A l'instar du reste du monde, le Maroc est confronté aux périls climatiques qui pourront générer près de 2 millions de migrants internes d'ici 2050. La Banque Mondiale prévient contre des scénarios fâcheux. Une politique climatique plus audacieuse est de plus en plus recommandée. Détails. 1,9 million de Marocains pourraient se voir obligés de quitter leurs foyers à cause des changements climatiques d'ici 2050, alerte la Banque Mondiale dans son rapport « Groundsweel », qui étudie le phénomène de migration interne dans les pays d'Afrique du Nord et du Moyen- Orient. En fait, le réchauffement climatique, avec toutes les conséquences qu'il entraîne, se répercute directement sur les mouvements de migration à l'échelon à la fois national et international. C'est en tout cas ce que nous renseignent plusieurs études, y compris celles des instances non onusiennes comme l'Organisation Internationale de Migration (OIM), lesquelles nous annoncent que l'humanité fera face dans les décennies qui viennent à une migration galopante suite au changement climatique, phénomène devenu une réalité sous nos yeux à l'ère de l'anthropogène, où l'activité industrielle de l'homme et son mode productiviste et consumériste désordonne l'écosystème sur terre. Près de 200 millions de migrants pourront quitter leurs pays vers des régions plus clémentes, à l'horizon de 2050, souligne le rapport de la Banque Mondiale, expliquant que « le changement climatique est devenu un moteur de migration de plus en plus puissant ». Seule l'Afrique subsaharienne pourrait compter jusqu'à 86 millions de réfugiés climatiques, dont 19 millions en Afrique du Nord, tandis que l'Asie en compterait 19 millions. En plus, le rapport de la Banque Mondiale tire la sonnette d'alarme sur un phénomène beaucoup plus complexe : il s'agit de la migration interne. Avant, on avait tendance à parler d'exode rural pour désigner une migration économique des habitants de la campagne vers les centres urbains et les métropoles en quête d'un emploi et d'une vie meilleure. Maintenant, le facteur climatique devient aussi déterminant que le facteur économique vu le risque de plus en plus élevé de la sécheresse, les incendies de forêts, des intempéries, la pénurie d'eau et la dégradation des terres dédiées aux cultures vivrières à cause de la montée du niveau de la mer. Le Maroc n'est pas épargné par ce fléau qui s'annonce, note la l'institution basée à Washington dans son rapport, qui prévoit trois scénarios pour le Maroc, selon une approche de modélisation. Au Maroc : 5,4% de la population concernée Dans le scénario le plus pessimiste, le Maroc serait contraint à gérer près de deux millions de migrants climatiques, soit 5,4% de la population nationale – ce scénario pessimiste prend en compte une gestion peu intéressée à la cause environnementale. Le rapport envisage un scénario plus optimiste appelé « développement plus inclusif », où il prévoit 1,5 million de réfugiés climatiques. Par contre, ce chiffre pourrait considérablement baisser à 500.000 personnes au cas où le Maroc ferait un effort et mettrait en place une politique climatique volontariste. C'est le scénario le plus respectueux du climat... Ceci dit, la maîtrise de la migration interne peut être mise sous contrôle à condition de veiller davantage à la transition climatique et au respect de l'environnement. Le Maroc en semble conscient, car le pays envisage une décarbonation de son économie en supplantant l'électricité issue de l'énergie fossile par les énergies renouvelables. Le projet de Nour à Ouarzazate ambitionne de réduire de moitié les besoins du pays. Toutefois, un grand travail attend les décideurs en matière de politique de la ville : la mobilité verte, et la gestion des déchets en vue du zéro plastique qui est loin d'être une réalité bien que le gouvernement l'ait décrétée en 2015. Par ailleurs, la Banque Mondiale appelle le Royaume à prendre des mesures plus audacieuses, compte tenu des scénarios susmentionnés. « Ces résultats soulignent la nécessité d'une action climatique concrète et d'un développement plus inclusif pour s'attaquer aux moteurs de la migration climatique », soulignent les experts ayant rédigé le rapport. Migration des zones chaudes vers les côtes Alors que nous étions habitués par un exode essentiellement rural, le réchauffement climatique serait en mesure de le rendre à caractère urbain à cause de la hausse de température dans certaines régions. Selon le document, les « points chauds » incluent des villes comme Marrakech et les collines entourant Casablanca et Safi. Les régions citées peuvent donc devenir pourvoyeuses de flux migratoires vers d'autres régions, principalement de villes côtières à un climat plus modéré. Il s'agit, selon le rapport, de Rabat, Agadir, Tanger ainsi que des villes sans littoral comme Tétouan. Pour s'adapter à ce nouveau défi migratoire, le rapport préconise que les villes côtières en expansion devront mettre en oeuvre une planification urbaine résiliente et inclusive, qui tienne compte des risques climatiques et de leurs impacts sur les secteurs économiques clés et les infrastructures urbaines. Par ailleurs, comme l'accès à l'eau est vital aussi bien pour l'agriculture que pour la vie des individus, le Royaume est appelé à développer et améliorer la gestion des ressources hydriques, surtout dans les zones rurales, recommande également la Banque Mondiale. Ceci est d'autant plus crucial que la sécheresse est l'un des facteurs les plus déterminants de l'exode rural qui seraient susceptibles d'aggraver les flux migratoires d'origine climatique. À cela s'ajoute les efforts visant à assurer une croissance économique à faible émission de carbone et par conséquent résiliente. Anass MACHLOUKH