L'Union européenne met la pression sur le Maroc pour conclure un accord de réadmission et ouvre en contrepartie des négociations sur la facilitation des visas pour certaines catégories de Marocains. Le Maroc et l'Union européenne ont signé ce vendredi au Luxembourg une déclaration conjointe établissant un «partenariat pour la mobilité», qui couvre plusieurs domaines liés à la migration : mobilité et intégration, immigration clandestine, contrôle des frontières, lutte contre les trafics d'êtres humains et protection internationale. L'UE a entamé des pourparlers avec la Tunisie en décembre dernier sur ce même partenariat, qui est déjà en vigueur avec plusieurs pays tiers, principalement d'Europe de l'est (Moldavie, Géorgie, Arménie) et le Cap-Vert. Ce partenariat pour la mobilité a été conçu par la Commission européenne en 2006 lors de la réorientation de la politique migratoire de l'UE, que Bruxelles essaye d'unifier : «Après que certaines conditions auront été satisfaites, telles que la coopération en matière d'immigration clandestine et la conclusion d'accords de réadmission, l'objectif pourrait être d'établir en concertation avec un certain nombre de pays tiers intéressés des programmes de mobilité qui permettraient à leurs ressortissants de bénéficier d'un meilleur accès à l'UE. Il est manifestement nécessaire de mieux organiser les diverses formes de déplacements légaux entre l'UE et les pays tiers.» L'objectif de l'UE est double : d'un côté renforcer la «forteresse» Schengen, à travers la coopération sécuritaire et les accords de réadmission, qui délèguent aux pays tiers frontaliers de l'UE la gestion des clandestins et demandeurs d'asile ; de l'autre, développer la migration légale pour répondre aux besoins de main d'oeuvre des pays européens et accroître l'attractivité de l'UE. En contrepartie, les pays-tiers comme le Maroc reçoivent une compensation financière, des programme d'assistance technique et une facilitation des visas pour leurs ressortissants, à négocier. Les détails du «partenariat» avec le Maroc Sur le même principe que le statut avancé accordé au Maroc en 2008, la déclaration conjointe signée vendredi au Luxembourg est une «feuille de route», un engagement politique à atteindre certains objectifs définis par les deux parties. La liste des actions concrètes que l'UE et ses pays membres «sont prêts à organiser, à financer ou à co-financer» n'est pas encore fixée de manière définitive, indique la déclaration conjointe. Une réunion est prévue «au plus tard fin septembre 2013» pour faire le point sur les éventuelles modifications. Le contenu et la portée de ces actions sont en outre conditionnés aux résultats des négociations qui vont s'ouvrir, notamment sur la facilitation des visas et l'accord de réadmission. L'accord de réadmission, au centre des négociations L'Union européenne tente de signer un accord de réadmission avec le Maroc depuis plusieurs années. Il s'agit pour l'Etat marocain de s'engager à recevoir ses propres ressortissants entrés illégalement dans l'espace Schengen mais aussi les ressortissants de pays-tiers, principalement des pays subsahariens, qui sont passés par le Maroc pour entrer en Europe. L'UE s'inspire de la politique migratoire des Etats-Unis, dont les accords avec le Mexique prévoient la gestion par Mexico des ressortissants d'Amérique centrale (notamment du Guatemala) et des Caraïbes. Bruxelles a inclus dès 2000 des clauses de réadmission avec le groupe des Etats d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP), lors de la conclusion de l'accord de Cotonou. L'UE a déjà essayé de conclure un accord en 2010 avec la Libye, qui accueille la majorité des migrants subsahariens tentant d'entrer clandestinement en Europe par les frontières sud. Mais les conditions de vie et de détention des migrants sur le sol libyen ont été dénoncées par le parlement européen. Craintes sur le respect des droits des migrants La déclaration conjointe Maroc-UE prévoit de «reprendre les négociations entre l'UE et le Maroc pour la conclusion d'un accord de réadmission équilibré, prévoyant des dispositions relatives aux ressortissants des pays tiers ainsi que des mesures d'accompagnement et conciliant le souci de l'efficacité opérationnelle avec l'exigence du respect des droits fondamentaux des migrants.» Au niveau des actions envisagées, l'UE propose notamment un soutien «à la mise en œuvre d'un système national d'asile au Maroc (en coopération avec le HCR)», avec la mise en place du cadre législatif, la formation et l'appui institutionnel à l'instance nationale de l'asile qui sera créée (Programme Spring, «à confirmer» selon la déclaration conjointe). La principale crainte des acteurs associatifs concerne les droits des migrants, réfugiés et demandeurs d'asile, régulièrement bafoués au Maroc comme l'a souligné dans son rapport le Rapporteur spécial de l'ONU contre la torture, Juan Mendez, après sa visite dans le royaume en septembre 2012. L'UE prévoit plusieurs actions dédiées à la protection des migrants au Maroc, en partenariat avec des associations européennes (Caritas, Terre des Hommes, France Solidaire) mais les moyens qui seront engagés - et la volonté politique côté marocain - ne sont pas encore connus. Vers des visas de court séjour à entrées multiples En contrepartie de l'accord de réadmission, l'UE propose le «renforcement des moyens consulaires des Etats membres au Maroc» et l'ouverture de négociations sur la facilitation des visas pour certaines catégories de Marocains (hommes d'affaires, étudiants, chercheurs). La France propose ainsi la délivrance de visas de court séjour à entrées multiples «pour les ressortissants marocains qui favorisent les relations économiques ou culturelles franco-marocaines». L'Espagne aussi propose de délivrer des visas à entrées multiples «pour certaines catégories de personnes» et de réduire «au minimum» les délais de délivrance des visas pour des raisons humanitaires.