Le président tunisien Kais Saied a déclaré, lundi, que 1,8 million de citoyens sont descendus dimanche, dans la rue, en sa faveur. «Le peuple a parlé... Nous ne décevrons pas les Tunisiens». «Ce fut un jour historique où environ 1,8 million de personnes sont descendues dans la rue pour applaudir», a déclaré Saied dans une vidéo publiée par son bureau sur Internet. «Le peuple a parlé... Nous ne décevrons pas les Tunisiens», a-t-il ajouté dans l'enregistrement vidéo de sa rencontre avec le Premier ministre désigné, Najla Boden. «Le gouvernement sera formé loin des opportunistes et de leurs ambitions et des perceptions de la classe politique», a souligné le président tunisien, soulignant que certains partis n'ont plus leur place en Tunisie après que le peuple les ait expulsés. Saied a souligné lors de la réunion avec Boden qu'il ne reculerait pas devant ses idées et ne traiterait plus avec ceux qui ont déçu les Tunisiens. Il a évoqué la période avant le 25 juillet (juillet), affirmant: «La volonté du peuple tunisien a été volée par un régime caché qui veut contrôler l'Etat», soulignant qu'il ne sera «sous la tutelle de personne» et que sa mission est de «réaliser la volonté du peuple». On s'attend à ce que le Premier ministre désigné annonce son équipe gouvernementale, mardi, qui sera probablement composée de technocrates, et établi sur une parité hommes-femmes. D'autre part, le président tunisien a déclaré avoir nommé Hanan Tagouri Balsasi ambassadrice aux Etats-Unis, des semaines après avoir révoqué son prédécesseur. Depuis les manifestations de 2011, les Etats-Unis ont joué un rôle important en fournissant une assistance en matière de sécurité et en travaillant avec d'autres grands donateurs pour soutenir les finances publiques de la Tunisie. Saied a licencié plusieurs fonctionnaires de leurs postes depuis le 25 juillet, date à laquelle il a relevé le Premier ministre de son poste, suspendu le Parlement et pris le pouvoir exécutif par des mesures que ses détracteurs ont qualifiées de coup d'Etat. La semaine dernière, Najla Boden Ramadan a été choisie pour le poste de Premier ministre et a déclaré qu'elle formerait un gouvernement dans les heures ou les jours à venir. Assainir la Justice Le Président tunisien, Kaïs Saïed, a affirmé, lundi, que «l'épuration de la Tunisie passait obligatoirement par l'assainissement de la magistrature et la lutte contre les criminels» qui se sont « infiltrés dans les palais de justice et les tribunaux». En recevant, au palais de Carthage, le président du Conseil supérieur de la magistrature, Youssef Bouzakher, Saïed a assuré qu'»il n'était plus possible de se cacher derrière les procédures et de bénéficier d'une totale impunité », dénonçant un retard pris par les juridictions pour trancher des affaires, selon la vidéo de la rencontre relayée par l'agence Tunis Afrique Presse (TAP/Officiel). « Des affaires restent dans les tribunaux et les étagères pendant des années, en raison de la présence de parties qui se sont infiltrées dans le système judiciaire comme le cancer», a dénoncé le Président Saïed, selon la même source. Le Président tunisien s'est dit « étonné » face à l'inaction du ministère public dans plusieurs affaires intentées contre des criminels, accusant nombre de magistrats de « complicité ». Il a, par ailleurs, noté que ce qui se passe aujourd'hui en Tunisie après les mesures annoncées, le 25 juillet dernier, et les décisions qui ont suivi, est à l'évidence, une « continuation de la Révolution du 17 décembre 2010, un soulèvement qui a été avorté ».
Une opposition limitée aux mesures de Saied ? Le 22 septembre dernier, Saïed avait décidé d'abroger l'Instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité de lois et de légiférer par décrets, de même qu'il a décidé d'accaparer le pouvoir exécutif avec l'aide d'un gouvernement, ce qui a été considéré par des observateurs comme étant un élargissement des prérogatives de la Présidence, au détriment de celles du Parlement et du gouvernement. Les opposants aux décisions de Saïed adoptent trois méthodes : ou se contenter de dénoncer, ou bien appeler à des protestations ou encore former des fronts partisans, telle que la « Coordination des Forces démocratiques » annoncée, mardi, par quatre partis. Il s'agit du Courant démocratique, de Afek Tounes, du Parti républicain et du Front démocratique pour le Travail et les Libertés. Le 25 juillet dernier, Kaïs Saïed avait annoncé des décisions d'exception, s'agissant notamment du gel des travaux du Parlement et de la suspension de ses prérogatives, de la levée de l'immunité dont bénéficiaient les députés et du limogeage du Chef du gouvernement, Hichem Méchichi. La majorité des partis politiques s'opposent aux décisions d'exception qu'ils considèrent comme étant un « coup d'Etat contre la Constitution », tandis que d'autres partis les qualifient de « restauration du processus », sur fond de crises politique, économique et sanitaire. En continuant sur sa lancée, Saïed soulève des interrogations quant au rôle que pourraient jouer ses opposants et s'ils seraient aptes à le pousser à se rétracter, sur fond de mises en garde partisanes des risques de chaos, voire d'une guerre civile et de l'effondrement de l'Etat. Mehdi Mabrouk, Professeur de Sociologie à l'Université tunisienne, a souligné que « la capacité à mobiliser la Rue est limitée mais graduelle, selon deux facteurs. Le premier est le temps dans la mesure où le post-25 juillet est différent du post-18 septembre » dans une allusion au sit-in protestataire tenu dans la capitale Tunis pour contester les décisions de Saïed. Toutefois Mabrouk considère que la « force l'opposition est limitée, dès lors qu'avant le 25 juillet, on constatait une désaffection des affaires politiques, parallèlement au dénigrement engagé par une grande machine contre le paysage partisan et politique, ce qui a provoqué un élargissement des soutiens du Président ».