Après un an de la reprise des relations diplomatiques, le Maroc et Israël ont posé les jalons d'un partenariat multidimensionnel. Peu développés, le commerce et le business font partie des priorités du Bureau de liaison de Tel Aviv à Rabat pour 2022. Cela fait plus d'un an que le Maroc et Israël ont repris officiellement leurs relations diplomatiques. Les deux pays ont commémoré le premier anniversaire de la déclaration tripartite à laquelle ont pris part les Etats-Unis et qui a acté la reconnaissance américaine de la marocanité du Sahara et posé les jalons d'une nouvelle ère dans les relations entre Rabat et Tel Aviv. Qualifiée de «réussite diplomatique» par le Secrétaire d'Etat américain, Antony Blinken, la reprise des relations bilatérales, dans le cadre de l'Accord tripartite, a été traduite en réalité par l'installation des Bureaux de liaison des deux pays. Celui de l'Etat hébreu a été inauguré par le chef de la diplomatie israélienne, Yair Lapid, lors de sa première visite au Maroc en août dernier. Une visite suivie par celle du ministre de la Défense, Benny Gantz, et qui a abouti à la signature d'un accord militaire, scellant une nouvelle coopération de grande envergure entre les deux pays dans ce domaine. Le Bureau de liaison d'Israël s'active Sur le plan politique, tout se passe comme prévu, les délégations ministérielles sont en concertation permanente afin de concrétiser les accords signés qui portent sur différents domaines de coopération (aviation civile, agriculture, technologie, investissement, tourisme, etc.). En plus de l'excellence des rapports politiques, le développement du partenariat économique et du «Business» semble être la priorité de la mission diplomatique israélienne au Maroc, dont les responsables s'évertuent, d'ores et déjà, à construire des liens avec le secteur privé au Maroc dans leur volonté de comprendre les spécificités de l'économie marocaine. «Nous sommes partis de zéro», explique Einat Levi, responsable des Affaires économiques et relations publiques au Bureau de liaison à Rabat. Dans une note publiée le 15 janvier, la diplomate explique que la mission diplomatique israélienne s'est lancée dans l'organisation d'une série de webinaires avec des experts marocains afin d'identifier les opportunités d'investissement et les secteurs attractifs. Focus sur le business : dix secteurs clés Jusqu'à présent, le business demeure peu développé entre les deux pays. Tel Aviv a beaucoup de choses à partager avec le Maroc dont son expertise dans plusieurs domaines. Einat Levi définit dix secteurs propices au «Doing Business». Il s'agit de l'Industrie 4.0, l'agroalimentaire, l'automobile, le textile, l'eau, les énergies renouvelables, la digitalisation, l'offshoring, la cyber-sécurité et l'industrie pharmaceutique. Bref, des secteurs d'avenir où Israël s'est distingué ces dernières années grâce à son réseau de 9000 start-ups très innovantes. La quête d'opportunités d'investissement et de partenariats semble être la vocation première de la mission diplomatique de Tel Aviv à Rabat. L'équipe de David Govrin est consciente qu'aucune alliance ne saurait s'épanouir sans le business. Cette mission incombe aussi aux partenaires civils, la Chambre de Commerce et d'Industrie Maroc-Israël se projette d'ores et déjà dans l'avenir puisqu'elle a dévoilé son plan d'action pour l'année 2022. Récemment créée, la Chambre, présidée par l'ancien diplomate marocain Saïd Benryane, compte plus de 150 opérateurs économiques basés au Maroc et désireux de renforcer les liens avec les communautés d'affaires israéliennes afin de construire des partenariats futurs dans les différents domaines. Dans son plan d'action, l'Association compte aller dans le même sens que le Bureau de liaison israélien, en misant sur le networking entre les hommes d'affaires. Cet effort est soutenu, en parallèle, par le Conseil d'affaires Maroc-Israël, qui a contribué à créer plus de 30 partenariats dans les secteurs de la technologie, de l'agriculture, de l'eau, du textile, de la santé et des énergies renouvelables. Le marché marocain a été attentivement scruté par 150 investisseurs israéliens lors d'un webinaire co-organisé par la CGEM et la Israeli Employers Business Organization (IEBO) en novembre dernier. Le président du Conseil, Steve O'Hana, a reconnu que le Maroc est l'une des destinations les plus attrayantes au monde. Un statut qu'assume le Royaume qui mise sur le label «Morocco Now», et «Morocco Tech» pour améliorer son attractivité. Anass MACHLOUKH Repères Les échanges en hausse mais timides Les effets de la reprise des relations diplomatiques entre le Maroc et Israël n'ont pas tardé à se faire sentir, surtout sur le plan commercial. Il a suffi de quelques mois pour que le commerce entre les deux pays commence à fleurir. Les échanges ont augmenté d'environ six millions de dollars du début de l'année 2020 à juillet 2021, selon les chiffres du Bureau central israélien des statistiques, repris par le ministère israélien des Affaires étrangères, montrant ainsi que le volume du commerce bilatéral est passé de 14,9 millions à 20,8 millions de dollars.
Un accord de libre-échange est-il possible ? Bien qu'en début de parcours, le partenariat entre Rabat et Tel Aviv est susceptible d'être couronné par un éventuel accord de libre-échange dans les années qui viennent. C'est en tout cas la volonté exprimée par l'ancien ministre israélien, d'origine marocaine, Amir Peretz, qui avait déclaré dans une interview à nos confrères de l'Economiste : « Un accord de libre-échange est un objectif majeur et nous chargerons une équipe spéciale de travailler intensément et rapidement à la préparation d'une mouture d'accord à soumettre à l'appréciation des deux gouvernements marocain et israélien ». Du côté marocain, cette possibilité n'a jamais été évoquée jusqu'à présent. L'info...Graphie Défense Coopération sécuritaire inédite
La signature le 24 décembre dernier d'un mémorandum d'entente en matière de défense entre le Maroc et Israël représente une première pour l'Etat hébreux, pour lequel c'est le premier accord du genre avec un pays arabe. Bien qu'il soit lié avec l'Egypte et la Jordanie par des accords de paix, aucun accord à portée militaire ou sécuritaire n'a été conclu entre Israël et ses deux voisins. Ce mémorandum, dont les détails n'ont toujours pas filtré, concerne la coopération sécuritaire, la vente d'armes, le transfert de technologie de la défense, l'organisation de manoeuvres militaires, la coopération dans la planification opérationnelle ou encore la mise en place de groupes de travail mixtes entre les services de Renseignement des deux pays. Un rapprochement qui devrait déboucher sur l'acquisition par le Maroc d'armement et de technologies sophistiquées à l'image des drones et des moyens de guerre cybernétiques et électroniques. Un rapprochement qui a fait grincer des dents du côté du voisin de l'Est qui n'a pas manqué de crier au complot.
Rabat et Tel Aviv ont, rappelons-le, conclu dans la foulée des accords d'Abraham plusieurs conventions portant sur les secteurs économique, commercial et touristique. La première convention porte ainsi sur l'exemption de visas pour les détenteurs de passeports diplomatiques et de passeports de service. Les représentants des deux pays ont également paraphé un mémorandum d'entente dans le domaine de l'aviation civile, suivi d'un autre mémorandum portant sur le domaine de l'innovation et du développement des ressources hydrauliques. Cet accord prévoit une coopération technique dans le domaine de l'aménagement de l'eau. D'un autre côté, l'Administration de la Douane et des Impôts Indirects a conclu un mémorandum d'entente portant sur la coopération dans le domaine des finances et de l'investissement avec le ministère israélien des Finances et de l'Investissement. Un document qui servira de base à la promotion des relations économiques entre les deux pays à travers le commerce et l'investissement et devrait régir les prochaines conventions entre Rabat et Tel Aviv, à l'image de l'exemption de la double imposition et d'un accord de promotion et de protection des investissements, ainsi que d'une convention d'assistance douanière. La reprise des relations diplomatiques et le renforcement de la coopération entre le Maroc et Israël, devrait ainsi porter rapidement le volume des échanges commerciaux à 500 millions de dollars en 2022 pour atteindre un milliard de dollars en 2023, selon les estimations de la Chambre de commerce de Tel Aviv.
3 questions à Simon Skira Les relations entre le Maroc et Israël ont besoin encore de se renforcer avec l'aide de toutes les bonnes volontés
Simon Skira, Président fondateur de l'association d'amitié Israël-Maroc et Secrétaire Général de la Fédération française du judaïsme marocain, a répondu à nos questions sur le bilan d'un an après la reprise des relations diplomatiques entre Rabat et Tel Aviv. - Quel rôle joue l'association que vous présidez dans le renforcement des liens entre les deux pays ? - Les relations entre le Maroc et Israël ont encore besoin de se renforcer avec l'aide de toutes les bonnes volontés. Dans l'association d'amitié Israël-Maroc, nous estimons que beaucoup de travail attend les deux pays pour renforcer cette reprise non seulement aux niveaux diplomatique et économique, mais aussi aux niveaux culturel et humain. Dans ce sens, nous avons prévu l'organisation de nombreuses délégations et aussi plusieurs actions qui ont pour objectif de renforcer les relations entre les deux peuples. - Le Maroc et Israël ont célébré le premier anniversaire de la reprise de leurs relations diplomatiques, quel regard portez-vous sur l'évolution des relations bilatérales durant l'année passée ? - En effet, la déclaration commune tripartite a lancé la reprise des relations entre Rabat et Tel Aviv, tout en traçant une feuille de route pour activer la reprise des relations maroco-israéliennes. Parmi les dispositions les plus marquantes de l'Accord figurent l'autorisation de vols directs entre le Maroc et Israël, la reprise immédiate des contacts officiels entre les responsables israéliens et marocains, et l'établissement de relations diplomatiques, en plus d'encourager la coopération dans divers domaines. La première année du retour des relations entre Rabat et Tel Aviv a vu une grande dynamique au niveau des visites mutuelles et des accords signés dans plusieurs domaines, notamment le domaine militaire où, enfin, un accord de coopération sécuritaire a été signé, qu'Israël a décrit comme «sans précédent». - A vos yeux, qu'est-ce qui distingue le plus les relations maroco-israéliennes ? - Le Maroc considère que la reprise des relations avec Israël est due aux liens particuliers qui unissent les Juifs marocains d'Israël. En effet, Israël compte en son sein plus d'un million de Juifs d'origine marocaine. Dans ce sens, lors de sa visite à Rabat l'été dernier, le ministre israélien des Affaires étrangères Yair Lapid a confirmé que de nombreux Israéliens considéraient le Maroc comme faisant partie de leur enfance et de leur identité car ils vivaient dans le royaume où ils viennent «en famille et non en touristes». Recueillis par A. M.