Au moment où les opérateurs touristiques tablaient sur la période des fêtes de fin d'année pour soulager leurs trésoreries ruinées par la crise sanitaire, l'émergence du variant Omicron est venue réduire leurs espoirs à néant. Le défi est désormais d'attirer les locaux dont le pouvoir d'achat est également impacté, et qui cherchent des rapports qualité/prix avantageux. Après l'annonce brusque de la fermeture des frontières, le secteur touristique reçoit un énième coup de massue, sachant que les affres du confinement et des deux dernières saisons estivales continuent de peser sur les esprits des professionnels. Il est vrai que l'aide financière aux travailleurs du secteur touristique déclarés à la CNSS et aux guides de tourisme, sera une nouvelle fois accordée, comme annoncé, jeudi dernier, par le porte-parole du gouvernement Mustapha Baitas lors de la conférence de presse hebdomadaire à l'issue du Conseil de gouvernement. Cependant, cette indemnité forfaitaire mensuelle nette de 2000 DH qui a été accueillie à bras grands ouverts par les ayants-droit est loin de répondre aux multiples besoins des opérateurs, dont la situation s'est aggravée surtout après la suspension des vols de et à destination du Maroc, suite à l'apparition du variant Omicron. Près de 100 % des réservations ont été annulées depuis la suspension de tous les vols de et à destination du Maroc, le 30 novembre, nous indique un professionnel du secteur opérant dans la cité Ocre, soulignant que l'initiative de l'Etat est loin de compenser le déficit qui pèse sur les trésoreries des opérateurs, d'où la nécessité d'accélérer la mise en place complète du contrat-programme, un plan d'action général signé l'année dernière par le ministère de tutelle. « Cela fait 22 mois que l'ensemble des acteurs du tourisme, toutes filières confondues, vivent au rythme de la détresse sociale», alerte Hamid Bentahar, président de la Confédération Nationale du Tourisme (CNT), tout en insistant sur la mise en vigueur de mesures spéciales et suffisantes pour redresser la barre du secteur. La solution est dans le marché local Dans un secteur qui représente 7% du PIB du Maroc et plus de 500.000 emplois, déjà sinistré par deux années de pandémie, les opérateurs touristiques ont également un rôle important à jouer dans la mise en oeuvre du plan de relance tant attendu. Si les autorités publiques ont fermé les frontières, les restrictions au niveau national ont été réduites à minima. Une aubaine pour le tourisme local, surtout à l'approche des fêtes de fin d'année, mais elle reste néanmoins conditionnée d'un côté par l'adaptation des prix à la demande marocaine, mais aussi en mettant à disposition des offres adaptées aux familles issues de la classe moyenne. Or, pour l'instant, les opérateurs n'agissent pas suffisamment sur les prix, malgré les potentialités d'une telle mesure dans l'attraction des touristes locaux. Il suffit d'une petite visite sur les sites de voyages pour constater que les prix sont toujours élevés, se situant en moyenne à 1000 dirhams la nuitée, sans compter les maisons d'hôtes. «Nous avons fourni des efforts en réduisant les prix des nuitées, mais il ne faut pas aller jusqu'à la ruine», nous explique un gérant d'un grand établissement à Marrakech, notant qu'il y a des charges importantes à supporter, «à commencer par les salariés jusqu'aux frais de maintenance». Les opérateurs sont certes conscients de la situation du pouvoir d'achat des citoyens, mais pour eux, l'initiative doit venir de l'Etat. Les limites de l'offre touristique n'aident pas aussi à booster l'alternative domestique. Les opérateurs formels ne disposent pas de suffisamment d'offres adaptées aux familles à des prix adaptés. Un constat confirmé par Hamid Bentahar qui appelle à « la mise en place de mesures d'accompagnement technique et financières pour le développement d'une offre diversifié d'animation et de services adaptés au pouvoir d'achat du citoyen marocain ». Reste le dilemme du secteur informel qui constitue une concurrence ravageuse aux opérateurs formels, attirant l'essentiel des familles souhaitant aller en vacances vu le gap entre les prix qu'il propose et ceux des apparts hôtels ou autre catégorie d'hébergement adéquat aux familles. « Nous sommes convaincus que les chemins de la réinvention en profondeur du secteur passent par la mise en place de mesures volontaristes pour assurer la résilience et la relance de tout l'écosystème touristique », lance le président de la CNT sur un ton optimiste, tout en précisant qu'au niveau du tourisme local, un travail de fond des professionnels est déjà là, en témoignent les recettes touristiques locales qui sont passées de 8% au début des années 2000 à 35% à fin 2019. Il faut donc continuer sur la même voie, mais il faut de la visibilité sur les mesures gouvernementales à venir. Rime TAYBOUTA Repères Le niveau d'avant Covid En 2019, le tourisme représentait 11 % du PIB et 5 % des emplois. Sur les 13 millions de touristes venus visiter le pays l'année précédant l'apparition du Coronavirus, plus de 30 % étaient Français, suivis par les Espagnols et les Anglais. Les recettes se chiffraient alors à 80 milliards de dirhams (7,5 milliards d'euros), contre 28 milliards seulement au début de 2021, soit une baisse de 65 % sur l'année 2020. L'ONMT lance la campagne « Ntla9awFbladna » À la suite du succès des deux premières campagnes « Ntla9awFbladna » qui ont fédéré les acteurs majeurs du tourisme marocain, l'ONMT poursuit son action sur le marché domestique et relance aujourd'hui cette campagne avec des nouveautés. L'objectif de ce nouveau dispositif est de continuer d'installer la marque « Ntla9awFbladna » à travers un programme axé principalement sur les télévisions nationales, l'affichage urbain dans les plus grandes villes marocaines ainsi que le digital et la presse. Cette campagne compte dévoiler un contenu nouveau qui présente la profondeur de l'offre touristique du pays via la mise en avant des régions, de lieux inédits et d'activités à vivre entre amis ou en famille. L'info...Graphie Recettes touristiques La pandémie continue de nuire au tourisme marocain
Au titre du mois de septembre 2021, les recettes touristiques ont poursuivi leur amélioration entamée en juin 2021, de 158,4%, à près +289,7% en août, +144,2% en juillet et +15,2% en juin. Au titre du troisième trimestre 2021, elles se sont élevées à 15,9 milliards de dirhams, en hausse de 202% par rapport à l'année précédente, demeurant toutefois en baisse de 40,2% par rapport à la même période de l'année 2019. Compte tenu de ces évolutions, le repli, en glissement annuel de ces recettes s'est atténué à -6,1% à fin septembre 2021, après -58,1% à fin juin 2021. Comparées à leur niveau à fin septembre 2019, elles ont reculé de 58,9%. Pour ce qui est des nuitées et des arrivées touristiques, elles ont atteint 2,9 et 1,63 millions respectivement au titre des deux premiers mois du T3-2021, après 1,08 et 1,58 millions à la même période de 2020 et 5,52 et 3,87 millions en 2019. A fin août 2021, le nombre des arrivées s'est élevé, en une année, de 16,2% à 2,1 millions, alors que celui des nuitées a accusé une légère baisse de 0,5% à 5,6 millions.
La relance du secteur en phase post Covid
Au-delà du redémarrage du secteur du tourisme, ce dernier devrait s'adapter à de nouvelles réalités de marché et de comportement des touristes, qui nécessiteront des évolutions structurelles des écosystèmes et des chaînes de valeur. Pour assurer un revenu minimum aux employés du secteur pendant la phase d'arrêt et la phase de redémarrage et accélérer l'inclusion des travailleurs les plus vulnérables dans le circuit formel, les parties ont convenu de maintenir spécifiquement, pour le secteur du tourisme, certaines des mesures actées par le Comité de Veille Economique (CVE). Parmi ces mesures, le comité a octroyé une indemnité forfaitaire de 2.000 DH, à partir du 1er juillet 2020 et jusqu'au 31 décembre 2020, aux salariés et stagiaires sous contrat d'insertion déclarés à la CNSS. Afin de préserver l'offre existante, relancer et soutenir la dynamique d'investissement touristique, les projets existants, en cours et nouveaux bénéficieront de l'accompagnement d'un véhicule d'investissement dédié au secteur du tourisme. Les partenaires de ce contrat ont convenu de dynamiser le tourisme interne également, notamment à travers la promotion, la distribution et l'incitation au voyage, et déployer les meilleurs efforts pour la mise en place de l'épargne vacances et la régionalisation du calendrier des vacances scolaires. Sans oublier qu'il faut mettre en place un permis sanitaire, dédié aux opérateurs touristiques, aux meilleurs standards, et stimuler la demande en répondant à la commande publique.
3 questions à Hamid Bentahar « Nous attendons avec impatience la réouverture des lignes aériennes »
Hamid Bentahar, Président de la Confédération Nationale du Tourisme (CNT), nous livre sa vision sur l'épreuve par laquelle passe le secteur touristique. - Depuis la saison estivale, beaucoup de choses ont changé au niveau épidémiologique et également au niveau du secteur touristique, notamment suite à l'avènement du nouveau variant Omicron. Quelles sont les urgences sur lesquelles il faudrait se pencher pour sortir ledit secteur de l'asphyxie ? - Ce fléau mondial a impacté l'ensemble des métiers dans différentes régions. Au Maroc, le secteur du tourisme accuse de lourdes conséquences, étant donné que 20% de son écosystème est toujours à l'arrêt. Les professionnels sont conscients que la crise sanitaire reste prioritaire et nous reconnaissons que le succès de la campagne de vaccination dans notre pays est une fierté nationale. Mais il faut aussi dire que la vaccination a des effets positifs sur l'économie qu'on aimerait voir très prochainement. Car, aujourd'hui, il est d'urgence de remettre au travail au mieux et au plus vite l'ensemble des acteurs touristiques qui attendent avec impatience la réouverture des lignes aériennes. - La question du tourisme domestique s'impose plus que jamais, surtout que les frontières sont fermées. Comment les opérateurs comptent-ils attirer ce public ? - Si nous avons réussi à faire passer le tourisme national de 8% au début des années 2000 à 35% en fin 2019, c'est qu'il y a un travail de fond qui était fait par des professionnels et qui doit continuer. Nous avons présenté de nombreuses propositions pour simuler la demande nationale via l'incitation à des offres de voyages promotionnelles. Nous sommes conscients que, malheureusement, 50% de l'activité touristique nationale dépend de la saison estivale et que la grande partie de l'activité hivernale est liée à l'organisation des activités artistiques, culturelles, sportives, sans oublier les événements professionnels. Là encore, il y a un travail à faire, mais il faut une visibilité sur les mesures à venir pour pouvoir mettre en place des stratégies adéquates. C'est ainsi que la CNT a listé une série de recommandations afin de stimuler la demande interne via l'incitation au voyage par la mise en place de chèques vacances défiscalisés et la régionalisation du calendrier des vacances scolaires. Promotion, appui et incitation au développement d'une offre d'animation diversifiée et d'expériences familles de qualité adaptée au pouvoir d'achat des citoyens marocains. Il y a également la mise en place de financement au niveau régional, pour renforcer la compétitivité des acteurs, favoriser l'émergence de nouveaux écosystèmes et promouvoir la création d'emplois en zones rurales à travers l'écotourisme, le tourisme sportif, culturel, et ce, en vue de favoriser le développement de cette offre, il sera essentiel d'apporter un accompagnement technique et financier pour la transformation digitale de ces acteurs et d'élaborer une offre de formation spécifique en faveur de leur professionnalisation. - La création de lignes aériennes locales et la mise en place d'un plan audacieux pour le transport aérien ne pourront-ils pas constituer un levier de croissance pour le tourisme domestique ? - Il faut tout d'abord valoriser les offres existantes et chercher de nouvelles solutions adaptées au pouvoir d'achat des citoyens marocains au niveau des transports, de manière générale, et l'aérien, en particulier, mais le contexte actuel requiert un changement de paradigme. Il faut mettre en place un nouveau pacte pour une relance responsable incluant des mesures fortes pour assurer la sauvegarde des entreprises et éviter la destruction massive des emplois. Car il est nécessaire de poser les bases d'une transformation durable du secteur touristique.