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[ Entretien avec Madame Claudia Wiedey, Ambassadeure de l'UE au Maroc ] « Face aux nouveaux défis, il est temps de mettre à jour l'Accord d'Association de 1996 »
Dans cet entretien qu'elle a bien voulu accorder à L'Opinion, Madame Claudia Wiedey, Ambassadeure de l'Union Européenne au Maroc, aborde les différents sujets d'actualité dans le cadre de la coopération de son institution avec le Royaume. Généralisation de la couverture maladie, nouvelle politique européenne de voisinage, décarbonisation (lire l'article ci-contre), migration, renégociation de l'accord de libre-échange, tout y est. Explications. - Peut-on dire que le Covid-19 a imposé un autre regard dans la nouvelle politique européenne de voisinage, notamment envers le Maroc ? - En 2020, la pandémie a frappé la planète de plein fouet, avec des conséquences sanitaires, économiques et sociales qui ont engendré, au niveau international, un bilan humain dramatique et la pire récession depuis la seconde guerre mondiale. L'Union européenne a mis rapidement en place de nombreux mécanismes solidaires à l'intérieur comme à l'extérieur de l'UE, afin d'apporter une réponse collective aux besoins urgents engendrés par le virus. Au cœur de la crise sanitaire, l'Union européenne s'est politiquement engagée à soutenir les efforts importants menés par l'Etat marocain depuis les premiers jours de la pandémie. Ainsi en 2020, avec une rapidité et une capacité de réaction exceptionnelles, l'Union européenne a effectivement débloqué plus de 450 millions d'euros de subventions promis, au bénéfice en particulier de secteurs vitaux, tels que la santé, la protection sociale et l'éducation. Notre partenariat avec le Maroc est appelé à se renforcer davantage dans ses principes de respect mutuel, de co-appropriation, de responsabilité et de transparence. 2021 exprime l'ambition commune d'un renouveau, dont les jalons ont été posés le 9 février avec la communication de l'UE pour « un nouvel agenda pour la Méditerranée ». Ce nouvel agenda a fait l'objet d'une véritable concertation avec les partenaires de la région et le Maroc a activement contribué à ce processus. Le document final a proposé plusieurs orientations, dont le développement humain, la bonne gouvernance et l'état de droit, la résilience, la prospérité et la transition numérique, la paix et la sécurité, la migration et la mobilité, la transition écologique, ainsi qu'un plan économique et d'investissement. - Dans la généralisation de la couverture maladie, comment va se présenter l'appui de l'UE pour accompagner le Maroc dans ce chantier ? - La santé est au cœur des préoccupations du partenariat UE-Maroc et ce, depuis 2007. Afin de bénéficier de soins de qualité avec un accès équitable pour tous, le Maroc et l'Union européenne ont travaillé ensemble afin de consolider toutes les composantes pour offrir le meilleur service aux ayants droits, dans une approche fondée sur les droits humains. Ainsi, le RAMED est aujourd'hui une réalité pour plus de 10 millions de bénéficiaires. Le partenariat UE-Maroc travaille notamment sur les questions d'inclusion et d'exclusion pour s'assurer que tous les ayants droits bénéficient à juste titre des prestations. D'autre part, l'extension de l'assurance maladie obligatoire aux non-salariés est une nécessité. Aujourd'hui les négociations sont en cours pour en élargir l'accès aux travailleurs de différents secteurs : les professions libérales, les commerçants et artisans, les artistes, agriculteurs et auto-entrepreneurs. Ce chantier essentiel est incontournable dans le contexte de la crise de Covid-19 et au-delà. - Sur un autre volet, comment la politique commerciale européenne va-t-elle impacter son partenariat avec le Royaume concernant la taxe de la décarbonation ?
- Le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières – MACF (projet de taxe carbone aux frontières) de l'UE, s'intègre dans le cadre, à la fois, de sa nouvelle stratégie commerciale et du « Green Deal » (« pacte vert »), visant à faire de l'Europe, d'ici à 2050, le « premier continent neutre en carbone ».
Mais aucun gouvernement ne peut lutter seul contre le changement climatique : nous poursuivons toutes les voies de coopération et de diplomatie à travers des instruments tels que les partenariats stratégiques, la politique commerciale, l'aide au développement et d'autres outils de financement, pour mutualiser nos efforts à relever ce défi. Le Maroc a été inclus comme partenaire clé dans cette démarche, grâce à sa politique climatique et énergétique très ambitieuse, notamment depuis sa présidence de la COP22, et pour son grand potentiel en matière d'énergies renouvelables et son positionnement international. La coopération en matière de changement climatique est une des priorités du partenariat UE-Maroc, tel qu'énoncé dans la déclaration conjointe du 27 juin 2019.
Récemment, l'UE et le Maroc ont lancé l'initiative d'un partenariat stratégique, le Partenariat Vert UE-Maroc, sur l'énergie, le changement climatique, l'environnement et l'économie verte, afin d'accompagner leurs transitions énergétiques et climatiques. L'objectif de ce partenariat est d'accompagner la transition vers une société et des modes de consommation plus durables, renforcer l'ambition des politiques et la mise en œuvre des stratégies, démontrer les opportunités économiques d'une économie plus verte et propre, dont la décarbonation fait partie, et aussi renforcer la coopération régionale. La Commission européenne a adopté le 17 février 2021 sa nouvelle politique commerciale « Une politique commerciale ouverte, durable et volontaire » pour les années à venir. L'objectif horizontal de la nouvelle stratégie est de parvenir à un consensus autour de l'orientation stratégique et des objectifs de la politique commerciale de l'UE pour la prochaine décennie, sur la base de l'ouverture et de la durabilité.
La nouvelle stratégie commerciale prend en compte les leçons tirées de la crise sanitaire et expose les moyens par lesquels la politique commerciale peut soutenir la reprise économique, ainsi que la transformation verte et numérique. Elle a comme objectif également de renforcer les partenariats de l'UE avec les pays voisins, tels que le Maroc, ceux en voie d'élargissement et l'Afrique. La nouvelle stratégie commerciale ayant, entre autres, pour but de soutenir la transition verte et de promouvoir des chaînes de valeur responsables et durables, a beaucoup d'éléments de convergence avec la stratégie industrielle et commerciale du Maroc. Elle est en soi une excellente opportunité pour réfléchir ensemble sur les moyens de moderniser notre relation, à travers un « Pacte de Modernisation » qui serait adapté aux défis présents de durabilité. - Y a-t-il des nouveautés dans les renégociations des accords de libres échanges entre l'UE et le Maroc ? - Nous pensons qu'il est temps de mettre à jour l'Accord d'Association de 1996, qui a été conclu il y a 25 ans et qui couvre exclusivement la réduction des droits de douane. L'Accord d'Association a servi à atteindre un certain nombre d'objectifs, notamment à impulser le commerce de biens industriels et agricoles dans les deux sens et à drainer des investissements directs étrangers, mais beaucoup de changements sont intervenus depuis dans la structure du commerce et de l'investissement mondiaux. Depuis la Déclaration conjointe du Conseil d'association de juin 2019 qui mentionne la relance des négociations entre le Maroc et l'UE, en février 2021 ont été adoptées la Communication jointe sur le voisinage (un nouvel agenda pour la Méditerranée) et la nouvelle stratégie commerciale de l'UE qui privilégient le Maroc en ce qui concerne la modernisation des relations commerciales.
Au niveau politique, le Commissaire européen au Commerce, Valdis Dombrovskis, s'est entretenu avec le ministre de l'Industrie, du Commerce, de l'Investissement et de l'Economie numérique, Moulay Hafid Elalamy le 1er mars autour de la modernisation des relations commerciales et d'investissement entre le Maroc et l'Union européenne.
La CGEM de son côté a tenu un atelier de consultation avec ses fédérations sur l'avenir du partenariat, et j'ai moi-même rencontré la direction du patronat dans un ensemble avec les Chefs de Mission de l'UE ainsi que l'ASMEX au niveau bilatéral qui m'a fait part des attentes et des recommandations des exportateurs marocains vis-à-vis de l'Union européenne. - Que pensez-vous de la politique migratoire du Maroc ? - Le Royaume, depuis quelques années, est passé de pays d'émigration, puis de transit, pour devenir aussi une destination pour de nombreux migrants. Une politique migratoire rénovée, que l'UE soutient, a été mise en place par le Royaume, notamment à travers l'adoption de politiques et stratégies nationales (la Stratégie Nationale de l'Immigration et de l'Asile et la Stratégie Marocains résidant à l'étranger). La mise en œuvre globale d'une stratégie aussi ambitieuse est un défi. Elle reste cependant cruciale et bénéficie d'un soutien important de la part de l'UE. Un partenariat fort entre l'UE et le Maroc, qui existe depuis plus de 10 ans, permet de relever ensemble les défis de la migration et d'en saisir les opportunités. Le Partenariat pour la migration et la mobilité signé en 2013 avec le Maroc, permet une approche équilibrée de la migration entre mobilité, la lutte contre les migrations irrégulières, la protection des personnes migrantes et réfugiées, et la dynamisation du lien entre migration et développement. Par ailleurs, nous espérons pouvoir identifier des synergies entre la politique migratoire du Maroc et le « Pacte pour la Migration et l'Asile », proposé par la Commission européenne en 2020, qui soutiendra le développement et le renforcement de partenariats solides, équilibrés, et mutuellement avantageux avec les pays d'origine, de transit et de destination des migrants et des réfugiés. - Un mot sur la coopération entre l'UE et le Maroc Le partenariat entre l'Union européenne et le Maroc se porte bien. Je suis confiante dans l'avenir de ces relations et de la solidité du partenariat qui trouvera dans les mécanismes de la relance mondiale une raison de plus de s'épanouir. La crise sanitaire a engendré une réflexion profonde : c'est le moment de repenser les fonctionnements, de pallier les faiblesses systémiques de nos sociétés, d'aborder ensemble une transition verte afin de lutter contre le changement climatique. L'UE reste engagée aux côtés du Maroc dans la mise en place de ses réformes, et nous continuerons de travailler main dans la main pour reconstruire en mieux pour la mise en place d'une société résiliente, qui ne laisse personne de côté.
Propos recueillis par Wolondouka SIDIBE
De la politique migratoire du Maroc
Pour l'Ambassadeure de l'UE au Maroc, « le Royaume, depuis quelques années, est passé de pays d'émigration, puis de transit, pour devenir aussi une destination pour de nombreux migrants ». Et d'ajouter qu'une politique migratoire rénovée, que l'UE soutient, a été mise en place par le Royaume, notamment à travers l'adoption de politiques et stratégies nationales (la Stratégie Nationale de l'Immigration et de l'Asile et la Stratégie Marocains résidant à l'étranger). Selon Madame Claudia Wiedey, le Partenariat pour la migration et la mobilité signé en 2013 avec le Maroc, permet une approche équilibrée de la migration entre mobilité, la lutte contre les migrations irrégulières, la protection des personnes migrantes et réfugiées, et la dynamisation du lien entre migration et développement. Par ailleurs, dit-elle, « nous espérons pouvoir identifier des synergies entre la politique migratoire du Maroc et le Pacte pour la Migration et l'Asile, proposé par la Commission européenne en 2020, qui soutiendra le développement et le renforcement de partenariats solides, équilibrés, et mutuellement avantageux avec les pays d›origine, de transit et de destination des migrants et des réfugiés ».