Le Ministère public a de nouveau souligné la question de la détention préventive dans son dernier rapport. Loin d'avoir été rationalisé, le recours à cette mesure privative de liberté se rapproche plus de la norme que de l'exception dans le système judiciaire marocain. Preuve en est : les 38.837 personnes placées en détention préventive en 2020 qui représentent 45,7% de l'ensemble de la population carcérale. Selon le Ministère public, cette situation s'explique en partie par la pandémie qui a ralenti les procédures judiciaires. L'autre facteur reste « les réflexes » et « automatismes » qui continuent de privilégier le recours à la détention préventive. Une situation dont l'on ne peut ignorer l'impact sur les finances publiques vu le nombre conséquent de personnes détenues provisoirement, notamment dans une période charnière où la priorité de l'Etat est de sécuriser le financement des chantiers d'envergure comme la protection sociale. Cette mesure a par ailleurs été décrite comme « contraire au principe de présomption d'innocence » par Abdellatif Ouahbi, ministre de la Justice, lors d'une séance plénière au Parlement. Le recours « excessif » à la détention préventive représente également un danger pour les personnes concernées. En clair, une personne placée en détention préventive dans le cadre d'une affaire de chèques impayés ou de défaut de versement de pension alimentaire ou d'autres délits mineurs peuvent se retrouver dans la même cellule qu'une personne soupçonnée ou condamnée pour un crime (meurtre, viol, fraude,...). Un « mélange de genres » qui représente un risque pour l'intégrité physique et morale des personnes en détention préventive et risque même de faire de nos centres pénitenciers de véritables « académies du crime ». Un travail de fond doit ainsi être mené pour revoir les procédures judiciaires autorisant le placement en détention préventive en faisant en sorte de privilégier d'autres mesures alternatives. Amine ATER