En réponse à la note dévoilant les ressources qui alimenteront le « Fonds de solidarité » et qui alourdiront les charges des avocats, une lettre a été adressée au bâtonnier Tahar Mouafik pour contester la légalité des futurs prélèvements. Un recours en justice aura éventuellement lieu. L'annonce d'une panoplie de mesures pour mettre en place le « Fonds de solidarité » ne laisse aucun avocat indifférent à Casablanca. En fait, les professionnels contestent la légalité de ces mesures, notamment les moyens de son financement basé sur des paiements obligatoires. En fait, et selon la note du 26 octobre, ledit fonds sera alimenté essentiellement de vignettes apposées sur les procédures en justice. Les avocats devront débourser 50 dirhams par demande de notification ou requête, auprès de la direction de l'exécution des décisions de justice. Il en sera de même, lorsque l'avocat représente son client, dans une affaire pénale et délictuelle, ou devant des juges d'instruction. Pire encore, la même règle s'applique aux plaintes auprès du ministère public, indique la note. Ces mesures concernent également les contrats rédigés par les avocats. Chaque acte fera l'objet de 10 vignettes, soit de 500 dirhams. Pour ces obligations, la norme prévoit une taxe de 15 % sur les honoraires des avocats qui agissent en tant qu'arbitres dans les affaires et les dossiers d'arbitrage, précise le bureau de l'Ordre. N'ayant pas encore pris effet, cette éventualité échauffe les oreilles au sein du plus grand barreau du Royaume. Quelques sources nous ont confirmé qu'une lettre a été récemment adressée au bâtonnier Tahar Mouafik réclamant l'annulation de ladite mesure dont l'application serait illégale et informant d'un éventuel recours en justice. « La loi n'autorise le conseil de l'ordre à imposer à l'avocat des charges financières supplémentaires pour financer des projets sociaux », lit-on dans la lettre. Par ailleurs, la Cour de cassation s'est déjà exprimée à ce propos et ses juges ont rejeté la licéité de telles mesures car assimilables à l'impôt, outil relevant du monopole étatique. L'avocat contestataire met l'accent sur un point précis : le prélèvement annoncé sur les revenus liés à l'arbitrage. Le barreau entend soustraire 15% des honoraires pour chaque dossier. Or, « l'arbitrage n'entre pas dans les missions de la profession d'avocat, celles-ci étant fixées limitativement par l'article 300 de la loi 28.08 », indique l'auteur de la lettre. « En tant qu'avocats, nous ne contestons pas la création du Fonds de solidarité, dont l'importance a été démontrée avec la pandémie et ses effets, mais l'ampleur des taxes annoncées, qui atteindront dans certains cas 50% des bénéfices, notamment la taxation des notifications», nous a déclaré Abdelatif Lechhab, avocat agréé près la cour de cassation, et pratiquant à Casablanca. A.E.O.
L'idée d'un fonds ne date pas d'aujourd'hui L'idée de créer un fonds s'est principalement imposée en période de confinement où une grande partie de la profession a dû subir de plein fouet les conséquences économiques de la crise sanitaire. À Casablanca, l'idée a eu naissance également en raison des écarts flagrants entre des avocats « de première classe » et d'autres qui frôlent la précarité, une disparité qui s'est considérablement accentuée en période de pandémie. « La pandémie a remis en question, plus que jamais la solidarité, l'innovation et la manière d'offrir des services au niveau des cabinets d'avocats et des équipes juridiques. La fermeture des tribunaux a exposé à la précarité plusieurs avocats, et la mise en place du Fonds de solidarité pourra ainsi assister les avocats dans les contextes difficiles », affirme Abdelatif Lechhab