Jugée précipitée par les uns et proactive par les autres, la décision du gouvernement marocain portant fermeture totale des frontières a mis les Marocains résidant à l'étranger qui souhaitent regagner leur pays dans un état d'incertitude et d'inquiétude. Alors que la compagnie nationale marocaine, Royal Air Maroc, a confirmé la mise en place de vols spéciaux visant le rapatriement de touristes, principalement arrivés au Maroc pour célébrer le nouvel an, du Royaume vers la Belgique, le Canada, l'Espagne et l'Italie, entre le 4 et le 6 décembre, et a annoncé qu'elle prépare des vols spéciaux du Maroc vers la France, l'Espagne et la Mauritanie entre le 7 et le 10 décembre, les Marocains résidant à l'étranger et qui souhaitent regagner le Maroc plongent dans le doute et l'inquiétude. Un problème qui devait être discuté lundi 6 décembre au sein de la Chambre des Représentants afin d'y trouver une issue. A ce propos, le chef du groupe istiqlalien à la Chambre des Représentants, Noureddine Modiane, nous a déclaré que « le gouvernement est en train de collecter toutes les informations à propos de ces Marocains bloqués à l'étranger, et ce, pour la mise en place de vols spéciaux pour les rapatrier », ajoutant que « le Maroc n'est pas le seul pays à avoir des ressortissants bloqués en dehors de son territoire ». Il a ainsi rassuré que « ce problème sera résolu très prochainement ». Des centaines de citoyens marocains se sont retrouvés bloqués dans différents pays du monde, après que les autorités aient décidé de fermer les frontières, et ce, suite à l'apparition du mutant « Omicron » dans certains pays. Ces citoyens, en raison de la prise d'effet quasi-immédiate de ladite décision, n'ont eu qu'une journée pour trouver un billet de retour dans l'urgence et faire leurs tests PCR pour pouvoir retourner chez eux. Une impossible course contre la montre, inachevée par la plupart de ces citoyens désormais bloqués à l'étranger pour au moins 15 jours. Témoignages de désarroi, e-mails, appels téléphoniques, messages vocaux et vidéos ont été publiés sur les réseaux sociaux demandant secours et appelant le gouvernement à prendre les mesures nécessaires afin de protéger ces Marocains dont une partie risquerait l'errance, la faim, voire la misère. Plusieurs vidéos ont montré des Marocains se plaignant des misérables conditions dans lesquelles ils vivent, notamment le manque de logement, l'expiration des visas et les problèmes financiers, exprimant ainsi leur protestation et leur colère face à la décision qui ne tenait pas compte de leurs circonstances particulières, et la menace qu'elle fait peser sur leur sécurité dans les pays où ils se trouvent, ainsi que la menace de perdre leur emploi au Maroc. Les manifestants ont condamné la précipitation qui a marqué la décision de fermer les frontières, et un certain nombre d'entre eux ont exprimé leur volonté de payer des billets d'avion et d'être mis en quarantaine dans les hôtels, appelant les autorités à intervenir et à les rapatrier, comme l'ont fait de nombreux pays avec leurs citoyens. Les personnes bloquées affirment que les autorités consulaires marocaines dans les pays dans lesquels elles se trouvent n'indiquent pas qu'il existe à l'heure actuelle une solution ou possibilité de les rendre à leurs familles, ce qui rend leur sort inconnu. Cas de figure Parmi ces Marocains bloqués à l'étranger figure un groupe de 30 architectes marocains qui visitaient « Expo 2020 Dubaï » dans le cadre de l'échange d'expertises avec leurs homologues émiratis et qui ont été bloqués à Dubaï. Plusieurs d'entre eux ont déclaré qu'ils ont été pris au dépourvu par la décision des autorités marocaines de suspendre tous les vols à destination du Royaume et se retrouvent bloqués dans ce pays sans possibilité de trouver un moyen pour regagner le Maroc. Ils déclarent avoir frappé à toutes les portes en adressant des courriers au département de tutelle, au ministère des Affaires étrangères et à l'ambassade du Maroc aux Emirats Arabes Unis. La corporation des architectes au Maroc craint que la fermeture des frontières perdure sans que des vols ne soient programmés pour les rapatrier. Etant parti en Italie suite à la détérioration de l'état de santé de sa fille qui y réside avec sa mère, Samir nous confie qu'il était contraint, suite à la fermeture des frontières, de dépasser la durée de son congé, ce qui lui a créé énormément de problèmes avec la société où il travaille à Tanger. « La décision était à effet presque immédiat, je n'ai pas pu me procurer un billet de retour pour revenir au Maroc. Je suis bloqué en Italie depuis une semaine et je risque de perdre mon travail au Maroc », a-t-il déploré. Quant à lui, Abdellah est inquiet par rapport à sa fille de 19 ans, qui s'est trouvée bloquée en Afrique du Sud où elle est partie dans le cadre d'un échange scolaire avec une école anglaise à Johannesburg : « Nous avons été choqués par la décision du gouvernement, annoncée un dimanche après-midi. Ma fille devait rentrer au Maroc le 2 décembre ». Le père a ajouté que « nous avons cherché un vol, direct ou avec escale, sans trouver de solution. De plus, et pour effectuer le test PCR, il aurait fallu également une marge de temps ». Cette inquiétude est également due au fait que l'école se déchargera de la responsabilité des enfants, ce qui obligera les familles de ces adolescents à leur trouver un logement et à prendre en charge leurs dépenses tout au long de la période de la fermeture des frontières qui peut s'étaler au-delà des quinze jours prévus. Au milieu des protestations et des dénonciations des Marocains bloqués, il est légitime de craindre de prolonger le délai fixé par les autorités marocaines à plus de deux semaines, et par conséquent vivre le même scénario douloureux de l'année dernière, lorsque des centaines de Marocains sont restés bloqués pendant de longues semaines dans des conditions difficiles dans plusieurs pays, malgré leurs appels répétés aux autorités pour trouver une solution à leur situation. Pour l'heure, aucune solution de rapatriement ne semble avoir été mise en place par les autorités marocaines. La question qui se pose légitimement est : pourquoi ne pas permettre aux Marocains résidant ou de passage à l'étranger et souhaitant regagner le Maroc de rentrer, sachant qu'il existe des mesures à prendre pour éviter la transmission du virus, notamment le test PCR obligatoire à l'arrivée avec un isolement en attendant les résultats ? Achraf EL OUAD
Marocains bloqués à l'étranger, un scénario du « déjà vu »
C'est la même histoire qui se répète. Le 14 mars 2020, le Maroc avait décidé de fermer ses frontières et de suspendre tous les vols internationaux pour contenir la pandémie liée au Coronavirus. L'annonce, sans préavis, a pris de court tous ceux qui étaient en déplacement à l'étranger. Si des vols spéciaux ont permis de rapatrier des touristes bloqués au Maroc, les citoyens marocains qui se trouvent à l'étranger n'ont, eux, pas été autorisés à regagner leur pays. Comme le dit le dicton « Une erreur constamment répétée, ce n'est plus une erreur, mais plutôt un choix ». Quand allons-nous tirer les leçons de notre passé ?