Les comptables agréés se préparent à élire leurs représentants en septembre prochain, après plusieurs mois d'attente. De nouveaux défis se posent, compte tenu de la transition numérique et de la Covid-19. Explications avec M. El Yacoubi. - 39 candidats se présentent aux prochaines élections de l'Organisation Professionnelle des Comptables Agréés (OPCA), prévues en septembre prochain. Est-ce un chiffre faible ? Si oui, comment expliquez-vous cela ? - Personnellement, je considère que le dysfonctionnement du Conseil national précédent a créé une situation de désaffection chez certains confrères. Toujours est-il que, dans cette liste combien même restreinte de candidats, nous retrouverons des comptables agréés de grande valeur. S'ils sont élus, ils devront défendre honorablement notre profession, qui a été pendant longtemps bafouée et qui aspire désormais à jouer un rôle crucial dans notre développement économique. Parmi nos objectifs ultimes : arriver rapidement à une fusion intelligente entre l'OPCA et l'Ordre des Experts-Comptables (OEC). Nous recommandons à ce titre d'avoir un seul Ordre avec 2 tableaux professionnels distincts : le tableau des experts-comptables (qui intégrera également les comptables agréés), et le tableau des commissaires aux comptes (composé uniquement des experts-comptables). Cet objectif, qui peut être atteint lors de cette mandature quadriennale, ne peut être que bénéfique pour les 2 Ordres, et il faut le dire, notre économie en a grandement besoin. - Le mandat de l'ancien Conseil national de l'OPCA du Maroc a expiré en juillet 2020, laissant ainsi les professionnels des chiffres sans représentants avant l'amendement de la loi 127-12. Comment a-t-on géré cela ? - Effectivement, c'est ce qui s'est passé. Nous n'avions pas le choix. Le siège de notre Ordre a été fermé et ce du fait que la mandature de 4 années, aussi bien des 13 membres du Conseil national que celle du Président, a légalement expiré. Sur le plan de la loi réglementant notre Ordre, nous n'avions pas encore adopté notre projet de Règlement intérieur (qui intègre notre code électoral). Par ailleurs, un dysfonctionnement interne chronique n'a pas pu être résolu par le ministre de l'Economie et des Finances et ce du fait que la loi 127-12 réglementant l'OPCA contenait une lacune. L'ancienne mouture de ce texte a anticipé par la mise en place par le ministre, en cas de crise, d'une commission intégrant les présidents des conseillers régionaux... Mais, notre Ordre nouvellement créé n'avait pas encore organisé les élections régionales, eu égard justement à la non-finalisation de notre code électoral. Aussi, dans cette situation inédite, le législateur a été contraint d'amender la loi 127-12 pour permettre au ministre des Finances de désigner une commission composée de membres de l'administration et des membres de l'OPCA, afin que cette dernière organise de nouvelles élections du Conseil national (CN). Après la publication de la loi 53-19, amendant et complétant la loi 127-12, cette commission a été mise en place, et cette dernière a actionné rapidement les leviers juridiques permettant de fixer les prochaines élections du CN aux 14, 15 et 16 septembre prochain. L'étalement du vote sur 3 jours devrait s'expliquer probablement par le contexte pandémique qui sévit d'une part, et par le nombre élevé des votants, d'autre part. Pour information, l'OPCA compte 1.822 porteurs du titre de comptable agréé au niveau national, composant donc le corps électoral de notre profession. - Quels défis attendent la prochaine équipe ? - Des défis multiples certes, mais nous sommes capables d'y arriver facilement. Il s'agit d'arriver à un arrimage rapide de notre loi à travers l'adoption du Règlement intérieur, du Code des devoirs professionnels et l'organisation des élections des Conseils régionaux. Ensuite, nous avons d'autres objectifs aussi cruciaux : la mise en place d'un plan de formation pluriannuel (avec l'ISCAE et le réseau des ENCGs). D'ailleurs, nous souhaitons confier l'organisation des examens d'accès à notre profession aux ENCG du fait de leur couverture territoriale. D'un autre côté, nous aurons à gérer la population des confrères en période transitoire, à travers les 3 listes prévues par la loi amendée, appelées listes de l'article 3, de l'article 4 et de l'article 5 (2.561 cabinets comptables environ). Je tiens à ce titre à préciser que l'OEC vit une situation similaire à la nôtre, avec une population d'environ 2.000 experts-comptables mémorialistes (environ 1.000 issus du cursus de l'ISCAE et 1.000 autres lauréats d'établissements étrangers). Encore une fois, la mise en place d'un seul Ordre réglera cette problématique épineuse, d'une façon adaptée au contexte ordinal et économique. Dans la même veine, j'avais demandé à l'ancien président du CESE d'initier une auto-saisine ayant pour objectif d'étudier l'opportunité d'unification des Ordres. Ce projet, ô combien important pour notre économie, est toujours d'une actualité brûlante. Sur un autre registre, en tant que CN, nous devons travailler sur l'assainissement de notre profession, la mise en place d'un barème de tarifs minimums en matière notamment de tenue comptable et de constitution ou de modification d'entreprises. Sans oublier notre projet-phare de mise en place d'une façon légale, d'un passage obligé, pour toutes les entreprises marocaines, par un professionnel de la comptabilité inscrit à l'un des 2 tableaux de l'OPCA ou de l'OEC. Bien entendu, les auto-entrepreneurs ou les entreprises régies par le régime de la contribution professionnelle unique (CPU) ne seront pas concernés. Si les notaires ont le monopole des actes immobiliers, les professionnels des chiffres devraient en toute logique avoir aussi un monopole en matière d'élaboration des liasses fiscales, qui sont bien plus compliquées à réaliser qu'un acte immobilier. La mise en place de cette obligation via la Simpl-signature obligatoire des bilans par les professionnels permettra, par ailleurs, d'éradiquer l'informel dans notre secteur (30% du chiffre d'affaires de la profession) : tenue comptable et établissement des déclarations fiscales par des personnes « non-professionnelles » et ne payant aucun impôt. Aussi, l'e-bilan améliorera la prestation d'encadrement comptable, financier et de gestion des entreprises et permettra, in fine, à notre économie d'en profiter et au Trésor d'améliorer ses recettes fiscales via la lutte contre l'informel. Dernier point, la réforme des Centres Consulaires de Gestion et de Comptabilité (CECOGEC), dont la demande est déjà sur le bureau du ministre de l'Industrie et du Commerce, permettra d'optimiser le budget de l'Etat et de l'orienter intelligemment vers le nécessaire encadrement des TPE et métiers de proximité. Recueillis par Safaa KSAANI Portrait Les chiffres n'ont plus de secrets pour lui
Mohamadi Rachdi El Yacoubi dirige la Société de Conseil Marrakech Consulting Group (MCG), créée en 1996, spécialisée en gestion comptable et optimisation fiscale, ainsi qu'en prestations de conseil juridique et financier et en diagnostic stratégique. Ancien Professeur de Gestion à l'Université Cadi Ayyad et à Sup de Co Marrakech et ancien Directeur du groupe de recherche doctorale Nouvelles Pratiques de Gestion (NPG), il est lauréat de l'Université Laval (Canada, 1993), de l'Université Cadi Ayyad de Marrakech (HDR) en Gestion et Ingénieur de l'IAV Hassan II/ENA (1989). Il préside par ailleurs la Commission « Investissement et compétitivité » et la Commission juridique à la CGEM Marrakech-Safi. Elu, depuis février 2021, président du think-tank Cercle des Fiscalistes du Maroc (pour une mandature de trois années) dont il a été l'un des cofondateurs en 2014 et Président lors de la première mandature, de 2014 à 2017. Mohamadi Rachdi El Yacoubi est également le premier Président de l'Ordre des comptables agréés du Maroc (OPCA) de 2016 à 2020.