi, au micro du site d'information « Le360 » en marge de la séance des questions orales à la Chambre des Conseillers, le ministre de l'Industrie et du Commerce, Ryad Mezzour, a affirmé qu'il y a eu « quelques ajustements tarifaires au niveau douanier, qui correspondent à nos droits souverains de mettre les changements tarifaires que nous souhaitons et qui sont en adéquation avec l'Accord d'Agadir ». Les raisons derrière ces ajustements tarifaires, qui sont en réalité un secret de polichinelle aujourd'hui, n'ont pas été, toutefois, communiquées par M. Mezzour qui a mis en garde contre le non-respect de l'équilibre de la balance par les pays signataires des ALE, en référence à la Tunisie et l'Egypte. « Les ALE présentent beaucoup d'avantages, mais il faut veiller à ce qu'ils soient respectés de manière stricte pour éviter les abus et la concurrence déloyale», a-til averti, ajoutant que « les ALE permettent aujourd'hui d'ouvrir à l'investisseur au Maroc un marché de 2 milliards de consommateurs au lieu de 36 millions » et que ces « accords ont permis de développer l'industrie nationale, de créer une industrie mondialisée et de compétitivité exceptionnelle». Décision « difficile » pour le patronat tunisien La décision prise par le Maroc, quoique légale et fidèle à l'âme de l'Accord d'Agadir, a été vue d'un mauvais oeil par les entreprises tunisiennes. La première réaction officielle connue à ce stade vient du vice-président de la Chambre nationale des sociétés de commerce international relevant du patronat tunisien, l'Union tunisienne de l'industrie, du commerce et de l'artisanat (UTICA), Maher Ben Aïssa, qui n'est pas allé de main morte contre les nouvelles impositions décrétées par le Royaume. Sur les ondes de l'émission «Déco de l'éco» de la radio tunisienne Express FM, le responsable tunisien a déclaré, le ton maussade, que « Le rêve du grand Maghreb arabe et celui du grand marché maghrébin s'effritent, malheureusement, jour après jour. Cette décision est difficile pour nous-mêmes. Nous espérons une intervention des politiques tunisiens pour mener des discussions, voire des négociations, à cet effet avec nos frères marocains ». L'actuel déficit de la balance des échanges commerciaux entre le Maroc et la Tunisie, qu'il qualifie à ce titre de « différence », ne requiert pas, selon lui, la prise de toutes ces mesures. « Nous avons, nous aussi, un déficit commercial avec la Turquie mais pas aussi grand que celui que nous avons avec le Maroc », a-t-il justifié. En effet, la balance commerciale entre les deux pays affiche un volume d'export tunisien bien plus supérieur que celui du Maroc, et qui s'élève à 708 millions de dinars (2,28 milliards de dirhams) contre 370 millions de dinars (1,19 milliards de dirhams) du côté des exportations marocaines. Saâd BOUZROU Que prévoit l'Accord d'Agadir ?
L'Accord d'Agadir, initié à Agadir en 2001, est entré officiellement en vigueur le 27 mars 2007. Sa principale ambition était l'établissement d'une zone de libre-échange entre les quatre pays signataires, à savoir le Maroc, l'Egypte, la Jordanie et la Tunisie. Il vise, notamment, la dynamisation des échanges commerciaux, le développement du tissu industriel, la promotion de l'activité économique et de l'emploi, l'amélioration de la productivité et du niveau de vie dans les pays membres. En plus de la coordination des politiques économiques globales et sectorielles des pays membres, en particulier dans les domaines du commerce extérieur, de l'agriculture, de l'industrie, des finances, de la fiscalité, des services et des douanes, l'accord prévoit, in fine, l'harmonisation des législations des pays membres en matière économique.