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Relations migratoires euro-marocaines / Hisser au niveau stratégique
Publié dans L'opinion le 02 - 08 - 2015

Lors de sa dernière visite officielle en République Tchèque ( 23 et 24 juillet 2015) au cours de laquelle il a été notamment reçu par le président tchèque Milos Zeman et par son homologue Lubomir Zaoràlek, Salaheddine Mézouar, ministre marocain des affaires étrangères et de la coopération, a donné une interview à Radio Prague ,dont le contenu a été reproduit par le site WakeUp. Parmi les thèmes abordés, figure la nouvelle politique migratoire du Maroc et la proposition de l'Union Européenne d'ouvrir au Maroc des camps de réfugiés. En réponse à une question à ce propos, le ministre avait notamment répondu :
Le "niet" du Maroc
"Jamais le Maroc n'installera un camp de réfugiés sur son territoire. Ce n'est pas dans l'esprit et la culture du Maroc. Le Maroc est un pays d'accueil de l'immigration subsaharienne. On était un pays de transit. On ne l'est plus. On est un pays qui intéresse de plus en plus les pays africains et leurs citoyens.
En 2014, nous avons intégré plus de 20.000 personnes de l'Afrique subsaharienne, qui bénéficient des mêmes droits que les Marocains. Nous continuons à le faire en 2015.La vision du Maroc est totalement différente de cette vision là. Le Maroc a apporté une forte contribution pour freiner l'immigration clandestine parce que derrière, il y a des mafias et des réseaux. Le Maroc a dons assumé sa responsabilité vis à vis d'un partenaire stratégique comme l'Europe pour freiner, à ses frais et avec ses moyens, l'immigration illégale. L'Europe a rarement contribué à tout ce qui a trait à l'immigration subsaharienne. Donc le Maroc ne s'inscrira jamais dans cet esprit. Vous imaginez un camp de réfugiés ? Je pense que ce n'est pas une idée ingénieuse. Autant l'éviter..."
Sur la question principale des centres de réfugiés, c'est clair et net, sans ambiguïté aucune. En cette période de vacances estivales, cet aspect de la déclaration du ministre marocain des Affaires étrangères, ne peut passer inaperçu au niveau des chancelleries, ainsi que du tissu associatif préoccupé par la protection des droits des migrants et des réfugiés, aussi bien dans les pays du Nord, que ceux du Sud.
Clarifications nécessaires
Entendons nous bien. Le Maroc a certes besoin de l'établissement d'une procédure nationale équitable, transparente et clairement identifiée de détermination du statut de réfugié.
La loi y afférent est toujours attendue dans le cadre de la nouvelle politique migratoire du Maroc, impulsée par le Roi Mohammed VI en septembre 2013,et pour répondre aux obligations dû Maroc liées à sa ratification depuis bien longtemps, non seulement à la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et à son protocole du 31 janvier 1967, mais également au niveau régional, à "la Convention de l'Organisation de l'Unité Africaine régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique" adoptėe le 10 septembre 1969.
Mais autre chose serait la mise en place de camps de réfugiés sur le territoire marocain.
Retour sur d'anciens
projets de l'UE
Cette dernière option résulte en fait de différents projets de l'Union européenne tendant à l'externalisation des demandes d'asile, à la délocalisation de leur procédure et à la dénaturation de la Convention de Genève, en permettant aux Etats membres de l'UE de fuir les engagements conventionnels qu'ils ont souscrits. Le but ultime de ces pratiques est un véritable détournement et dévoiement du droit humanitaire, en empêchant la traversée des migrants et des demandeurs d'asile subsahariens qui tentent de gagner l'Europe, et en faisant éviter aux dispositifs nationaux des pays européens de supporter la besogne de l'accueil des demandeurs d'asile et d'examen de leurs demandes.
Ces tentatives européennes d'externalisation des politiques migratoires et des procédures d'asile sont déjà anciennes. La première formulation est due à Tony Blair, au Conseil européen de Thessalonique (juin 2003), avec la proposition de mise en place des "zones de protection régionales"(régional protection aéras) où on pourrait transférer les demandeurs d'asile afin d'y voir leur demande examinée. Ces zones de protection peuvent être installées dans des régions de provenance de réfugiés comme le Maroc, la Turquie ou l'Iran.
La Suède et la France s'y étant opposés, l'idée fut reprise un an plus tard, en été 2004, avec une initiative italo-allemande, consistant à créer des "portails d'immigration" ou des "centres d'asile" dans les pays d'Afrique du Nord, dont le Maroc et la Libye, afin d'empêcher la traversée des migrants et des demandeurs d'asile subsahariens qui tentent de gagner l'Europe. Le but est de mettre en place des structures pour bloquer les migrants soit dans les pays d'origine, soit aux frontières de l'U.E, en attendant l'instruction de leurs requêtes.
Le "verni" humanitaire
Dénommés par la suite "centres d'accueil" à vocation humanitaires, ces espaces ne devaient pas moins constituer en fait des lieux d'internement, d'enfermement pour parquer, trier et renvoyer des personnes qui gênent en Europe et surtout pour la plupart d'entre eux, qu'ils n'atteignent pas le territoire européen. En effet, le 15 décembre 2004,dotée de un million d'Euros, dont 80% par la Commission européenne et 20% par le gouvernement néerlandais, une convention fut signée entre l'UE et le Haut Commissariat aux Réfugiés ( (HCR). Son objet était le renforcement institutionnel concernant l'asile en Afrique du Nord, avec la mise en place de cinq projets "pilotes", couvrant chacun un des cinq pays maghrébins suivants: Maroc, Mauritanie, Algérie, Tunisie, Libye. Cette convention donnera lieu notamment au lancement de deux études par le Réseau Euro-méditerranéen des droits de l'homme ( REMDH, basé à Copenhague)
En vue "d'humaniser" ces centres, cette convention donnera lieu également en novembre-décembre 2005, à la formation "ASILMAROC",initiée dans le cadre de la politique d'externalisation de l'asile (phase préparatoire) conduite par la Commission européenne et mise en œuvre par une action complaisante du HCR. Cette formation s'est faite sous la houlette d'une association française, la CIMADE (service œcuménique d'entraide) basée à Paris et une association marocaine basée à Khouribga, l'AFVIC (Association des Amis et Familles des Victimes de l'Immigration Clandestine), afin de former les acteurs associatifs au Maroc pour le suivi vigilant du respect des droits de l'homme dans la gestion des centres d'accueil et pour les "humaniser".
Européocentrisme
Cette démarche était en réalité une forme d'européocentrisme consistant à transposer au Maroc l'expérience française, consistant à créer des centres de rétention ou d'enfermement des étrangers irréguliers, mais à les observer de l'intérieur par des ONG ( la CIMADE en particulier) au niveau du respect des droits fondamentaux. En clair, cela voulait dire politiquement, que ces centres d'accueil sont viables et acceptables, à la condition que des ONG de la société civile suivent à l'intérieur de ces espaces le respect des droits de l'homme !!!
Mais en fait, il s'agissait moins d'assurer la protection des demandeurs d'asile que de protéger l'Europe et de lui éviter l'arrivée des demandeurs d'asile. En d'autres termes, au lieu de protéger les réfugiés, l'Europe se protège d'eux en lançant un processus de "sacralisation" des frontières externes de l'UE et en renforçant l'idée d'une Europe en danger. Cet alignement des ONG citées précédemment sur la politique d'externalisation de l'asile par l'UE, a entraîné l'implosion de la Plateforme migrants ( PFM Maroc),structure fédérative de défense des droits des Subsahariens au Maroc...
Ceci n'a pas empêché qu'au même moment- oh paradoxe !- l'idée de ces "centres d'accueil" fut rejetée officiellement par le Maroc. Mais elle est remise sur le tapis à chaque occasion par l'UE comme en 2015,ce qui a amené le ministre marocain des Affaires étrangères à déclarer à Prague, que c'était une "idée non ingénieuse à éviter"...
Ne pas confondre causes
et conséquences
Le ministre a eu raison de montrer l'antagonisme entre cette idée et la nouvelle politique migratoire du Maroc, consistant en particulier à mener une opération exceptionnelle de régularisation des "sans-papiers" principalement subsahariens, et à leur assurer une insertion intégrale au plan socio-économique, éducatif, culturel, voir même politique, en accordant à certaines conditions, le droit de vote aux élections locales...
Mais on se démarquera des raisons invoquées par le ministre pour justifier cette nouvelle politique migratoire, qui comprend également une mise à niveau institutionnelle et juridique en la matière. Il s'agit plus d'une politique dictée par l'impératif de solidarité avec les pays subsahariens en particulier et le nécessaire respect des droits de l'homme, que pour faire plaisir ou rendre service à l'UE, en empêchant par une fonction de délégation et de sous-traitance sécuritaire, l'accès des Subsahariens au territoire de l'UE.
Rappelons nous en effet le discours royal du 6 novembre 2013,à l'occasion du 38éme anniversaire de la Marche Verte. Le Roi Mohammed VI invitait le gouvernement à "élaborer une nouvelle politique globale, relative aux questions d'immigration et d'asile, suivant une approche globale, relative aux questions d'immigration et d'asile, suivant une approche humanitaire conforme aux engagements internationaux du Maroc et respectueuse des droits des immigrés".
A notre sens, cette formulation renvoie à l'ensemble des instruments internationaux de protection des droits de l'Homme ratifiés par le Maroc et notamment : le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la Convention contre la torture, la Convention des droits de l'enfant, la Convention pour l'élimination de toutes les formes de discrimination contre les femmes, la Convention internationale pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leurs familles et la Convention de 1951 relative aux réfugiés, ainsi que son Protocole additionnel de 1967.
Non aussi à l'accord
de réadmission !
Le "niet" marocain exprimé à Prague, appelle à notre sens et sur le même registre, une autre clarification sur le chapitre de la réadmission, qui concerne selon Bruxelles, non seulement les Marocains "irréguliers "en Europe, mais également les "illégaux" étrangers en Europe qui auraient transité par le Maroc. Les responsables de l'UE devraient bien comprendre, une fois pour toute, que le Maroc ne peut également pour des raisons de respect des droits de l'homme et de sauvegarde des intérêts géostratégiques du pays ( principalement le dossier de son intégrité territoriale ),signer l'accord communautaire de réadmission que l'UE cherche à lui imposer, moyennant pressions et chantages divers depuis le début de ce siècle, et enrobé depuis le 7 juin 2013 dans la "Déclaration conjointe établissant un Partenariat pour la Mobilité entre le Royaume du Maroc et l'Union européenne et ses États membres".
Le Maroc ne peut, au même moment, suivre une nouvelle politique migratoire humaniste à l'égard notamment des Subsahariens et traiter ces derniers de manière répressive dans la cadre de ce projet d'accord de réadmission, même si sa signature est assortie de facilitation dans les procédures d'octroi des visas aux Marocains par l'UE... Ce qui prime, c'est la vision à long terme et non pas la prise en considération d'intérêts à courte vue, motivés notamment dans le domaine migratoire par des préoccupations politiques immédiates, qui amènent des responsables et acteurs politiques à surdimensionner la démarche sécuritaire et à caresser dans le sens du poil leur opinion publique pour des raisons électoralistes.
Discours du Trône 2015
C'est le sens que l'on donnera à cette vision exprimée jeudi dernier par le Discours du Trône 2015, s'agissant des relations euro-marocaines : "En tant que partenaire stratégique de l'Europe, le Maroc appelle à la mise en place d'un partenariat équilibré et équitable transcendant les intérêts conjoncturels étriqués".
Dans ce même discours, le Roi Mohammed Vi a mis également en relief le fait que dans les dossiers mondiaux qui se posent à la planète, comme celui de l'immigration, le Maroc a eu "un engagement constructif". Dans cet esprit, les rencontres internationales abritées par le Maroc dans ce domaine, constituent une parmi les manifestations qui témoignent de la confiance et de la crédibilité dont notre pays jouit à l'échelle internationale."
En définitive, s'agissant des "centres de réfugiés" et du projet d'accord euro-marocain de réadmission, répétons encore une fois et encore ce qui suit. Alors que le Maroc plaide ( et devrait encore à notre sens, renforcer sa communication) en faveur de son initiative baptisée "Alliance africaine pour la migration et le développement", qui vise entre autre une vision africaine commune sur la migration, les principes humanitaires, la promotion et la protection des droits fondamentaux des migrants et des réfugiés, ainsi que la consolidation au niveau régional, interrégional ou global de la synergie entre la migration et le développement, on ne peut au même moment du côté européen, pousser le Maroc à suivre dans le domaine migratoire, une démarche antinomique avec cette logique humaniste et cette volonté de renforcer la concertation et l'action commune, les avantages de la migration et ses effets.
*Universitaire à Rabat, cherche spécialisé en migra


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